Turquie : la romancière Asli Erdogan est sortie de prison jeudi soir
Un tribunal stambouliote a ordonné la remise en liberté de la romancière, jugée pour avoir soutenu un journal pro-kurde. Elle reste accusée "d'appartenance à une organisation terroriste" et risque la prison à perpétuité.
Libre, mais sous contrôle judiciaire : "Je ne réalise pas encore, je suis sous le choc". Après 132 jours de détention provisoire, la romancière turque Asli Erdogan est sortie de la prison pour femmes de Bakirköy jeudi soir 29 décembre, ont constaté des vidéastes de l'AFP. La linguiste reconnue Necmiye Alpay a également été libérée. Le journaliste Mustafa Yimaz a posté sur Twitter ces deux messages et cette photo de l'écrivaine tout juste libérée, à 19h34 :
Award-winning author of multiple books & peace activist #AsliErdogan freed after 4 months in prison. She should've never been jailed #Turkey pic.twitter.com/Uk3WvVVr74
— Mustafa Yilmaz (@MustafaEdib) 29 décembre 2016
Asli Erdogan risque toujours la prison à vie
Un tribunal d'Istanbul avait ordonné quelques heures plus tôt la remise en liberté sous contrôle judiciaire de la romancière turque Asli Erdogan, rapporte l'agence de presse progouvernementale Anadolu.
La linguiste reconnue Necmiye Alpay, qui fait partie des huit autres accusés de ce procès, a également bénéficié d'une décision de remise en liberté. De même que Zana Bilir Kaya, ancien rédacteur en chef du quotidien Ozgür Gündem, fermé par décret-loi en octobre car accusé de "propagande terroriste" pour le compte de la rébellion kurde, selon Anadolu. Les accusés ne sont toutefois pas acquittés et le procès doit reprendre le 2 janvier, selon l'agence de presse Dogan. Ils ont interdiction de quitter le territoire.
Tous sont accusés d'avoir collaboré au journal Ozgür Gündem et d'être "membres d'une organisation terroriste", en l'occurrence le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ils risquent la prison à vie. La décision du tribunal a été accueillie par des célébrations de joie devant le palais de justice d'Istanbul.
Vastes purges depuis la tentative de coup d'Etat
Peu avant le début de l'audience, les autorités turques ont par ailleurs annoncé l'arrestation d'Ahmet Sik, l'un des journalistes d'enquête turcs les plus réputés, dernier d'une liste qui ne cesse de s'allonger depuis le coup d'Etat manqué de juillet et les vastes purges qui ont suivi.
Au-delà des fidèles présumés du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'être l'instigateur du coup d'Etat manqué, des dizaines de journalistes ont été arrêtés et quelque 160 médias fermés. Arrestations et limogeages ont également visé les milieux pro-kurdes ainsi que des voix critiques du pouvoir.
Auteure d'un roman qui dénonce la torture
"On m'accuse d'être membre d'une organisation terroriste sur la seule base qu'il y a mon nom dans l'ours du journal", a dénoncé Asli Erdogan lors de l'audience jeudi, selon le quotidien Hürriyet. "Je suis un écrivain, ma raison d'être est de raconter", a-t-elle dit.
Physicienne de formation et lauréate de nombreux prix, Asli Erdogan, qui n'a aucun lien de parenté avec le président turc, a vu ses romans traduits dans plusieurs langues. Le dernier, traduit en français, Le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie. Connu pour sa plume irrévérencieuse et ses enquêtes corrosives, Ahmet Sik, lauréat du Prix mondial de la Presse Unesco-Guillermo Cano en 2014, est lui aussi accusé d'avoir fait de la "propagande terroriste" et d'avoir dénigré la République turque, selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu. En cause, une série de tweets sur le PKK et des articles écrits pour Cumhuriyet, un quotidien qui critique le président Recep Tayyip Erdogan, et qui a été décimé par une vague d'arrestations le mois dernier.
L'arrestation d'Asli Erdogan a provoqué une vague d'indignation en Turquie et dans le monde, relayée par de nombreux artistes, intellectuels et écrivains. Ses soutiens affirment que la romancière souffre d'asthme et de diabète et s'inquiètent pour son état de santé.
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