"La société turque n'a pas baissé la tête" selon Didier Billon, spécialiste de la Turquie
Malgré la défaite aux élections municipales du parti du président Erdogan, "cela ne signifie pas que l’AKP est à genoux" selon Didier Billon, spécialiste de la Turquie.
"Les résultats que nous connaissons à ce jour marquent une nouvelle séquence dans la vie politique en Turquie". Didier Billion, le directeur adjoint de l’IRIS, était l'invité ce lundi de franceinfo. Le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan a enregistré des défaites inattendues dimanche lors des élections municipales.
franceinfo : Ces premiers résultats représentent-ils une brèche dans la domination d’Erdogan en Turquie ?
Didier Billion : Il faut savoir mesure garder. Je pense que les résultats que nous connaissons à ce jour marquent une nouvelle séquence dans la vie politique en Turquie. C’est incontestable car, depuis l’accession au pouvoir de l’AKP, le parti de M. Erdogan, en 2002, il y a eu douze scrutins électoraux, municipaux, législatifs, présidentiels et référendaires et ces douze scrutins ont été gagnés, et parfois haut la main, par l’AKP. Donc, dans l’hypothèse de la confirmation d’une série de défaites dans les grandes villes, comme Ankara et Istanbul, nous serions dans une nouvelle séquence.
Ce revers aura-t-il des conséquences pour l'AKP ?
Cela ne signifie pas que l’AKP est à genoux. C’est encore une incroyable machine électorale, c’est encore un parti qui a encore son principal dirigeant à la tête du pays. C’est encore un parti qui détient la majorité à l’Assemblée nationale et qui a des ramifications dans toutes les strates sociales et régionales du pays. Ce n’est pas une défaite cinglante.
A quoi peut ressembler cette nouvelle séquence ? Erdogan va-t-il desserrer sa main de fer ?
Je n’y crois pas une seule seconde. Au contraire, je pense que la répression et le climat liberticide se poursuivront. Ce qui est formidable dans les résultats que nous avons, c’est que malgré le climat pour le moins liberticide qui prévaut en Turquie, notamment depuis la tentative de coup d’Etat il y a bientôt trois ans, malgré les milliers d’arrestations, les dizaines de milliers de licenciements de fonctionnaires, malgré le matraquage médiatique qui a marqué le pays ces dernières semaines, cela prouve que la société turque n’a pas baissé la tête. Cela prouve que les partis d’opposition ont encore la possibilité de s’exprimer. Ces partis d’opposition ont désormais sur leurs épaules une tâche extrêmement importante. (...) Ils ont une lourde tâche en matière de propositions alternatives tant au niveau des questions sociétales, sociales qu’économiques.
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