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Tunisie : une victime de viol accusée d'"atteinte à la pudeur"

A Tunis, une femme est accusée d'"atteinte à la pudeur" par des policiers, après avoir été violée par ces derniers. Elle est convoquée devant un juge la semaine prochaine. Plusieurs ONG dénoncent la situation, et s'inquiètent de la condition des femmes dans la nouvelle Tunisie.
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Zoubeir Souissi Reuters)

"Nous nous aimons : violez-nous", voilà le titre qui circule pour appeler à la mobilisation sur les réseaux sociaux, après la convocation d'une Tunisienne devant un juge d'instruction. La femme est accusée d'"atteinte à la pudeur" par ses violeurs présumés.

La scène s'est déroulée le 3 septembre. Selon le ministère de l'Intérieur tunisien, la jeune femme et son petit ami ont été appréhendés par trois policiers dans une "position immorale ". Deux des agents ont alors violé la victime pendant que le troisième retenait le fiancé menotté. Les trois policiers ont été incarcérés.

Mais les policiers accusent maintenant la victime d'"atteinte à la pudeur", passible de six mois d'emprisonnement. La Tunisienne est donc convoquée par un juge. L'audition a été reportée au 2 octobre, soit mardi prochain. Un appel à manifester devant le tribunal de Tunis a été lancé.

"La victime devient l'accusée"

"Les deux agents ont commis un crime mais ça n'empêche pas qu'elle était dans une position illégale " avec son petit ami, a commenté un représentant du ministère de la Justice. "Dans cette affaire, nous nous sommes comportés comme il fallait (...). Les trois agents ont été arrêtés tout de suite ", a également réagi le ministère de l'Intérieur tunisien.

Plusieurs ONG, parmi lesquelles l'Association tunisienne des femmes  démocrates et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, dénoncent avec virulence la situation. Cette procédure transforme "la victime en accusée " et vise "à la terroriser et à l'obliger, elle et son fiancé, à renoncer à leurs droits ", selon les ONG.

"Cette affaire est très dangereuse et est révélatrice de la situation que nous vivons en ce moment. Dans un pays en transition démocratique la victime est présentée comme un criminel. [...] Les policiers peuvent se permettre tous les dépassements et toutes les violences et s'en sortir innocents ", dénonce également une jeune Tunisienne sur son blog.

Des Tunisiennes harcelées pour leur tenue

La députée , membre d'Ettakatol, un parti de gauche allié aux islamistes, s'est désolidarisée du gouvernement suite à cette affaire. "Je me désolidarise complètement de ce gouvernement. L'affaire du viol et la convocation de la victime ce matin est la goutte d'eau qui vient de faire déborder le vase ", écrit-elle, lançant à la coalition tripartite au pouvoir "Je vous vomis ! "

Depuis l'arrivée des islamistes d'Ennahda au pouvoir, plusieurs ONG dénoncent le comportement de la police à l'égard des femmes. Les Tunisiennes sont régulièrement harcelées pour leur tenue vestimentaire ou lors de sorties nocturnes sans un homme. Plus globalement, les associations s'interrogent quant au promesses du gouvernement pour améliorer la condition des femmes dans le pays. 

Au mois d'août, un large mouvement de protestation avait eu lieu suite au projet d'inscrire dans la nouvelle Constitution la "complémentarité" des sexes et non l'égalité. Ce projet de texte a été abandonné lundi.

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