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Syrie : l'Armée de la conquête, une coalition hétéroclite contre Assad et Daech

Face au régime syrien, qui ne tient plus que 15% du territoire, et à Daech qui en contrôlerait 50, la rébellion contre les deux progresse au gré de soutiens variés et capricieux. Regroupées sous l’appellation Armée de la conquête, ses composantes ont marqué des points ça et là dans le pays, mais elles sont freinées par les frappes russes qui ne pensent qu’à maintenir Bachar al-Assad aux commandes.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Un combattant de la brigade Ahrar al-Sham, composante de l'Armée de la conquête, défendant les environs de Marjeh, au nord de la ville d'Alep, en janvier 2014. (AFP PHOTO / MAHMUD AL-HALABI)

Pas moins de sept formations combattantes syriennes recensées font désormais partie d’un front commun, aléatoire, baptisé Jaysh al-Fath ou l’Armée de la conquête.
 
Créée en mars 2015, cette armée est financée, en principe, par les trois ténors du monde sunnite, Arabie Saoudite, Qatar et Turquie, équipées et entraînées, pour certaines, par les soins de Washington. Ses composantes ont la particularité d’être en guerre pour la plupart contre le pouvoir de Bachar al-Assad et les combattants de l’organisation de l’Etat islamique ou Daech.
 
Présentes surtout dans le nord et à l’ouest, en limite du pays alaouite, fief de la communauté du clan Assad, elles sont aujourd’hui la cible prioritaire de l’intervention Russe qui a pour principal objectif de renforcer le régime, et par la même occasion, son influence dans ce pays.
 
Le Front al-Nosra
Branche syrienne d’al-Qaïda, Jabhat al-Nosra de son nom arabe est apparue en avril 2011, après l’amnistie des islamistes par Bachar al-Assad. Elle n’est sans doute pas le groupe le plus puissant de la rébellion islamiste, mais sûrement la plus ambiguë.
 
Dès son apparition sous forme d’opposition armée, elle s’est illustrée par des exactions du genre décapitations, lapidations et autres méthodes barbares, calquées sur celles pratiquées dans les geôles du régime, pour asseoir par la terreur son pouvoir sur la population.
 
Après s’être imposé par des victoires sur le terrain, à Hama et Idlib notamment, un de ses chefs, Abou Mohamed al-Jolani, a joué le pragmatisme. Il s’est lancé dans une opération de séduction, via al-Jazira, la chaîne du parrain qatari, en affirmant n’avoir rien contre les minorités, y compris alaouite. Il promet même protection à cette dernière, si elle rejetait sa religion et Bachar al-Assad.
 
Même s’il existe des désaccords internes sur l’affiliation au mouvement fondé par Oussama Ben Laden, le front al-Nosra, favorable à un djihad global pour lequel il recrute des combattants étrangers, reste classé parmi les organisations terroristes par la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis.
 
Ahrar al-Sham
Contrairement à al-Nosra, Ahrar al-Sham ou «les hommes libres du pays de Damas» est un mouvement purement syrien dont le combat se limite au territoire national. 
 
Avec quelque 20.000 combattants, presque exclusivement syriens, elle est considérée comme la composante la plus puissante de l’Armée de la conquête.
 
Opposants historiques au régime d’Assad, plusieurs de ses chefs avaient été libérés par Assad de la prison de Sednaya au nord de Damas, réservée aux Frères musulmans et aux salafistes. Une manœuvre, dès cette époque, pour détourner et discréditer un soulèvement au départ pacifiste.
 
Ils sont aujourd’hui également de farouches combattants contre les forces de Daech, qu’ils avaient accueillies en frères en 2013 à Raqqa, capitale proclamée de l’Etat islamique en Syrie, mais qui les ont trahis et évincés de la ville en 2014.
 
Les dirigeants d’Ahrar al-Sham ont la réputation d’être éduqués et d’avoir fait leurs preuves dans la gestion des villes et villages de la région d’Idlib, pour laquelle ils ont recrutés des ingénieurs et des cadres.
 
Soutenus fermement par le Qatar, ils récusent tous liens avec al-Qaïda et se présentent comme une alternative sunnite crédible à l’EI. Une stratégie de séduction des puissances occidentales mais qui pourrait leur faire perdre des combattants au profit d’al-Nosra ou même de Daech.
 
Là aussi un pragmatisme ayant permis à cette formation de survivre à l’attentat kamikaze de septembre 2014 qui avait décapité sa direction en tuant une cinquantaine de ses cadres dirigeants.

Un combattant de l'opposition syrienne parade sur un char des forces loyales au régime, après la prise de la base de la Brigade 52 dans la province de Deraa, le 9 juin 2015. (Ibrahim Hariri/Anadolu Agency)

 
L’Armée de la conquête peut également compter sur une coopération avec d’autres groupes moins médiatiques mais non moins efficaces :
 
Faylaq al-Sham connu également sous le nom de la Légion de Homs. Il s’agit d’un regroupement de bataillons liés aux Frères musulmans, formé pour renforcer l’influence des islamistes modérés dans le conflit syrien.
 
Jund al-Aqsa, les Soldats d’al-Aqsa, un petit groupe de djihadistes essentiellement constitué de combattants étrangers. Ancien sous-groupe d’al-Nosra, il a pris son autonomie en restant allié à des groupes dits modérés et en refusant de condamner l’Etat islamique.
 
Fursan al-Haq, la Brigade des chevaliers du droit, formée en septembre 2012 et présente au sud d’Idlib et à l’ouest d’Alep. Elle aurait reçu, elle, de l’armement américain.
 
Jaysh al-Islam, l’Armée de l’islam, issue elle-même de plusieurs groupes de combattants, elle est surtout active dans la Ghouta de Damas. Elle est commandée par Zahran Allouche et ses effectifs oscillent entre 9000 et 25.000 combattants. Elle a le soutien de l’Arabie Saoudite et bénéficierait d’instructeurs pakistanais.
 
Il y a enfin le Front sud, un rassemblement de groupes armés rebelles non islamistes solidement implanté dans la province de Deraa d’où il a chassé l’armée syrienne.
 
Contre une force aussi hétéroclite et instable, et des combattants fluctuant entre Armée de la conquête et Etat islamique en fonction du montant et du paiement de leurs salaires, on comprend la difficulté à suivre, localiser et frapper ses composantes.

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