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Syrie: Bachar al-Assad veut «libérer» chaque pouce du territoire syrien

Comme il le fait périodiquement lorsqu’il a des messages à délivrer, le président syrien a entrouvert la porte de son pays à trois parlementaires français triés sur le volet. Il en a profité pour répondre à quelques questions des journalistes accompagnant la délégation. Un quart d’heure d’entretien «au pied levé» pour communiquer sur les grandes lignes de sa stratégie après la chute d’Alep.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Bachar al-Assad, en entretien «spontané» avec les journalistes accompagnant une délégation de parlementaires français à Damas, le 8 janvier 2017. (HO/SANA/AFP)

Seul à pouvoir décider qui est autorisé ou non à pénétrer sur le territoire syrien, Bachar al-Assad a reçu durant plus d’une heure, le 8 janvier 2017, trois parlementaires français au palais présidentiel.
 
L'habituel exercice de communication de Bachar al-Assad
Venus à titre personnel passer le Noël arménien avec les chrétiens d’Alep, l’ancien ministre Thierry Mariani (LR), et les députés Nicolas Dhuicq (LR) et Jean Lassalle (ex-Modem) n’en sont pas à leur premier déplacement en Syrie. De retour à Damas, ils ont eu droit à l’habituel exercice de communication du président syrien.
 
Mais c’est surtout aux journalistes accompagnant cette délégation que ce dernier a réservé l’essentiel du message qu’il entendait communiquer, à la France en particulier et aux autres puissances en général.
 
Concernant la France, Bachar al-Assad a estimé qu’elle était déconnectée de la réalité syrienne et qu’elle n’avait pas changé sa position ni son «vieux langage» sur la situation dans la région.
 
En revanche, il s’est dit séduit par le discours de François Fillon sur le dossier syrien. «Sa rhétorique concernant les terroristes, sa priorité consistant à combattre les terroristes et à ne pas s’ingérer dans les affaires d’autres pays, sont les bienvenues», a-t-il dit. «Il faut attendre de voir, car nous n’avons pas de contact. Mais jusqu’à présent, ce qu’il dit, s’il le met en application, serait une très bonne chose», a-t-il précisé.

Le président syrien optimiste sur un avenir avec François Fillon et Donald Trump 
Une manière de s’immiscer dans la présidentielle française, en soutenant la candidature de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. François Fillon voit en effet Bachar al-Assad comme un rempart contre le terrorisme, estime qu’il est indispensable de discuter avec lui et préconise de rouvrir «au moins un poste diplomatique» pour avoir un canal de discussion avec le régime syrien.

Interrogé dans la foulée sur la prochaine prise de fonction de Donald Trump aux Etats-Unis, le président syrien trouve les déclarations du successeur de Barack Obama «très prometteuses». «Oui! a-t-il répondu, un rapprochement entre la Russie et les Etats-unis aura des retombées positives pour la Syrie.»
 
Mais c’est surtout sa stratégie après la chute d’Alep que Bachar al-Assad a tenu à faire connaître. A la question de savoir s’il allait s’atteler à la reconquête de Raqqa, la capitale de Daech en Syrie, la réponse a aussitôt fusé: «Bien sûr!, s’exclame-t-il, notre mission, conformément à la constitution et aux lois, est de libérer chaque pouce de terre syrienne. Ce n’est pas discutable. La question est de savoir quand?», précisant que cela se décidait en fonction des priorités militaires.
 
En fonction également, sans doute, des priorités que fixeront ses principaux alliés et soutiens sur le terrain. La Russie, qui l’avait déjà rappelé à l’ordre une première fois sur une telle exigence, et l’Iran, très investi au sol, mais qui a déjà payé un lourd tribut en gardiens de la révolution et en miliciens chiites associés.

Des négociations avec une «vraie» opposition
Bachar al-Assad a également confirmé aux journalistes français que la trêve décidée par Moscou et Ankara ne concernait ni les combattants de l’Etat islamique, ni ceux d’al-Nosra, et que l’offensive se poursuivrait contre Wadi Barada, «qu’ils disent tenir», précise-t-il, pour reprendre aux rebelles le contrôle de l’approvisionnement en eau de la capitale.
 
Quant aux pourparlers de paix prévus fin janvier à Astana, au Kazakhstan, il estime que «tout» est ouvert à la négociation, mais «on ne sait pas qui représentera l’autre partie», dit-il. Il exige de discuter avec une «vraie» opposition.
 
«Quand je dis vraie, je veux dire une opposition qui a ses racines en Syrie, pas la saoudienne ou la française ou la britannique…», ironise-t-il, estimant que le succès de cette conférence en dépendra.

Plus de 300.000 morts, pour  Assad, «c'est parfois le prix à payer» 
Convaincu d’être «sur le chemin de la victoire», Bachar al-Assad n’a en tout cas aucun remords sur les ravages de sa politique de terre brûlée contre «les terroristes», comme il qualifie toute opposition à sa personne ou à son régime.
 
Avec plus de 300.000 morts, des millions de réfugiés et de déplacés, des villages et des quartiers entiers de grandes villes dévastés, Bachar al-Assad reste dans le déni total de sa responsabilité dans un tel bilan.
 
«Bien entendu c'est très douloureux pour nous, Syriens, de voir une partie de notre pays détruite, et de voir un bain de sang», mais «je n'ai jamais entendu parler, dans l'histoire, d'une bonne guerre (...). Toutes les guerres  sont mauvaises», dit-il.
 
Passant en pertes et profits les vies civiles, il estime qu’il faut «libérer les gens des terroristes» et «c’est parfois le prix à payer», ajoute-t-il sans ciller.

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