Rojava: naissance d'un Kurdistan en Syrie ?
Dernière nouvelle en date, l’alliance kurdo-arabe FDS (Forces démocratiques syriennes) a pris à l’EI le 3 janvier 2016 de nouveaux territoires dans le nord de la Syrie, près de la localité d’Aïn Issa, à environ 50 km de Raqqa, la capitale de Daech en Syrie. Le 26 décembre 2015, cette même coalition avait pris à l'EI le barrage de Tichrine sur l'Euphrate, dans le nord de la Syrie, ainsi que plusieurs localités sur la rive Est du fleuve. Ce barrage est stratégique puisqu'il fournit en électricité de vastes régions de la province d'Alep.
Il s'agissait de la deuxième grande opération de la coalition fondée en octobre, qui a repris à l'EI quelque 200 villages dans la province de Hassaké (nord-est de la Syrie). La progression des forces kurdes et de leurs alliés arabes dans cette région isole en partie les zones contrôlées par l’EI de la Turquie, pays accusé de laisser passer armes et hommes vers les djihadistes. Une progression qui se poursuit depuis les victoires de Kobané, puis en juin 2015 celle de Tall Abyad. «C'est certainement la plus importante perte pour l'EI jusqu'à présent», a affirmé Aymenn Jawad al-Tamimi, du centre de recherche Middle East Forum. «Tall Abyad servait d'importante route de transit pour les combattants, les armes et les marchandises de la Turquie vers le territoire contrôlé par l'EI.» D’ailleurs, Daech contrôle toujours la rive Ouest de l'Euphrate, de Raqqa à Jarablus, à la frontière turque.
Les Kurdes de Syrie ont profité de la guerre civile pour prendre en main les régions dans lesquelles ils sont majoritaires. «Dès le début du conflit, Bachar al-Assad a pris le parti de "lâcher" le Kurdistan aux forces kurdes du YPG (branche syrienne du PKK) avec un triple objectif : ne pas disperser ses forces sur de trop nombreux fronts ; créer des dissensions entre rebelles ; mettre la pression sur la Turquie opposée de longue date au PKK», explique le site Etudes géostrategiques.
Résultat: le Rojava – nom que les Kurdes donnent à la zone kurde au nord de la Syrie – est devenu, de facto, autonome, avec l'idéologie révolutionnaire et laïc qui va avec. Une idéologie symbolisée (et médiatisée, voir ce reportage) par la présence des femmes (et leur propre mouvement, YPJ) au milieu des combattants.
Leur dirigeant, Ciwan Ibrahim, a déclaré que plus de 450 membres de cette force avaient été instruits dans le Rojava à certaines techniques d'anti-terrorisme, désamorçage d'engins explosifs dans des voitures ou des bâtiments piégés, par exemple. «Certains Etats occidentaux ont apporté un soutien et envoyé des équipes pour apporter leurs connaissances dans le Rojava», explique-t-il. Les combattants kurdes bénéficient notamment du soutien aérien des Américains.
De l’autre côté de la frontière, en Turquie, les autorités ne semblent pas apprécier pas la naissance de cette région kurde de plus de 400 km de long à sa frontière, sous la direction des YPG, que les Turcs considèrent comme une branche du PKK, jugé mouvement terroriste en Europe, aux Etats-Unis et bien sûr en Turquie. D'ailleurs, pendant la bataille de Kobané, les autorités turques avaient refusé de soutenir la lutte des Kurdes contre Daech. La zone autonome du Rojava se développe alors que du côté turc, l’armée et la police sont en pleine opération repressive dans les zones kurdes du pays, menant parfois des raids de l'autre côté de leur frontière.
#Rojava #Syrie Les Forces Démocratiques Syriennes ont libéré deux villages aux mains de Daesh au sud d'Ain Issa.
#Rojava #Syrie
— InfoRojava-Kurdistan (@info_Rojava) January 4, 2016
Les Forces Démocratiques Syriennes ont libéré deux villages de mains de Daesh au sud d'Ain Issa. pic.twitter.com/qffM4aSHuH
Contrairement aux Kurdes irakiens, qui ne semblent pas vouloir sortir de leur zone autonome et qui entretiennent des relations commerciales avec la Turquie, les Kurdes de Syrie sont partie prenante des combats contre Daech. La coalition, mise sur pied par le PYD, qui ne fait pas partie de l'opposition au régime de Damas organisée par l'Arabie Saoudite, est la seule à pouvoir, au sol, avec le soutien des raids américains, déloger les islamistes de Raqqa, une zone qui n'est pas dans les zones à population kurde.
Reste à savoir ce que deviendrait cette région dans le cadre d'un plan de paix en Syrie... En 1920, après la guerre de 14 et la fin de l'empire ottoman, l'idée d'un Kurdistan indépendant avait été actée. Trois ans plus tard, elle était définitivement abandonnée par les grandes puissances. Aujourd'hui, la question kurde est de retour.
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