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Réseaux sociaux : lutter contre Daech, mode d'emploi

Daech utilise les réseaux sociaux comme outil de propagande et de recrutement. Il en maîtrise si bien les codes, qu'il devient un fléau pour les responsables des réseaux sociaux et pour les gouvernements. Contre eux, la lutte s'organise.
Article rédigé par Celia Mascré
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le groupe Etat islamique (EI) utilise les réseaux sociaux comme outil de propagande et de recrutement (Flickr)

Leur maîtrise des réseaux sociaux n'est plus à prouver. En témoigne le cynique «live-tweet» de l'attaque terroriste du centre commercial de Nairobi en septembre 2013. Il dispose même d’un ministère de la communication, «Wizarat al Aala». «Tout est hiérarchisé, tout est validé par l’émir de ce ministère de la communication» explique David Thomson, journaliste reporter à RFI et auteur de Français djihadistes. Et les méthodes sont parfois peu subtiles. Sur Twitter, par exemple, ils pratiquent la méthode dite du «pigbacking», qui consiste à diffuser un contenu (vidéo, photo ou texte) agrémenté d'un hashtag populaire, quitte à ce que les deux n'aient strictement rien à voir. Ainsi observe-t-on des contenus de propagande sur le djihad en Syrie avec le hashtag #Iphone6 ou encore #worldcup2014, sujets les plus populaires sur le réseau social et donc, les plus vus. Les recrues de l'organisation étant pour beaucoup des digital natives (personne ayant grandi dans un environnement numérique, ndlr), ils ont conscience de la portée que peut avoir un post sur internet. Baignés, aussi, dans la culture américaine et occidentale, ils maîtrisent les codes du cinéma hollywoodien qu'ils utilisent, paradoxalement, pour leurs vidéos.


En octobre dernier, Daech publiait un guide d'utilisation des réseaux sociaux destiné à ses membres. Attention aux selfies et aux tweets qui grâce aux métadonnées, peuvent être géolocalisés, met-il en garde. «Un certain nombre de failles de sécurité ont permis à l'ennemi d'identifier certains frères ou certains lieux utilisés par les moudjahidines» peut-on y lire. C'est preuve que les responsables des réseaux sociaux, conjointement avec les Etats, luttent efficacement. Pourtant, le terrorisme est un concept si vaste qu'identifier les comptes et contenus qui y sont liés est terriblement complexe. D'autant qu'avec l'avènement du web, l'information n'est plus seulement verticale mais horizontale. Difficile alors d'identifier les créateurs de l'info et les consommateurs de celle-ci : la frontière est floue. Twitter, lui, fonctionne sur le principe du signalement communautaire : chaque utlisateur peut signaler un compte ou un contenu gênant, en se basant sur la charte d'utilisation du site. Le contenu ou compte en question peut être dénoncé car il viole une des règles du réseau social : harcèlement, pornographie, usurpation d'identité, etc. «Lutter contre Daesh sur Twitter c'est, par exemple, rendre le processus de dénonciation des comptes en langues européennes (notamment l'allemand, le français, l'italien, et le turc) bien plus dynamique.» selon Patricia Lalonde, chercheur associé à l'IPSE.

Capture d'écran Twitter (Twitter)

Une collaboration entre institutions et entreprises
Dans le code de conduite de Twitter, il est explicitement spécifié qu'il est interdit de «faire des menaces de violence ou promouvoir la violence, y compris par (...) la promotion du terrorisme.» Mais tous les comptes indésirables ne sont pas supprimés. Certains peuvent volontairement être conservés pour permettre aux autorités d'observer ses activités et obtenir des informations. 
Europol, une coordination européenne, se prépare afin de mieux lutter contre Daesh sur internet. Selon l'Office européen de police criminelle, chaque jour environ 100.000 tweets seraient liés au groupe Etat islamique. Face à cette production colossale, les policiers d'Europol ont pour mission d'identifier les comptes Facebook, Twitter ou autres qui diffusent les messages jihadistes. Ils en demanderont ensuite la fermeture qui est supposée être effective «quelques heures» seulement après un signalement. A l'image de Twitter, le gouvernement français mise sur les internautes pour dénoncer les contenus choquants. Et ce grâce à Pharos, une plateforme judiciaire qui reçoit des vidéos considérées comme «déviantes» ou «illégales», enregistre un succès d'utilisation, avec 129.000 demandes.

Vidéo de recrutement de Daech censurée par Youtube (Capture d'écran)

Un fastidieux et interminable travail
Mais il reste quelques points noirs : bloquer un compte, c'est bien, l'éviter de revenir, c'est mieux. Lorsqu'un compte est supprimé, il suffit d'en créer un autre avec un pseudo différent. Mais dans le cas de Twitter, 3.900 employés pour 500 millions d'utilisateurs, c'est trop peu pour lutter efficacement. De plus, tous les employés ne peuvent pas s'occuper de ces questions. La gestion des plaintes, faite par équipe et par langue, implique déjà la mobilisation de centaines de personnes. De plus, ils ne doivent pas se substituer aux autorités, qui elles doivent surveiller les comptes liés à Daech. De même, le délai entre le signalement d'un tweet gênant et sa suppression est parfois bien trop long. 

 

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