Cet article date de plus de huit ans.
L'intervention turque sur le territoire syrien marque le début de l'après Daech
Certes, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, mais la perte de territoires de l'Etat islamique (EI) est constante. La bataille de Mossoul, deuxième ville d'Irak et principale agglomération contrôlée par Daech, semble imminente. Et le tour de la «capitale» de l'Etat islamique (EI), Raqqa, en Syrie, ainsi que la ville de Deir ez-Zor ne devrait pas tarder...
Publié
Temps de lecture : 3min
...Et ce, surtout si la Turquie décide de participer aux combats, pour avoir une place au banquet qui décidera du dépeçage des territoires perdus par Daech.
Car c'est bien là que réside l'explication de la décision du président Erdogan d'engager ses chars en Syrie. La Turquie veut avoir son mot à dire sur cette restructuration de la carte régionale. Et surtout elle veut empêcher la constitution d'une sorte de «région autonome kurde», un quasi état sur l'ensemble de sa frontière méridionale. C'est le cauchemar turc depuis toujours. D'autant que les Kurdes syriens regroupés au sein du PYD, sont moins accommodants que ceux d'Irak et surtout politiquement, militairement, idéologiquement liés au PKK des Kurdes de Turquie, avec lequel les hostilités ont repris de plus belle.
Les Kurdes, d'Irak et de Syrie, ont constitué l'essentiel de la piétaille qui s'est battue contre l'EI, d'abord pour limiter ses gains territoriaux, puis pour reconquérir le terrain perdu. Ils ont en fait servi de troupes au sol pour les Etats-Unis et la «coalition internationale» qui les conseillait et leur donnait un appui aérien.
Les Kurdes pouvaient-ils espérer être récompensés du sang versé par la reconnaissance d'une large «zone autonome», quasi Etat dont ils rêvent depuis toujours? En tout cas, le PYD a cru bon de profiter de ses victoires sur Daech pour se projeter vers l'Ouest. But ultime: tenter de faire la jonction avec les enclaves kurdes de Kobané et Afrin.
Pour les Turcs, pas de Kurdes à l'ouest de l'Euphrate
Sont-ils passés en force ou avaient-ils le feu vert de leurs amis américains? Il n'avaient en tout cas pas celui des Turcs qui n'ont pas tardé à réagir. Diplomatiquement, d'abord, en renouant avec les Russes (avec lesquels ils étaient en froid depuis un an suite à la destruction d'un avion russe par la chasse turque) et le régime de Bachar al-Assad (hostile également à la constitution d'un ersatz d'Etat kurde en Syrie).
Ils ont alors posé leur condition: pas de présence du PYD à l'ouest de l'Euphrate. Et c'est pour bien se faire comprendre qu' ils ont donc franchi la frontière syrienne, officiellement pour combattre Daech qui venait de faire un attentat terriblement meutrier en Turquie, mais surtout en fait pour chasser les miliciens kurdes vers l'Est, au-delà de l'Euphrate.
Et les Américains? Ont-ils soutenu ces alliés qui se battent ainsi sous leur contrôle depuis des mois? Ils sont en fait tiraillés entre deux alliance incompatibles: avec les Turcs (membres-clés de l'OTAN) et les Kurdes. Entre les deux, leur cœur n'a pas balancé longtemps: ils ont repris à leur compte l'exigence turque de repasser à l'est de l'Euphrate. Et ils l'ont fait savoir fermement.
Les Kurdes seront-ils une nouvelle fois sacrifiés sur l'autel des grandes puissances, comme après la Première guerre mondiale? Seront-il une fois de plus les «cocus» de l'Histoire?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.