L'affaire des journalistes américains tués par EI: derrière la mise en scène
Nombre de sites de journaux américains en ligne diffusaient, le 3 septembre la photo (extraite d’une vidéo) de Steven Sotloff en blouse orange, agenouillé à côté de son bourreau debout. Ce dernier, vêtu de noir, tient un couteau à la main. Une mise en scène similaire à celle de la vidéo diffusée le 19 août au moment de l’assassinat de James Foley.
Certains journaux, comme le Washington Post ou le Wall Street Journal, rendent hommage à Steven Sotloff, qui a passé des années au Proche-Orient et travaillait notamment pour Time. «Il a (notamment) écrit des articles importants sur la prolifération des armes (en Libye après le renversement de Kadhafi) et les échecs du gouvernement central face à l’essor des milices islamistes», rapporte l’un de ses confrères, Ishaan Tharoor, dans le Washington Times.
La publication, il y a deux semaines, de la vidéo de l'exécution de James Foley avait fait l'effet d'un électrochoc aux Etats-Unis. De nombreuses voix avaient alors appelé le président Barack Obama à étendre les frappes aériennes sur le territoire syrien, où l'Etat islamique a mis sous sa coupe de vastes pans de territoires. Mais le président américain s'est mis dans l'embarras en déclarant : «Nous n'avons pas encore de stratégie.» Les commentateurs attendaient plutôt l'annonce d'imminentes attaques en Syrie, comme c'est le cas depuis le 8 août en Irak.
«Les réactions émotionnelles (…) face à ces décapitations (…) mènent le débat public», explique un observateur cité par le Los Angeles Times. «Cela va forcer Obama à se montrer plus décidé et plus interventionniste qu’il ne le souhaiterait».
Pour autant, il faut se montrer prudent, remarque l’éditorial du New York Times qui n’en dénonce pas moins «l’abomination que représentent les décapitations des deux journalistes américains». Prudent parce qu’il n’y a pas «de doute que ces actes ont pour but de nous faire surréagir». Alors que EI «ne représente pas une menace pour les Etats-Unis».
Dans ce contexte, estime l’éditorialiste, Thomas L. Friedman, le propos de Barack Obama sur l’absence de stratégie américaine se comprend mieux. L’attitude de son prédécesseur, George W.Bush, qui, après le 11-Septembre 2001, avait réagi «hâtivement» par des interventions terrestres en Irak et en Afghanistan, l’a conduit à ignorer les «complexités» de la situation sur le terrain. Si on les ignore, ces éléments «viennent vous hanter plus tard», comme on le voit aujourd’hui avec la situation chaotique au Proche-Orient en raison des multiples conflits (djihadistes sunnites contre modérés sunnites, sunnites contre chiites…) qui le ravagent. «Quand une région est touchée par autant de guerres civiles à la fois, cela signifie qu’il n’y a pas de centre de gravité mais que des forces qui partent dans tous les sens.»
Si en intervenant, les Etats-Unis ne tiennent pas compte de tous ces éléments, «nous terminerons au milieu d’un désordre indescriptible d’alliés hypocrites et de passions sectaires. Et nous ne pourrons rien entreprendre de durable». Une situation décidément «compliquée», observe Friedman. Un propos déjà employé par le général de Gaulle qui, dans ses mémoires de guerre, expliquait: «Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples.» La situation ne s’est pas simplifiée depuis…
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