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Armes chimiques: quelle réglementation internationale ?

Si l’usage d’armes chimiques en Syrie est finalement prouvé, les partisans d’une intervention armée contre le régime Assad pourraient invoquer la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (1977) et le Protocole de Genève (1935) pour justifier juridiquement une telle opération.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Exercice de simulation d'une attaque chimique dans le port de Yokohama au Japon le 15-10-2007. (Reuters - Kim Kyung-Hoon)

Le 27 août 2013, le président français François Hollande a évoqué la notion de «responsabilité de protéger» les civils contre les crimes de guerre ou contre l'humanité, votée en 2005 par l'Assemblée générale des Nations unies. Il était ainsi le premier dirigeant à mentionner une base juridique précise pour intervenir militairement en réaction à l'utilisation présumée d'armes chimiques par le régime de Bachar al Assad. Cette notion est héritière du droit d’ingérence humanitaire défini par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

La Convention sur l'interdiction des armes chimiques
Mais le texte sur lequel pourrait se fonder une intervention occidentale est la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. Celle-ci a été signée le 13 janvier 1993 à Paris et est entrée en vigueur le 29 avril 1997. Il s’agit du premier accord de désarmement négocié dans un cadre multilatéral prévoyant l'éradication d'une catégorie d'armes de destruction massive.  
 
Seuls cinq pays ne l’ont ni signé ni ratifié : la Syrie, la Corée du Nord, l'Angola, l'Egypte, le Sud-Soudan. Israël et la Birmanie ont signé le texte en 1993 mais ne l'ont toujours pas ratifiée.

Experts de l'ONU enquêtant le 26 août 2013 dans un hôpital du sud-ouest de Damas, où sont traitées des personnes apparemment blessées au cours d'une attaque chimique. (Reuters - Abo Alnour Alhaji)

L'accord interdit la recherche, la fabrication, le stockage et l'utilisation d'armes chimiques. Il interdit aussi aux signataires d'aider un pays tiers à s'engager dans la fabrication ou l'utilisation de ces armements.

Son objectif est l'interdiction complète des armes chimiques et la destruction des arsenaux existants dans le monde. Sa mise en application, notamment la destruction des stocks dans les pays signataires, est supervisée par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), basée à La Haye (Pays-Bas).
 
Les 189 pays membres de l’OIAC peuvent faire l'objet d'inspections de sites douteux après un rapide préavis. Ils doivent aussi contrôler leurs propres industries chimiques et sanctionner les entreprises violant le traité. Si un préjudice grave risque d'être causé, l'OIAC peut saisir l'Assemblée générale des Nations unies et le Conseil de sécurité de l'ONU, dépositaire de
la Convention.
           
Le protocole de Genève
Celle-ci s’appuie sur le Protocole de Genève. Il s’agit d’un traité multilatéral interdisant l’emploi d’armements chimiques et biologiques, signé le 17 juin 1925 et entré en vigueur le 8 février 1925.

Ce protocole prohibe «l'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou procédés analogues, et de moyens de guerre bactériologiques. Mais il n'interdit pas la mise au point ni la possession de tels équipements, ni leur utilisation dans des situations autres que de guerre».

Combattants britanniques portant des masques à gaz pendant la bataille de la Somme en juin 1916. (AFP - The Art Machine - Imperial War Museum)

Le souvenir des gaz de la Première guerre mondiale
On notera que le texte a été signé moins de 10 ans après la fin de la Première guerre mondiale. Laquelle est associée dans la mémoire collective à l’utilisation massive de l’arme chimique pendant ce conflit.

En avril 1915, près d'Ypres (Belgique), l'armée allemande répand sur les lignes ennemies un nuage de gaz chloré, causant la mort de 15.000 soldats. «La première utilisation par les Allemands sur le front a immédiatement été ressentie comme un crime de guerre d'autant que le gaz ne provoque ni sang ni ‘‘ouverture’’ du corps comme les obus ou les balles», souligne l'historienne Annette Becker. L'indignation n'empêchera pas les Alliés de recourir à leur tour à ces armes. Le fameux «gaz moutarde» (ypérite, mot bien évidemment dérivé de Ypres), par analogie d’odeur avec le condiment, a laissé des traces très fortes dans l'imaginaire collectif.

«Beaucoup de Français ont entendu parler dans leur famille d’un grand-père qui a été gazé à Verdun, en est mort ou en a gardé des séquelles», constate l’historienne. On en trouve aussi des traces dans la littérature, comme dans les ouvrages du Français Roger Martin du Gard (Les Thibault) ou l’Allemand Erich Maria Remarque (A l’Ouest, rien de nouveau).

«Les gaz ont été considérés comme un des grands tueurs du conflit alors qu'ils ont tué quelques dizaines de milliers de morts face aux millions de soldats tués par les obus et les balles», souligne Annette Becker. Conséquence : après le conflit, l’une des préoccupations des spécialistes du droit humanitaire a été de tout faire pour faire disparaître les gaz.

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