Cet article date de plus d'onze ans.
Alban Mikoczy sur l’attitude de Vladimir Poutine face à la Syrie
Dans la crise actuelle en Syrie, la Russie reste l’allié indéfectible du régime de Bachar al Assad. Mais curieusement, Vladimir Poutine, le président russe s’exprime peu dans les médias. Le correspondant de France 2 à Moscou, Alban Mikoczy, explique pourquoi.
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C'est surtout le ministre russe des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, qui exprime la position du Kremlin sur la situation en Syrie. On entend peu Vladimir Poutine. Que fait-il actuellement ?
Vladimir Poutine est très présent dans les médias russes ces jours-ci mais il s'implique surtout dans les deux sujets de politique intérieure : les inondations sans précedent en Extrême-Orient russe et les mesures économiques en vue de relancer la croissance russe en panne depuis le début de 2013.
C'est sur ces terrains-là qu'il est attendu par les citoyens. Il dispose en plus en Serguei Lavrov d'un relais très professionnel pour toutes les questions de politique étrangère. Voilà près de 10 ans que Serguei Lavrov dirige la diplomatie russe, il connait parfaitement les dossiers et expose inlassablement les arguments du Kremlin. Sa feuille de route est claire ; il soutient mordicus l'allié syrien, et il s'y tient d'autant plus facilement qu'il partage à 100% les opinions de Vladimir Poutine sur cette question. Non au droit d'ingérence, non à ce qu'il nomme «la volonté occidentale d'imposer un modèle aux autres pays».
Le président russe ne se met donc pas en première ligne. Pourquoi ?
Vladimir Poutine souhaite toujours maîtriser le calendrier de ses interventions. Il ne réagit jamais «à chaud» à une actualité déstabilisante. En décembre 2011, au plus fort de la contestation dans les rues de Moscou, il a pris une semaine avant de répondre aux manifestants... Peut-être consultait-t-il ses proches ou les services de renseignement ? Plus sûrement, il a voulu ce silence médiatique pour donner plus de force encore à ses propos le moment venu.
Sur la crise syrienne, c'est la même logique. Faire monter l'attente autour de sa position et la délivrer au moment ou elle aura le plus de force. Vladimir Poutine aime se placer dans la position du père sévère, mais protecteur, dont la parole ne souffre plus d'aucune discussion.
Bien évidemment, il s'exprimera juste avant ou pendant le G20 pour fustiger les attitudes belliqueuses des Occidentaux. Attitudes qui seront d'autant plus moquées qu'elles n'auront eu aucun effet reel sur le terrain. Poutine regarde les opinions publiques européennes se diviser, insinue la crainte en mobilisant quelques bateaux en Méditerranée, rappelle les erreurs commises en Irak et en Libye, agite l'épouvantail islamiste et surtout bloque toute resolution aux Nations Unies
C'est ainsi qu'il freine efficacement depuis deux ans toute volonté internationale de faire bouger les lignes en Syrie.
Jusqu'où la Russie est-elle prête à aller dans son soutien au régime syrien ?
Le Kremlin s'appuie avant tout sur la faiblesse des Occidentaux. La Russie soutiendra le régime syrien aussi longtemps que ce soutien lui apportera plus qu'il ne coûte. Vladimir Poutine n'est pas un idéaliste mais un joueur d'échec averti. Pour le moment, sa position renforce la stature internationale de la Russie, a nouveau perçue dans le monde comme capable de s'opposer efficacement aux diktats occidentaux et surtout américains. Ce faisant, il protège aussi son pays contre les fondamentalistes musulmans, notamment dans le Caucase.
Vu de France, on croit parfois la Russie isolée face a un monde qui parlerait d'une seule voix. Vu de Moscou, on sait que cela est faux...
Sans parler d'un conflit armé entre Occident et Russie auquel personne ne croit, Vladimir Poutine ne craint qu'une seule chose : que l'Europe cesse de consommer le gaz ou le pétrole russe. Sa richesse s'appuie exclusivement sur cette manne. Seul un retournement économique durable serait de nature à faire douter les Russes de leur propre puissance.
Vladimir Poutine est très présent dans les médias russes ces jours-ci mais il s'implique surtout dans les deux sujets de politique intérieure : les inondations sans précedent en Extrême-Orient russe et les mesures économiques en vue de relancer la croissance russe en panne depuis le début de 2013.
C'est sur ces terrains-là qu'il est attendu par les citoyens. Il dispose en plus en Serguei Lavrov d'un relais très professionnel pour toutes les questions de politique étrangère. Voilà près de 10 ans que Serguei Lavrov dirige la diplomatie russe, il connait parfaitement les dossiers et expose inlassablement les arguments du Kremlin. Sa feuille de route est claire ; il soutient mordicus l'allié syrien, et il s'y tient d'autant plus facilement qu'il partage à 100% les opinions de Vladimir Poutine sur cette question. Non au droit d'ingérence, non à ce qu'il nomme «la volonté occidentale d'imposer un modèle aux autres pays».
Le président russe ne se met donc pas en première ligne. Pourquoi ?
Vladimir Poutine souhaite toujours maîtriser le calendrier de ses interventions. Il ne réagit jamais «à chaud» à une actualité déstabilisante. En décembre 2011, au plus fort de la contestation dans les rues de Moscou, il a pris une semaine avant de répondre aux manifestants... Peut-être consultait-t-il ses proches ou les services de renseignement ? Plus sûrement, il a voulu ce silence médiatique pour donner plus de force encore à ses propos le moment venu.
Sur la crise syrienne, c'est la même logique. Faire monter l'attente autour de sa position et la délivrer au moment ou elle aura le plus de force. Vladimir Poutine aime se placer dans la position du père sévère, mais protecteur, dont la parole ne souffre plus d'aucune discussion.
Bien évidemment, il s'exprimera juste avant ou pendant le G20 pour fustiger les attitudes belliqueuses des Occidentaux. Attitudes qui seront d'autant plus moquées qu'elles n'auront eu aucun effet reel sur le terrain. Poutine regarde les opinions publiques européennes se diviser, insinue la crainte en mobilisant quelques bateaux en Méditerranée, rappelle les erreurs commises en Irak et en Libye, agite l'épouvantail islamiste et surtout bloque toute resolution aux Nations Unies
C'est ainsi qu'il freine efficacement depuis deux ans toute volonté internationale de faire bouger les lignes en Syrie.
Jusqu'où la Russie est-elle prête à aller dans son soutien au régime syrien ?
Le Kremlin s'appuie avant tout sur la faiblesse des Occidentaux. La Russie soutiendra le régime syrien aussi longtemps que ce soutien lui apportera plus qu'il ne coûte. Vladimir Poutine n'est pas un idéaliste mais un joueur d'échec averti. Pour le moment, sa position renforce la stature internationale de la Russie, a nouveau perçue dans le monde comme capable de s'opposer efficacement aux diktats occidentaux et surtout américains. Ce faisant, il protège aussi son pays contre les fondamentalistes musulmans, notamment dans le Caucase.
Vu de France, on croit parfois la Russie isolée face a un monde qui parlerait d'une seule voix. Vu de Moscou, on sait que cela est faux...
Sans parler d'un conflit armé entre Occident et Russie auquel personne ne croit, Vladimir Poutine ne craint qu'une seule chose : que l'Europe cesse de consommer le gaz ou le pétrole russe. Sa richesse s'appuie exclusivement sur cette manne. Seul un retournement économique durable serait de nature à faire douter les Russes de leur propre puissance.
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