Cet article date de plus de sept ans.

Rendez-vous secrets, robot et technologie anti-surveillance... La vie en exil du lanceur d'alerte Edward Snowden

"Snowden", le film d'Oliver Stone qui retrace le parcours l'ex-consultant de la NSA, l'agence de renseignement américaine, sort en salles mardi.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Edward Snowden lors d'une interview accordé au quotidien suédois "Dagens Nyheter", à Moscou (Russie), le 21 octobre 2015. (LOTTA HARDELIN / DAGENS NYHETER / AFP)

Après Platoon, Wall Street ou encore JFK, le réalisateur Oliver Stone s'attaque une fois de plus au gouvernement américain. Son nouveau film, Snowden, sort en salles mardi 1er novembre. Le long métrage retrace le parcours d'Edward Snowden, ex-employé de la NSA, à l'origine des révélations sur la surveillance massive pratiquée par les Etats-Unis.

Les Etats-Unis ont annulé le passeport de l'ancien consultant de 33 ans, accusé d'espionnage et de vol de secrets d'Etat. Des poursuites pour lesquelles il risque jusqu'à trente ans de prison. Après avoir a obtenu l'asile temporaire en Russie, Moscou lui a délivré un permis de résidence, le 1er août 2014. Franceinfo vous raconte la vie de cet exilé, trois ans après son coup d'éclat.

Il donne de (rares) rendez-vous ultra secrets

Pour espérer rencontrer Edward Snowden, il faut négocier. Longtemps. Un journaliste du magazine Wired (en anglais) a expliqué, en août 2014, avoir décroché un rendez-vous après neuf mois de discussions acharnées. La rencontre est fixée dans un hôtel de Moscou, mais Edward Snowden reste très méfiant (en anglais). En entrant dans l'ascenseur, l'analyste s'apprête à engager la conversation, mais s'arrête net. Une femme vient in extremis de se glisser entre les portes. Les deux hommes n'échangeront pas un mot en sa présence.

Dans la chambre, avant de commencer l'interview, il prend soin de retirer la batterie de son téléphone. "Je ne pense pas qu'ils [la NSA, la CIA et le FBI] m'aient géolocalisé mais ils savent certainement avec qui je parle en ligne", commente-t-il lors d'un autre rendez-vous avec Wired.

Depuis, l'Américain a rencontré d'autres journalistes. Il a accordé une interview au quotidien suédois Dagens Nyheter en octobre 2015, et a déjeuné, en septembre 2016, avec un journaliste du Financial Times (article payant, en anglais). Là encore, le face-à-face a lieu dans un hôtel de la capitale russe, mais Edward Snowden prend une fois de plus ses précautions, détaille le quotidien économique. Il se présente avec vingt minutes de retard, tout de noir vêtu avec des lunettes de soleil sur le nez.

Il continue sa lutte sur Twitter 

Le trentenaire raconte qu'il vit toujours à l'heure de la côte Est des Etats-Unis et passe la plupart de son temps sur Internet. Il a ouvert un compte Twitter à son nom, en septembre 2015, qui compte désormais quelque 2 500 000 abonnés. Il se sert du réseau social pour délivrer son message, en commentant l'actualité liée à la surveillance, y compris quand elle concerne son pays d'accueil. En juin, il a ainsi condamné une nouvelle loi russe sur le sujet, qu'il juge être "une violation inapplicable et injustifiable des droits, qui ne devrait jamais être promulguée".

En août, il a réagi (en anglais) après le piratage de serveurs de la NSA, estimant que les services de renseignement russes pourraient être derrière cette affaire. En avril, en pleine affaire des Panama papers, il a ironisé sur les propos de François Hollande qui déclarait : "Il faut protéger les lanceurs d’alerte, ils font un travail utile et prennent des risques."

Edward Snowden est volontiers moqueur. Depuis l'ouverture de son compte, il n'en suit qu'un seul autre : celui de son ancien employeur, la NSA.

Il tient des conférences aux quatre coins du monde (grâce à un robot)

Avec Twitter, Edward Snowden, bloqué en Russie, tente de se faire entendre à travers le monde. Mais ce n'est pas son seul outil pour faire porter son message. Depuis 2014, sans quitter Moscou, il intervient lors de conférences, à Paris, à Vancouver (Canada) ou encore à Las Vegas (Etats-Unis) grâce à une webcam. Le lanceur d'alerte utilise parfois un robot motorisé en guise d'avatar. Au-dessus des deux roues, deux longues tiges soutiennent un écran dans lequel apparaît son visage.

Sans surprise, il est sollicité pour parler des nouvelles technologies, d'internet, de surveillance, de vie privée. Dès qu'il le peut, il n'hésite pas à narguer les autorités américaines. "Le gouvernement américain peut annuler mon passeport, mais je suis assis ici à Las Vegas avec vous", déclare-t-il, en janvier, selon Le Monde.

Le FBI ne peut pas arrêter un robot.

Edward Snowden

lors d'une conférence en janvier

Il développe des équipements anti-espionnage

Lors de ces conférences, Edward Snowden ne fait pas que critiquer la politique américaine ou donner son avis sur des affaires de hacking. Il en profite pour présenter des gadgets et des méthodes qui permettent de se protéger de la surveillance.

En juillet, pendant la conférence Forbidden Research (en anglais) du MIT Media Lab, il dévoile un équipement qu'il a mis au point avec Andrew ‘bunnie’ Huang, un hackeur célèbre, explique Numerama. Il s'agit d'une "coque pour recharger son iPhone, qui a aussi l'intérêt de prévenir l'utilisateur d'activités suspectes typiques d'une surveillance à distance", résume le site spécialisé. Concrètement, ce matériel "passe en revue les connexions cellulaires, Wi-Fi, Bluetooth mais aussi GPS ou NFC", précise 01net. "Si des échanges avec une source extérieure sont détectés, l’utilisateur est alerté."

Ce projet n'en est qu'à ses balbutiements mais Edward Snowden dit le développer pour que les activistes et les journalistes agissent sans être espionnés. Cet objet permettrait de se servir de son smartphone pour des photos ou enregistrer du son en s'assurant qu'aucune des données ne fuite.

Dans la même logique, le lanceur d'alerte a participé, en mai, à une émission de Vice, diffusée sur la chaîne cryptée américaine HBO. Face à la caméra, Edward Snowden y modifie les entrailles d'un smartphone pour éviter qu'un hacker ne prenne le contrôle des micros et des caméras de l'appareil. Son conseil : remplacer les élements d'origine par des pièces externes à celles initialement installées.

Il a fait de la musique avec Jean-Michel Jarre

Le duo peut surprendre. Sur le dernier album de Jean-Michel Jarre apparaît le titre Exit. Musicalement, il s'agit d'un morceau de techno, plutôt classique, sur lequel on peut entendre la voix d'Edward Snowden. "La technologie peut en fait augmenter la protection de la vie privée", dit notamment l'ancien analyste dans cette chanson. Visuellement, l'ensemble fait penser à une bande annonce d'un film d'espionnage.

La musique, "obsessive", selon les mots du musicien, "essaie, d'un côté, d'illustrer l'idée de cette quête folle du big data, et de l'autre, la chasse à l'homme de ce jeune homme par la CIA, la NSA et le FBI", explique Jean-Michel Jarre.

C'est le Français, interviewé par le Guardian (en anglais) en octobre 2015, qui a demandé au quotidien britannique de le mettre en lien avec Edward Snowden. Ils ont ensuite correspondu, notamment par Skype, avant que Jean-Michel Jarre se rende à Moscou pour le rencontrer, raconte (en anglais) le musicien.

La première fois que j'ai lu quelque chose à son propos, il m'a fait penser à ma mère. Elle a rejoint la Résistance en 1941, quand les Français croyaient encore qu'il s'agissait de fauteurs de troubles.

Jean-Michel Jarre

au "Guardian"

Edward Snowden est-il un "résistant", comme le sous-entend Jean-Michel Jarre ? Aux yeux de ses partisans, oui. Une pétition (en anglais) a été lancée par trois ONG à la mi-septembre pour qu'il puisse retourner aux Etats-Unis sans craindre de poursuites. En clair, elles demandent à Barack Obama de pardonner au lanceur d'alerte avant qu'il ne quitte la Maison Blanche car Hillary Clinton et Donald Trump ont déjà indiqué qu'ils écartaient cette éventualité. Le temps presse. Le site de soutien Pardon Snowden (en anglais) compte les jours avant le changement de présidence.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.