Poutine baisse le prix de la vodka
Ainsi, le programme national «Accès au logement» est remplacé par le programme national «Accès à la vodka», fait remarquer le tweet ci-dessous.
Национальный проект “Доступное жилье” заменен на национальный проект “Доступная водка”. pic.twitter.com/ujncYEjEaF
— Мuд Роисси (@Fake_MIDRF) February 1, 2015
Dans une vertigineuse dégringolade causée par les sanctions occidentales liées au conflit avec l'Ukraine et la chute du prix du pétrole, la monnaie russe a perdu 40% de sa valeur en un an, le quart en un mois seulement.
Le 1er février 2015, le rouble ne vaut décidément plus un kopeck (0,0129 euro), l'inflation atteint 10%. L’agence Standards and Poors vient de dégrader la note du pays dans la catégorie «spéculative» (poubelle, disent les Russes), et la vodka a fêté ses 150 ans la veille… Et les Russes lui ont souhaité, comme le montre ce tweet, «Bon anniversaire, chérie».
Brader la vodka, une mesure de santé publique ?
Officiellement, le gel du prix de la vodka, annoncé fin décembre et bientôt revu à la baisse, est présenté comme une mesure de santé publique. Toujours officiellement, il s’agit d’éviter que la population ne se jette sur ces vodkas de contrebande bon marché (60% de la consommation, selon certaines estimations !), frelatées, parfois coupées au méthanol, responsables d’environ 40.000 décès par an sans parler des substituts aussi toxiques qu’improbables : spray pour les vitres, antigel… Selon une étude publiée le 31 janvier, la consommation de vodka serait à elle seule la cause d'une inquiétante mortalité précoce. Près d'un Russe sur quatre en meurt avant l’âge de 55 ans.
L'alcool de contrebande coûte cher en termes de santé publique, mais aussi de manque à gagner pour les fabricants officiels. L'année 2014 leur a fait perdre 14% des consommateurs. Il a même été question de rétablir un monopole d'Etat, mais c'était compter sans les mafias qui ont profité de sa chute, en 1991, pour se partager le marché (noir). Le pouvoir russe a donc, depuis Ivan le Terrible qui institua au XVIe siècle les kabaks, débits de vodka dont l'Etat percevait les recettes, un rapport largement ambivalent à un fléau national qui a longtemps représenté une manne de revenus.
Comme une loi anti-sèche…
On se rappelle ce qu'il en a coûté au seul dirigeant qui ait osé s'attaquer de front à ce problème crucial, Mikhaïl Gorbatchev, avec sa fameuse (et calamiteuse) «loi sèche» : impopularité maximale et rancune de toute la nation.
Un cortège de mesures drastiques (fermeture des magasins de spiritueux, augmentation des prix, consommation limitée entre 14 et 19 heures, amendes, exclusions du parti), d'autres involontairement comiques (mariages sans alcool, censure des scènes alcoolisées au cinéma, promotion de héros ultrasobres tel «Joe Limonade» sobriquet dont a écopé Gorby, dit aussi le «secrétaire minéral» du Parti)...
Et pour quel résultat ? Des queues interminables devant les magasins d’alcool, des émeutes et des citoyens imbibés d’eau de Cologne... Sans compter de tristes conséquences pour le patrimoine : les vignes de la mer Noire, cultivées depuis l’époque gréco-romaine, arrachées !
Point positif : entre 1986-90, l’espérance de vie masculine se hisse à 63 ans (deux ans et demi de gagnés). Evidemment, avec Eltsine, à la solide réputation d’alcoolique, dès 1990, plus question de loi sèche, et bonjour la mafia...
Vladimir Poutine, lui, ne boit pas – mais il a sa vodka ! C'est une distillerie d'Etat qui l'a créée en 2003, en hommage au président russe. La pub vante sans complexe «un alcool élégant, qui allie la douceur d’un diplomate avec la force d’un leader»... Tout le portrait de son modèle – mais l'a-t-il seulement goûtée ?
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