Cet article date de plus de neuf ans.

Pourquoi les Russes filment-ils leurs accidents de voiture?

Sur le web, les vidéos d'accidents de la route les plus improbables viennent de Russie. Non pas qu'il s'agisse du pays le plus dangereux pour conduire. Les automobilistes ont simplement pris le réflexe de filmer leurs trajets pour prouver aux assureurs leur innocence en cas d'accident. Explications.
Article rédigé par Celia Mascré
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un policier russe sur le lieu d'un accident. (SERGUEI KARPUHKIN / REUTERS)

En Russie, c'est devenu un réflexe : acheter une voiture implique l'achat d'une webcam. La tendance est apparue il y a environ deux ans. Le prix du videoregistrator, comme ils l'appellent, va de 700 à 5000 roubles (15 à 100 euros environ). Les caméras les plus sophistiquées incrustent des informations sur les enregistrements, comme l'heure, la date, le lieu et même la vitesse. Car il est impossible de faire confiance ni aux policiers ni aux assureurs, ni aux autres conducteurs.

Et autant dire que signer un constat n'est pas vraiment dans la coutume. Dans le pire des scénarios, un automobiliste en tort vous accuse d'être coupable de l'accident et corrompt un policier pour qu'il le soutienne. Aux yeux des assureurs, le policier a toujours raison. L'automobiliste innocent se retrouve à payer des sommes colossales de dommages et intérêts. A ce moment-là, seule une preuve tangible comme une vidéo peut le tirer d'affaire.


Tanya, 30 ans, témoigne: «J'étais en route vers la Crimée, les policiers m'ont arrêtée et ont menacé de me retirer le permis pour avoir dépassé la ligne blanche. Quand ils ont commencé à faire les papiers, j'ai dû leur répéter trois fois mon numéro de téléphone avant qu'ils ne l'écrivent correctement… Et mon frère leur a montré la vidéo de notre webcam, qui prouvait qu'effectivement j'avais roulé sur la ligne, mais que je n'étais pas sur la voie inverse. Grâce à cette vidéo, j'ai échappé à la perte de mon permis. J'ai eu une petite amende et c'est tout.»
 
«En Russie, on ne peut faire confiance qu'à un cercle restreint de personnes»
Comme en France, l'assurance automobile est obligatoire en Russie. Elle comprend les responsabilités automobile et civile. L'une coûte de 5 à 15.000 roubles à l'année (80 à 237 euros), l'autre de 15 à 100.000 roubles (237 à 1600 euros). Les automobilistes sont donc (chèrement) couverts, mais encore faut-il qu'ils prouvent leur innocence, qu'il s'agisse d'un petit accrochage ou d'un grave accident. Les assurances ne remboursant que très peu de dommages, c'est plutôt à celui qui convaincra le policier que l'autre est coupable.


Elsa, 35 ans, vit à Ekaterinbourg, dans l'Oural. Sa caméra, c'est son mari qui la lui a offerte il y a cinq ans. «La première fois que j'ai utilisé une vidéo, c'était pour prouver que je ne roulais pas au-delà de la vitesse autorisée, comme la police essayait de me le faire croire. Mais ma vidéo n'a pas permis de me donner raison, la déposition de la police prévaut toujours aux yeux de l'assurance comme de la justice

Souvent, les compagnies d'assurance paient beaucoup moins que des dommages réels, auquel cas il est nécessaire de contacter un avocat et d'engager des poursuites au tribunal. La procédure est longue, coûteuse et fastidieuse. Vassia est spécialiste en innovation dans l'automobile: «En Russie, on ne peut faire confiance qu'à un cercle restreint de personnes. La police ne fait pas partie de ce cercle!»
 
Les accidents de la route ont fait 27.000 morts en 2014 contre 36.000 en 2007. Cette amélioration est certainement liée à la tolérance zéro vis-à-vis de l'alcool, mesure mise en place depuis 2010.

Un proverbe russe dit: «En Russie, nous avons deux problèmes, les routes et les cons.» Pour les routes, il existe une solution, les rénover. Mais le froid ne facilite pas les choses, car il abîme considérablement le bitume qui devrait ainsi être refait à chaque saison. Cela implique des sommes colossales, que le gouvernement est visiblement frileux à débourser.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.