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La Russie interdit les sites pornos pour «favoriser les rencontres»

Le 8 septembre 2016, le Roskomnadzor, l'organe russe de surveillance des médias, a bloqué deux sites pornographiques, YouPorn et PornHub. Aux internautes mécontents, le gouvernement a répondu d'aller plutôt «rencontrer quelqu'un dans la vraie vie». Une rhétorique à replacer dans le contexte de la promotion de la famille, chère au gouvernement de Vladimir Poutine.
Article rédigé par Miriam Palisson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
«L'accès à ce contenu Internet est bloqué par décision du gouvernement.»  L'interdiction de PornHub et YouPorn traitée «en bref» sur la chaîne indépendante TV Rain (Dojd'). (Capture d''écran / Twitter / TV Rain (Dojd'))

Le Roskomnadzor a encore frappé. Le 8 septembre 2016, l'agence de surveillance des médias russes a ordonné l'interdiction de deux sites pornographiques, YouPorn et PornHub. Bannir la pornographie d'Internet est un projet qui obsède les dirigeants russes. En 2015 déjà, le gouvernement avait ressorti des lois datant... du régime tsariste afin de bloquer onze sites pour des raisons floues de «protection de l'enfance».

Cette dernière décision aurait «quelque chose à voir avec les enfants», croit se souvenir l'un des juges qui a demandé l'interdiction de PornHub, Vladimir Panassenko. «(Le site) n'affichait pas de limites d'âge», justifie-t-il au site d'information Meduza. On sait que cette question est particulièrement sensible en Russie, où les homosexuels se font couramment traiter de pédophiles.

Ironie déchaînée et porno intello sur les réseaux sociaux
Le site PornHub a réagi avec humour, en proposant à l'agence un compte premium contre la levée du blocage. Le Roskomnadzor est monté sur ses grands chevaux : «Nous ne sommes pas sur ce marché et la démographie n'est pas une marchandise», a tweeté son community manager.

Les internautes ont répliqué par un flashmob baptisé Rospornobzor, #роспорнобзор (jeu de mots traduisible par «tour d'horizon du porno sur RuNet» - lien en russe). Le jeu, lancé par un journaliste, consiste à poster sur Facebook ou Vkontakte des vidéos où sont lues ou décrites des scènes pornographiques.

Роспорнобзор: в фейсбуке смотрят и пересказывают порноролики pic.twitter.com/S0GCNHXor3
Vive la «production nationale» et la «substitution des importations» 
D'autres (le site Global Voices a compilé les meilleurs tweets) se moquent des manies protectionnistes du gouvernement et de la «substitution des importations» chère au Kremlin. L'un d'eux imagine Medvedev, le Premier ministre, ordonnant la création d'un équivalent russe de PornHub (tweet ci-dessous). D'ailleurs, selon les usagers, il existe déjà et s'appelle VKontakte : le Facebook russe héberge en effet quantité de vidéos pornographiques, mises en ligne par des particuliers. 

Дмитрий Медведев поручил создать отечественный аналог заграничному сайту Порнхаб pic.twitter.com/kglBvOSRlf
«En bloquant PornHub et Youporn, les autorités encouragent la production nationale», ironise la Pussy Riot Nadia Tolokkonikova :

Les sex-shops rebaptisés «magasins de consolidation de la famille» 
La pornographie, nouvel ennemi public au pays de Vladimir Poutine? Le Courrier de Russie a posé la question à l'un des principaux réalisateurs de films X du pays. «Nous n’en sommes pas là, répond Bob Jack, mais il est vrai que depuis trois ans, les autorités traitent différemment les réalisateurs et producteurs de films pour adultes. Auparavant, (...) l’industrie pornographique n’était pas taboue. Ses représentants parlaient à la presse, participaient à des émissions télévisées…

Mais depuis quelque temps, la position officielle a changé. L’accent est désormais mis sur d’autres valeurs : patriotisme, famille, religion… A Saint-Pétersbourg, par exemple, les sex-shops, que l’on trouve à tous les coins de rue, s’appellent désormais des
"magasins de consolidation de la famille" 

«Magasin de consolidation de la famille» à Saint-Pétersbourg. (Le Courrier de Russie / DR)

Consolider la famille, un dada du Kremlin
La famille devient une valeur-refuge de plus en plus sacrée au pays de Poutine. Depuis 2008, elle est officiellement fêtée le 8 juillet, décrété «Journée de la famille, de l'amour et de la fidélité». Fidélité, voire abstinence, sont les remèdes prescrits par l'Eglise orthodoxe russe, fidèle alliée du Kremlin, face à l'épidémie de sida qui continue à s'emballer. Les campagnes de sensibilisation pour inciter les jeunes au port du préservatif sont toujours aussi rares.

En été 2015, le gouvernement a même décrété l'embargo contre les capotes de fabrication étrangère. Une façon claire de favoriser la «production nationale»… Et pourquoi pas (c'est l'ex-chef des services sanitaires du pays, Gennadi Onichtchenko, qui l'a dit) une bonne occasion pour les Russes de «se discipliner» et d'«être plus sélectifs dans le choix de leurs partenaires» ! Mais surtout un moyen radical pour favoriser les naissances dans un pays en crise démographique...

«On ne parle pas de sexualité en Russie»
Quant à des cours d'éducation sexuelle à l'école, vous n'y pensez pas. «Jamais», avait carrément déclaré un délégué aux Droits de l'enfant: «La littérature russe est le meilleur moyen pour les jeunes d’en savoir plus sur la sexualité.» De toute façon, «on ne parle pas de sexualité en Russie», résume une jeune séropositive rencontrée par la Croix.

Ce qui fait un point commun avec l'ex-URSS (où pourtant la liberté sexuelle était au programme, même si une Soviétique avait fait scandale en révélant à la télé américaine qu'«il n'y a pas de sexe en URSS») à laquelle on sait le président russe attaché. Lui qui pourtant ne dédaigne pas de jouer les fantasmes érotiques...

Et pendant ce temps, le patriarche Kirill vient d'avoir une idée. Sur la liste des prochaines pratiques à interdire en Russie, selon lui : l'avortement.



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