La Russie interdit les sites pornos pour «favoriser les rencontres»
Le Roskomnadzor a encore frappé. Le 8 septembre 2016, l'agence de surveillance des médias russes a ordonné l'interdiction de deux sites pornographiques, YouPorn et PornHub. Bannir la pornographie d'Internet est un projet qui obsède les dirigeants russes. En 2015 déjà, le gouvernement avait ressorti des lois datant... du régime tsariste afin de bloquer onze sites pour des raisons floues de «protection de l'enfance».
Cette dernière décision aurait «quelque chose à voir avec les enfants», croit se souvenir l'un des juges qui a demandé l'interdiction de PornHub, Vladimir Panassenko. «(Le site) n'affichait pas de limites d'âge», justifie-t-il au site d'information Meduza. On sait que cette question est particulièrement sensible en Russie, où les homosexuels se font couramment traiter de pédophiles.
Ironie déchaînée et porno intello sur les réseaux sociaux
Le site PornHub a réagi avec humour, en proposant à l'agence un compte premium contre la levée du blocage. Le Roskomnadzor est monté sur ses grands chevaux : «Nous ne sommes pas sur ce marché et la démographie n'est pas une marchandise», a tweeté son community manager.
sorry, we are not in the market and the demography is not a commodity.
— Роскомнадзор (@roscomnadzor) September 15, 2016
Les internautes ont répliqué par un flashmob baptisé Rospornobzor, #роспорнобзор (jeu de mots traduisible par «tour d'horizon du porno sur RuNet» - lien en russe). Le jeu, lancé par un journaliste, consiste à poster sur Facebook ou Vkontakte des vidéos où sont lues ou décrites des scènes pornographiques.
Роспорнобзор: в фейсбуке смотрят и пересказывают порноролики pic.twitter.com/S0GCNHXor3
Роспорнобзор: в фейсбуке смотрят и пересказывают порноролики pic.twitter.com/S0GCNHXor3
— Александр Васильев (@omega9222) September 19, 2016
Vive la «production nationale» et la «substitution des importations»
D'autres (le site Global Voices a compilé les meilleurs tweets) se moquent des manies protectionnistes du gouvernement et de la «substitution des importations» chère au Kremlin. L'un d'eux imagine Medvedev, le Premier ministre, ordonnant la création d'un équivalent russe de PornHub (tweet ci-dessous). D'ailleurs, selon les usagers, il existe déjà et s'appelle VKontakte : le Facebook russe héberge en effet quantité de vidéos pornographiques, mises en ligne par des particuliers.
Дмитрий Медведев поручил создать отечественный аналог заграничному сайту Порнхаб pic.twitter.com/kglBvOSRlf
Дмитрий Медведев поручил создать отечественный аналог заграничному сайту Порнхаб pic.twitter.com/kglBvOSRlf
— Партия Придурков (@Pridurky) September 15, 2016
«En bloquant PornHub et Youporn, les autorités encouragent la production nationale», ironise la Pussy Riot Nadia Tolokkonikova :
блокируя порнхаб и юпорн, власти поддерживают отечественного производителя pic.twitter.com/egItkr5hpB
— nadya (@tolokno) September 14, 2016
Mais depuis quelque temps, la position officielle a changé. L’accent est désormais mis sur d’autres valeurs : patriotisme, famille, religion… A Saint-Pétersbourg, par exemple, les sex-shops, que l’on trouve à tous les coins de rue, s’appellent désormais des "magasins de consolidation de la famille" !»
Consolider la famille, un dada du Kremlin
La famille devient une valeur-refuge de plus en plus sacrée au pays de Poutine. Depuis 2008, elle est officiellement fêtée le 8 juillet, décrété «Journée de la famille, de l'amour et de la fidélité». Fidélité, voire abstinence, sont les remèdes prescrits par l'Eglise orthodoxe russe, fidèle alliée du Kremlin, face à l'épidémie de sida qui continue à s'emballer. Les campagnes de sensibilisation pour inciter les jeunes au port du préservatif sont toujours aussi rares.
En été 2015, le gouvernement a même décrété l'embargo contre les capotes de fabrication étrangère. Une façon claire de favoriser la «production nationale»… Et pourquoi pas (c'est l'ex-chef des services sanitaires du pays, Gennadi Onichtchenko, qui l'a dit) une bonne occasion pour les Russes de «se discipliner» et d'«être plus sélectifs dans le choix de leurs partenaires» ! Mais surtout un moyen radical pour favoriser les naissances dans un pays en crise démographique...
«On ne parle pas de sexualité en Russie»
Quant à des cours d'éducation sexuelle à l'école, vous n'y pensez pas. «Jamais», avait carrément déclaré un délégué aux Droits de l'enfant: «La littérature russe est le meilleur moyen pour les jeunes d’en savoir plus sur la sexualité.» De toute façon, «on ne parle pas de sexualité en Russie», résume une jeune séropositive rencontrée par la Croix.
Ce qui fait un point commun avec l'ex-URSS (où pourtant la liberté sexuelle était au programme, même si une Soviétique avait fait scandale en révélant à la télé américaine qu'«il n'y a pas de sexe en URSS») à laquelle on sait le président russe attaché. Lui qui pourtant ne dédaigne pas de jouer les fantasmes érotiques...
Et pendant ce temps, le patriarche Kirill vient d'avoir une idée. Sur la liste des prochaines pratiques à interdire en Russie, selon lui : l'avortement.
Russian Patriarch has signed a petition to ban abortion. Brave new world. https://t.co/4xsIDQ4qPz
— Leonid Ragozin (@leonidragozin) September 27, 2016
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