La Russie est-elle une alternative pour la Grèce?
La Grèce fait savoir qu’elle cherche une alternative à l’UE au moment où elle discute gros sous avec ses partenaires. Avant la réunion de l’Eurogroupe du 11 février 2015, son ministre des Affaires européennes, Nikos Chountis, a ainsi expliqué qu’«il y a eu des propositions, je dirais des offres, de soutien économique de la part de la Russie juste après les élections (du 25 janvier, NDLR), de même que de la part de la Chine, en ce qui concerne une aide, des possibilités d'investissement» (cité par Le Figaro).
De fait, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a reçu le 11 février son homologue grec, Nikos Kotzias. Il a déclaré que les deux parties avaient discuté «de la situation financière de la Grèce.» Et d’ajouter: «Si le gouvernement grec s’adresse à nous, cet appel sera (…) examiné». Il a aussi salué «la ligne constructive du gouvernement grec qui se prononce pour le développement de notre partenariat stratégique sans tenter de le politiser, de le teinter d'idéologie ou de sacrifier les ambitions géopolitiques d'Etats tiers». Une référence transparente à l'Ukraine, que la Russie accuse d'être pilotée par les Occidentaux.
Toujours selon Sergueï Lavrov, les deux ministres ont discuté des «excellentes perspectives» d'un partenariat dans le secteur de l'énergie. Une allusion au gazoduc que la Russie compte construire via la Turquie jusqu'à la frontière grecque pour livrer du gaz aux Européens.
Dans le même temps, le Premier ministre, Alexis Tsipras, et le ministre de la Défense, Panos Kammenos, ont tous deux été invités à se rendre à Moscou dans les prochains mois. Athènes a «un autre plan» au cas où elle ne parviendrait pas à un accord avec l'UE sur un financement d'urgence, a carrément indiqué Panos Kammemos le 9 février. «Le plan B serait d'avoir un financement d'un autre côté, qui pourrait être les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou d'autres pays», selon ses propos (quelque peu ambigus) rapportés par la presse.
Son collègue des Affaires étrangères a assuré que ces propos n’engageaient que Panos Kammemos et que «l’UE restait le partenaire favori de la Grèce».
Importantes relations économiques
Pour autant, le 27 janvier, la Grèce de Viktor Tsipras avait refusé de s’associer à la perspective de nouvelles sanctions contre Moscou dans le dossier ukrainien. Dès décembre, donc avant l’arrivée au pouvoir d’Alexis Tsipras, le site en français de l’agence de communication russe Sputnik soulignait avec gourmandise qu’Athènes avait «signé avec la Russie un contrat militaire en dépit des sanctions». L’accord porte seulement sur des «pièces détachées». Mais «la Grèce a jugé que ses intérêts de la capacité de défense (sic) étaient plus importants que les sanctions», commente l’agence.
Au-delà, une chose est sûre : les relations économiques entre les deux pays sont importantes. Et comme le rappelle le magazine allemand Der Spiegel, la Grèce «souffre particulièrement» des mesures prises par la Russie en réponse aux sanctions occidentales. Sont particulièrement concernées ses exportations agricoles. L’industrie touristique, gênée par la baisse du rouble, pourrait est elle aussi touchée : plus d’un million de concitoyens de Vladimir Poutine se rendent chaque année chez les Hellènes, représentant le troisième groupe le plus important de visiteurs dans le pays. Aujourd’hui, nombreux seraient ceux qui ne peuvent plus se payer le voyage.
«Une guerre commerciale avec la Russie pourrait coûter à l’économie grecque 4% de son PIB», résume Der Spiegel. «Voilà une bonne raison de rester en bons termes avec le Kremlin», poursuit l’hebdomadaire. En clair : la Russie vaut bien une messe… Mais cela ira-t-il jusqu’à remettre en cause les liens de la Grèce avec l’UE ?
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