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L'Arctique : eldorado ou mirage?

Le Conseil de l’Arctique, qui regroupe les 8 pays riverains du pôle Nord, se réunit le 18 octobre 2016 à Ottawa au Canada. L'Arctique, longtemps décrit comme la dernière frontière économique et stratégique, n’est pas l’eldorado attendu. Actuellement, les cours du pétrole et du gaz plombent tout projet d’exploitation du sous-sol que Canadiens, Russes, Américains, Norvégiens, Islandais… attendent.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'expédition russo-canadienne «Marine Ice Automobile» traverse le pôle Nord, de l'archipel russe de Severnaya Zemlya à Resolute Bay, au Canada. Un périple de plus de 4000 km parcouru en 70 jours à une vitesse d'environ 10 km/h, où l'on peut voir la banquise se disloquer.  (AFP PHOTO / Affanassi Makovnev)

Ils entendent également profiter de l’ouverture de nouvelles routes maritimes rendues possible par la fonte de la banquise.
La calotte glaciaire de l’Arctique a perdu en trente ans près de deux millions de kilomètres carrés (au début de l’été), soit quatre fois la surface de la France métropolitaine.
On pourrait se retrouver, avant 2030, avec un océan Arctique entièrement libre de glaces à la fin de l'été, mais aucun scénario climatique ne prévoit la disparition totale des glaces en hiver.

L’Arctique est la seule région du monde à lier les principaux blocs de l’économie mondiale: Amérique, Europe et Asie. Ainsi, de Hambourg en Allemagne à Yokohama au Japon, la distance est de 6.920 kilomètres en empruntant la route du Nord quand elle est de 11.073 kilomètres en empruntant le canal de Suez.

Carte du pôle Nord et des huit pays riverains de l'Arctique. (common)


Nouvelles voies navigables
Le trafic maritime y reste pour le moment très limité. On comptait en 2015, une centaine de transits, essentiellement des navires et des pétroliers russes. Le géant chinois du fret maritime, Cosco, a affrété plusieurs bateaux de recherche et de marchandises dans l’Arctique durant l’été 2016.

On chiffre aujourd’hui à deux ou trois millions de tonnes les marchandises qui transitent le long du détroit de Béring. On est très loin des 750 millions de tonnes qui transitent chaque année par le canal de Suez.
Ces nouveaux passages réduisent de 40% les distances maritimes reliant l’Europe à l’Asie. Des gains en temps et en carburant encore très théoriques, les coûts de péages étant très élevés comme le prix de l’accompagnement obligatoire par les brise-glaces russes. De plus, le passage demeure dangereux en raison de fortes marées, de brouillards et de courants océaniques très violents.
 
«Pour amortir ces coûts, il faudrait mettre en place des lignes régulières, mais la régularité n’est pas envisageable en Arctique à moyen terme, car il est toujours difficile de prédire à quelle date les voies seront navigables», rappelle la chercheuse canadienne Paula Halley. De plus, certains détroits ne livrent le passage qu’à des bateaux à faible tirant d’eau, ce qui exclut pour le moment la plupart des porte-conteneurs.
  
Accès aux ressources retardés
Ce sont les activités liées aux ressources naturelles de l’Arctique, qui servent actuellement de moteur au développement de ces routes.
Selon l’Institut français du pétrole, le potentiel énergétique de l’Arctique serait compris entre 65 et 412 milliards de barils équivalent pétrole. Ces estimations ont fait de l’Arctique une région stratégique, mais l’enjeu mérite d’être nuancé. Les surcoûts d’exploitation liés aux conditions climatiques et de glaces, à l’isolement et aux dangers inhérents aux zones polaires diminuent considérablement l’intérêt économique de ces gisements.
 
Les géants pétroliers ont renoncé à plusieurs licences portant sur des zones d’exploitation en Arctique depuis la chute des prix mondiaux du pétrole. L’exploitation de ces ressources comporte également un risque environnemental majeur, dans des eaux recouvertes de glace et dans un milieu marin particulièrement fragile. C’est sur ces questions environnementales que l’Union européenne veut peser lors du sommet d’Ottawa.

Seule la découverte d’un gisement gigantesque pourrait leur permettre de rentabiliser leurs investissements... tout en déclenchant une ruée massive vers le pétrole arctique, et remettre en cause toute perspective de réduction des émissions globales de gaz à effet de serre prévue par l’accord de Paris.

La présence de «terres rares» suscite également les convoitises, notamment au Groenland, qui recèlerait 25% des réserves mondiales.

Malgré leurs rivalités, l’Arctique a conduit en avril 2016 la Chine, la Corée du Sud et le Japon à prendre part à des négociations sur la pêche dans les eaux de l’océan Arctique.

Arctique : une région stratégique
La Russie maintient ouvert le passage du Nord à l’aide de ports de ravitaillement et de brise-glaces nucléaires, car elle tient à avoir accès à l’océan Pacifique en toutes circonstances.

Ces routes maritimes arctiques représentent également un itinéraire alternatif en cas de conflit en mer de Chine méridionale. Même Singapour, qui apparaît pourtant plus tropical que polaire, s’intéresse à cette région entourant le pôle Nord au point de rejoindre, en tant qu’observateur permanent, le Conseil de l’Arctique en 2013.

La Chine de son côté s’intéresse de près à l’Islande où elle aimerait installer une base portuaire. Les Etats-Unis, eux, considèrent l’intérêt chinois pour l’Islande comme une ligne rouge à ne pas franchir. Il faut dire que la position stratégique non négligeable de l’île nord-atlantique n’est pas un terrain neutre, puisque la sécurité de l’Islande, qui n’a pas de forces armées, dépend des Etats-Unis, dans le cadre d’un accord bilatéral, et de l’Otan, dont le pays est membre.

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