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Face à Bruxelles, la Grèce se rapproche-t-elle de la Russie?

Alors que les négociations sur la dette grecque piétinent à Bruxelles, le Premier ministre grec Alexis Tsipras se rend le 8 avril 2015 à Moscou où il doit rencontrer le président Poutine. De quoi relancer l’idée d’un rapprochement entre la Russie et la Grèce. Deux pays qui ne sont pas sans avoir quelques points communs.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Sergei Lavrov (à droite) accueille son homologue Nikos Kotzias (à gauche) à Moscou, le 11 février 2015. «Si le gouvernement grec s'adresse à nous» pour des raisons financières, «cet appel sera examiné», a-t-il dit à Moscou ce jour-là. (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

Il y a plus d’un mois déjà, le ministre de la Défense du gouvernement Tsipras avait parlé de «plan B» possible en évoquant la Russie, parmi d’autres solutions, pour remplacer l'argent européen en cas de bloquage sur les négociations autour de la dette grecque. Si depuis ces déclarations, les négociations entre Bruxelles et Athènes ont progressé, elles n’ont toujours pas abouti à quelques jours du voyage – le 8 avril 2015 – d’Alexis Tsipras à Moscou. Résultat, l’idée d’un rapprochement entre les deux pays refait surface.

Les sujets d’entente et les points communs entre les deux pays ne manquent pas. Russie et Grèce ont souvent été proches historiquement et les deux pays sont de culture orthodoxe. Aujourd'hui, les deux capitales sont soumises à des pressions européennes, pour des raisons certes très différentes.

Athènes «contre l'embargo imposé à la Russie»
Le diplomate et écrivain russe, Vladimir Fédérovski, confirme les liens entre et les deux pays: «La Russie va, en effet, représenter une alternative de développement, à la fois économique, politique, et même civilisationnelle pour la Grèce», disait-il dans Le Figaro.

Certes, la Grèce est dans l’Otan, mais Tsipras a pris des positions assez favorables à Moscou sur le dossier ukrainien avant d’être élu. Il avait regretté, en mai 2014 lors d’un déplacement en Russie, «que des fascistes et des néo-nazis entraient dans un gouvernement (en Ukraine) soutenus par l’Union européenne», rappelle France 24.
 
Toujours sur le dossier ukrainien, le ministre grec de l’Energie a affirmé en janvier 2015: «Nous sommes contre l’embargo imposé à la Russie» et Athènes se serait, peut être, opposé à de nouvelles sanctions contre la Russie. 
 
Bref, face à la difficulté pour Athènes de trouver un terrain d’entente avec les Européens sur le financement de la dette et sur les réformes acceptables ou non par l’Eurogroup, la Grèce pourrait avoir la tentation de regarder vers d’autres alliances.

Poutine vainqueur des élections grecques?
Sur le plan économique, le Spiegel (Allemagne) laisse entendre qu’Athènes pourrait négocier un prix du gaz russe en échange d’un veto hellénique sur de nouvelles sanctions de Bruxelles (il faut l’unanimité en Europe) contre Moscou, dans le dossier ukrainien. Le site américain Foreign Policy avait d’ailleurs titré: «Pourquoi Poutine est le grand vainqueur des élections grecques», laissant entendre que Moscou ne pouvait qu'être satisfait par l'émergence d'éventuelles divergences en Europe.

Le président américain avait semblé répondre à ces peurs vis-à-vis de Moscou en apportant une sorte de soutien à Tsipras: «On ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression. A un moment donné, il faut une stratégie de croissance pour pouvoir rembourser ses dettes, pour éliminer les déficits», avait dit Barack Obama sur CNN.

Sur un plan strictement économique, la Grèce pourrait profiter des exportations de gaz russe. La création d’un gazoduc (Turkish Stream) via la Turquie (pour éviter l’Ukraine) pourrait se prolonger via la Grèce. «Nous considérons que le prolongement sur le territoire grec du gazoduc, sur la base de la loi grecque et de la réglementation européenne, sert notre intérêt national», estime Athènes. Par ailleurs, le ministre de l'Energie grec a annoncé avoir obtenu à Moscou «l'engagement» que de «grandes entreprises russes» allaient participer à un appel d'offre, prolongé le 30 mars de deux mois, pour la recherche et l'exploitation de pétrole et de gaz en mer Ionienne et en Crète. «Habituellement, les entreprises russes ne participent pas à ces appels d'offre dans l'UE, nous serons précurseurs», a souligné le ministre.

L'enjeu n'est pas mince pour Athènes. «La Russie est devenue, en quelques années, avec 12,5% de l’ensemble du marché, le principal partenaire commercial de la Grèce en ce qui concerne l’importation (surtout du gaz)», rappelait l'universitaire David Engels dans Atlantico. A contrario, les exportations grecques vers la Russie sont quasi nulles. Si les pays européens restent dominants dans les échanges, ils sont loin d'être les seuls, avec notamment la Russie (pour les importations) et la Turquie pour les exportations.

Lors d'une visite à Moscou, le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, avait pu entendre son homologue russe, Sergueï Lavrov, déclarer: «Si le gouvernement grec s'adresse à nous» pour des raisons financières, «cet appel sera examiné». Mais la Russie aurait, en ce moment, des difficultés à combler les finances grecques.

Des bases militaires ?
Un autre pays de l’Union européenne (et de la zone euro) a noué des liens étroits avec la Russie, Chypre, en prise aussi avec un plan d’austérité sévère dicté par l’UE. En février, l'ïle a indiqué qu’elle allait proposer de mettre certaines de ses bases au service de la Russie.  

Le média russe Sputnik, considéré comme la voix de Moscou, a d’ailleurs trouvé un expert grec, M.Iliopoulos,qui affirme que «rien n'empêche la Grèce d'accorder une assistance technique et militaire à la Russie sur les îles Lemnos, Syros, Crète ou ailleurs». 

Mais Chypre n’est pas membre de l’Otan. Alors de là à voir des bases russes au Pirée ou sur une île grecque…

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