Theresa May convoque des élections pour avancer sur le chemin du Brexit
La négociation du Brexit «est la tâche la plus difficile d’un Premier ministre (britannique) depuis la Seconde guerre mondiale», écrivait The Economist dans son édition du 7 janvier 2017. La sortie de la Grande-Bretagne est en effet un saut dans l’inconnu pavé de chausse-trappes.
Dans ce contexte, «la tenue d’élections est l'unique moyen d'assurer la stabilité pour les années à venir», a expliqué la Première ministre conservatrice, dans une déclaration solennelle devant sa résidence officielle du 10, Downing Street. Des élections qu’elle excluait il y a encore peu de temps.
Le prochain scrutin législatif, qui doit avoir lieu le 8 juin, n'était prévu que pour 2020. Mais pour Theresa May, dont la popularité est au zénith, le moment est bien choisi pour renforcer sa légitimité et avoir les coudées franches pour négocier le Brexit. Elle espère ainsi accroître sa majorité avec des sondages qui prédisent tous un boulevard aux Tories face aux travaillistes et à leur leader Jeremy Corbyn en cas d'élections anticipées. Deux sondages publiés au cours du week-end des 15 et 16 avril donnent 21 points d'avance aux conservateurs. Il faut cependant rappeler que les sondeurs d'Outre-Manche se sont lourdement trompés pour les résultats du référendum sur le Brexit (23 juin 2016)...
«Elle est au sommet politiquement et elle a tout intérêt à empocher ce soutien politique aujourd'hui» avant que cela ne devienne «extrêmement difficile pour elle», commente une source diplomatique d'un pays européen citée par l’AFP. «La bonne nouvelle côté européen, c'est que du coup elle sera moins fragile pour encaisser toutes les concessions qu'elle devra faire», a ajouté cette source.
Theresa Maybe ?
Il y a quatre mois, le très réputé et très libéral The Economist ironisait sur celle qu’il appelait «Theresa Maybe» («maybe» signifiant «peut-être» en anglais), la chef de gouvernement «indécise». Indécise, la locataire du «10»? Pas si sûr. Face à l’ampleur de la tâche, elle a plutôt choisi d’avancer masquée et de louvoyer. Pour se donner le temps de trouver une stratégie. D’où, sans doute parfois, cette impression qu’elle donne de ne pas savoir se décider. Voire de se contredire. Dans un premier temps, par exemple, son gouvernement avait annoncé que les entreprises allaient devoir fournir une liste de leurs employés étrangers avant de faire marche arrière. Mêmes tergiversations en ce qui concerne le projet de centrale nucléaire de Hinkley Point.
«Le Brexit, c’est le Brexit» («Brexit means Brexit»), a-t-elle cependant répété à l'envi pendant ses premiers mois au pouvoir. Une manière de signifier qu'elle ne dérogerait pas à la mission qui lui a été confiée. Et au bout du compte, Theresa May a tenu sa feuille de route et finalement déclenché l’article 50 le 29 mars 2017. Elle a ainsi réussi «à se forger une solide popularité grâce à son sérieux et son pragmatisme, tout en incarnant parfaitement la volonté des Britanniques de sortir de l'Union européenne», analyse l’AFP.
Deuxième femme à accéder au poste de Premier ministre après Margaret Thatcher, elle a naturellement bénéficié de la faiblesse des travaillistes, divisée entre une base anti-UE très à gauche et des députés favorables à l’Europe. Et en nommant à des ministères clefs les partisans les plus stridents du Brexit, elle a réussi à les mettre sous son contrôle et à ressouder le parti conservateur. A commencer par le bouillant Boris Johnson aux Affaires étrangères, connu pour ses rapports assez lâches avec la vérité…
Une nouvelle «Dame de fer»?
Theresa May n'échappe pas aux comparaisons avec son illustre prédécesseure «Maggie» Thatcher, réputée compétente, sérieuse et munie d’une volonté de fer (ce qui lui avait valu son surnom de «Iron Lady», de «Dame de fer»). D’aucuns la trouvent plus proche d’Angela Merkel, la chancelière allemande. Avec cette dernière, elle partage le fait d'être fille de pasteur (anglican pour la Britannique), conservatrice, pragmatique, ouverte au compromis, mariée de longue date et sans enfant.
Cette conservatrice eurosceptique avait pourtant soutenu le maintien dans l'UE lors de la campagne pour le référendum du 23 juin 2016. Plus par loyauté (ou opportunisme ?) vis-à-vis du Premier ministre David Cameron que par conviction personnelle. Ce dernier en avait fait sa ministre de l’Intérieur, poste qu’elle a occupé de 2010 à 2016. Elle s’y est «forgée une réputation de compétence et de ténacité», alors que cette «fonction difficile a ruiné de nombreuses carrières politiques», observe The Economist.
A ce poste, elle a tenu une ligne très ferme : «Pas de pitié pour les délinquants récidivistes, combat acharné contre l'immigration, traque aux abus de prestations sociales, May interprète la partition politique d'une droite sans états d'âme», rappelle Le Figaro. Mais depuis son accession au pouvoir, elle a rompu avec la ligne plus libérale d'un David Cameron dont elle se plait à détricoter, par petites touches, l'héritage, tout en se forgeant l'image d'une dirigeante prudente qui n'aime pas déléguer.
Elle s'est efforcée de corriger un déficit en chaleur humaine et en communication, livrant une série d'interviews à la presse la montrant dans son intimité, avec son mari. On sait désormais qu’elle aime la marche et la cuisine - elle dit avoir plus d'une centaine de livres de recettes. Des recettes, il va lui en falloir pour sortir de l’imbroglio du Brexit…
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