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Sadiq Khan, le maire de Londres, symbole d'une ville-monde

«Les Londoniens ne se laisseront pas intimider par le terrorisme», a lancé le maire de Londres Sadiq Khan après l'attaque qui a fait quatre morts mercredi 22 mars 2017 à Westminster, un quartier de la capitale britannique. Retour sur la personnalité du maire de Londres, issu de l'immigration, élu en mai 2016.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Chemise ouverte et sans cravate, le travailliste Sadiq Khan a été élu maire de Londres avec 57% des suffrages. Il est applaudi par son rival, le conservateur Zac Goldsmith (à gauche sur la photo) après son discours au City Hall, le 7 mai 2016. (LEON NEAL / AFP)

Sadiq Khan, ce nom est entré dans l'histoire le 5 mai 2016, le jour de l'élection municipale dans la capitale britannique. Né à Londres dans une famille venue du Pakistan, il a été élu maire, sous l’étiquette travailliste, d'une capitale occidentale de plus de 8 millions d'habitants. Un symbole pour cette ville qui accueille une population venue du monde entier.

 


Image d’Epinal de l’intégration réussie, Sadiq Khan, qui caracolait en tête des sondages, est né dans une famille pakistanaise immigrée. Au-delà du cliché de «premier maire musulman d'une capitale européenne» dont se sont emparés de nombreux médias, la candidature de ce fils d'immigrés était une vraie bouffée d'air dans la vie politique britannique.

Ses origines, mais aussi son col ouvert (on le voit rarement en cravate) détonnent dans un milieu où les diplômés des grandes écoles privées trustent de nombreuses places, à commencer par celle de Premier ministre avec David Cameron, ou le flamboyant maire de la capitale avec Boris Johnson, son prédécesseur.

Fils d'un chauffeur de bus
Non, Sadiq Khan n'est pas diplômé d'Eaton ou d'Oxford et n'est pas issu d'une famille richissime comme le candidat conservateur Zac Goldsmith, qui lui était opposé. Il est né en 1970 à Londres dans une famille émigrée du Pakistan, dont le père est chauffeur de bus (la ligne 44 selon le site de campagne) et la mère couturière. «Ma maman cousait des robes pour 50 pence pièce pour apporter de l'argent supplémentaire pour notre famille. C'était difficile, précaire et mal payé. Je veux que mes filles  et toutes les femmes à Londres  aient un avenir meilleur et ne pas avoir à faire les mêmes sacrifices que ma mère a fait pour nous», a-t-il raconté lors de sa campagne

Cinquième enfant d'une famille de huit, il a grandi dans une HLM d'un quartier populaire de la capitale britannique.

A l'école, il veut d'abord étudier les sciences pour devenir dentiste. Mais un de ses professeurs a repéré son envie d'en découdre verbalement et l'oriente vers des études de droit. Mais l'homme ne manie pas que les mots puisqu'il a aussi fait de la boxe pour se défendre des attaques qu'il pouvait subir en tant que «paki».

Il sera donc avocat, spécialisation droits de l'Homme. Il a d'ailleurs présidé pendant trois ans l'ONG Liberty (pour la défense des droits fondamentaux et les libertés).
 



Au cours de sa carrière juridique, il a défendu de nombreux cas liés à l'emploi et la discrimination mais aussi plaidé dans de nombreux dossiers contre la police.


Député, ministre puis candidat
Membre du parti travailliste, il se fait élire député en 2005 dans un quartier de Londres, siège qu’il a conservé jusqu’à aujourd’hui. Il a été ministre en 2008 dans le gouvernement de Gordon Brown. Aujourd'hui, Sadiq Khan est devenu un homme politique reconnu. C’est en 2015 qu’il annonce sa candidature pour la mairie de Londres au nom du parti travailliste, dont il gagne la primaire. 

Dans sa campagne, il a mis surtout l'accent sur le logement et les transports dont il propose le gel des tarifs et la possibilité de changer de bus avec le même ticket.

Un maire musulman ? Un maire féministe !
Sadiq Khan se définit comme un musulman modéré. Il a d’ailleurs affirmé avoir reçu des menaces pour son vote en faveur du mariage pour tous.
 
«Je n’ai jamais cessé de dénoncer les extrémistes de façon très ferme, avait-il affirmé sur la BBC. J’ai même une fatwa contre moi pour mon combat en faveur du mariage homosexuel. C’est difficile. Mais mon expérience, en tant que musulman britannique, est que Londres est la seule ville au monde ou je veux élever mes filles. Et mon histoire est celle de nombre d’immigrés, d’enfants et de petits-enfants depuis des milliers d’années.» 

Dans de nombreux discours, il a défendu une vision féministe de son mandat, affirmant vouloir lutter contre toutes les discriminations et menaces pesant sur les femmes. «Je serai un fier féministe à la mairie», affirme-t-il en mettant en avant le fait qu'il est père de deux filles.

Mais M.Khan est cependant accusé de jouer sur la corde des minorités et pour son appartenance à l'islam. «Ce serait un message phénoménal» envoyé au monde si un musulman était élu à la tête de Londres, a-t-il en effet affirmé. Une position qui lui a valu des critiques car considérée comme communautariste. «Si vous étiez battu, cela signifierait-il que Londres est intolérant?», lui a rétorqué un polémiste.

La presse a tenté aussi de le faire passer pour un islamiste. Des journaux comme le Sun ou l'Evening Standard l'attaquant sur ce thème.


En réponse à de mauvais sondages pour le candidat conservateur, la campagne s'est corsée à l'approche du scrutin. Les accusations contre le potentiel vainqueur se sont faites plus basses. Les conservateurs n'ont pas hésité à reprendre l'idée que derrière le musulman pourrait se cacher l'islamiste: sur ce thème le Premier ministre conservateur, David Cameron, a affirmé que l'on trouvait le candidat travailliste à une réunion au côté d'islamistes, provoquant une jolie tempête politique en Angleterre. Des attaques qui surviennent dans un climat de tension au sein du parti travailliste, plusieurs de ses membres ayant été accusés d'antisémitisme.

Sadiq Khan est «clairement un musulman moderne, progressiste» et les attaques soulevant des questions sur sa religion risquent «de se retourner»contre ceux qui les ont lancées, estime Tony Travers, de la London School of Economics, cité par France 24.


Londres ville-monde
Au-delà des polémiques, l'élection de ce fils d'immigrés, musulman modéré, consacre Londres, symbole de la ville-monde dans laquelle les enquêtes montrent la présence d'habitants venus de tous les continents au point, selon certaines études, que les «Blancs» seraient devenus minoritaires. «La proportion de Britanniques blancs a ainsi perdu 13 points en dix ans (45% en 2011 contre 58% en 2001). La part des minorités s’est donc fortement accrue et pas seulement à Londres», notait la démographe, parfois contestée, Michèle Tribalat sur Atlantico.

Dans cette capitale qui abrite aussi le plus grand nombre de milliardaires au monde, plus d’un tiers des Londoniens sont nés à l’étranger, confirme Courrier International. Sans compter les «les Britanniques d'origine étrangère, par exemple les enfants ou petits-enfants d'immigrés pakistanais nés au Royaume-Uni», ajoutent Les Echos.
 
«Un maire de Londres, fils d'un immigré chauffeur de bus, et de foi musulmane, un tel maire serait une réponse sans appel à ceux qui voulaient, il y a 10 ans, détruire notre mode de vie», affirmait-il en présentant sa campagne en référence aux attentats islamistes de 2005 à Londres.

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