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"Nous prendrons toutes les précautions du monde" : le délicat voyage de la tapisserie de Bayeux vers le Royaume-Uni

L'Elysée a validé le principe d'un prêt, tout en conditionnant le transport au bon état de l'œuvre et à une possible restauration.

Article rédigé par franceinfo
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La tapisserie de Bayeux représente la bataille de Hastings. (STEPHANE MAURICE / VILLE DE BAYEUX / AFP)

C'est un document à la fois spectaculaire et fragile de l'histoire franco-anglaise. Vue par 400 000 visiteurs chaque année, la tapisserie de Bayeux fera l'objet d'un prêt au Royaume-Uni, a annoncé Emmanuel Macron, jeudi 18 janvier. Ce joyau médiéval relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, et notamment la bataille d'Hastings, le 14 octobre 1066. Son lieu de fabrication est débattu mais elle pourrait avoir été conçue à Canterbury, "où existaient à l'époque de nombreux ateliers de brodage", selon l'historien Pierre Bouet, spécialiste de l'histoire médievale.

La tapisserie a déjà voyagé au fil des siècles, explique Pierre Bouet. "Napoléon l'a fait venir à Paris en 1804 pour mobiliser l'opinion publique à la conquête de l'Angleterre", rappelle le médiéviste et elle a également été transportée en dépôt au château de Sourches (Sarthe) puis au Louvre en juin 1944, sur ordre de Hitler qui voulait "l'emporter à Berlin". Plus récemment, en 1983, la tapisserie a été déplacée depuis l'Hôtel du Doyen de Bayeux vers le musée actuel. A cette occasion, un panneau de lin a été cousu au dos, pour réduire la tension sur les fils lors de la suspension. Un autre panneau avait été ajouté dès le Moyen-Age, précise l'historien François Neveux.

Un taux d'humidité très surveillé

L'œuvre de tissu fait aujourd'hui l'objet d'attentions soutenues, pour garantir sa conservation. "Elle est très bien là où elle est, commente une chercheuse. Mais j'imagine que les conservateurs des équipes française et britannique prendront tout le soin nécessaire." La tapisserie est exposée 340 jours par an sous des rampes lumineuses de faible intensité pour éviter la dégradation des couleurs, précise le musée. La température est maintenue entre 18 et 20°C avec un taux d’humidité autour de 50% pour éviter que les fibres de lin et de laine ne se détériorent. L'air est filtré et légèrement en surpression, pour maintenir un taux bas de particules et prévenir l'empoussièrement du tissu. "Les normes appliquées sont ISO8, semblables à celle d'une salle blanche de laboratoire", explique la spécialiste.

Un détail de la tapisserie de Bayeux. Harold, comte anglais, atteint les terres du comte Guy Ier, deux ans avant la bataille de Hastings. (LIONEL LOURDEL / PHOTONONSTOP / AFP)

"Il faudra la rouler un petit peu"

Brodée sur une toile de lin mesurant 68,38 m, elle est constituée de neuf panneaux d'une largeur de 50 cm et de longueurs inégales : "Je pense qu'il faudra la rouler un petit peu et l'installer dans un caisson avec des conditions d'hydrométrie et de température idéales." La tapisserie, malgré tout, est aujourd'hui dans des conditions satisfaisantes.

L'idéal, bien sûr, serait de ne pas la bouger. Si j'étais seul à prendre position sur un prêt, je dirais non.

François Neveux

à franceinfo

D'un autre côté, la tapisserie aurait dû être déplacée de toute manière, dans le cadre du projet de nouveau musée dont l'ouverture est prévue à l'horizon 2023. "C'est donc une bonne occasion pour la prêter aux Anglais, à la fois d'un point de vue historique et pour la renommée de l'œuvre, car l'exposition britannique devrait attirer énormément de monde." François Neveux envisage déjà des retombées favorables pour Bayeux, pour les Britanniques qui auront laissé filer l'occasion.

Un autre détail de la tapisserie de Bayeux. Les armes et le vin sont portés aux navires lors du ravitaillement pour la conquête de l'Angleterre par les flottes de Guillaume le Conquérant. (PHOTO JOSSE / AFP)

Une fenêtre de tir réduite

"On ne sait pas encore dans quelles conditions peut se passer le transport, confie-t-on au musée. Mais nous prendrons toutes les précautions du monde. Ni le Royaume-Uni, ni la France ne souhaitent la détériorer." L'Elysée a rappelé qu'il s'agissait d'un "objet patrimonial extrêmement fragile qui fera l'objet de travaux de restauration très importants" et n'a pas évoqué de transport "avant 2020".

La ville de Bayeux, elle, n'entend pas céder l'œuvre avant la fermeture provisoire du musée pour travaux, en 2023. La fenêtre de tir est réduite, puisqu'elle souhaite récupérer l'œuvre au printemps 2024, avant le 80e anniversaire du Débarquement et de la bataille de Normandie. "Un programme d’études préalables à une éventuelle intervention de restauration est en cours d’élaboration" pour stabiliser l'œuvre, a averti le maire Patrick Gomont dans un communiqué. C’est cette stabilisation qui, seule, permettrait de décider d’un prêt à l’issue de l’intervention."

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