Les élections américaines vues de... Londres
Si les Anglais étaient cyniques, ils choisiraient Mitt Romney sans aucune hésitation. Non pas parce qu’ils le préfèrent à Barack Obama. Ni pour ses choix de société, ni pour la place que doivent occuper les Etats-Unis dans le monde, ni même encore pour améliorer les relations que pourrait entretenir le cousin d’Amérique avec le Royaume-Uni. Non. Tout simplement parce qu’au vu de sa dernière et seule visite à Londres, Romney a encore commis une gaffe et qu’on imagine avec délectation une relation Romney-Cameron : elle ne manquerait pas de piquant. Car, à Londres, le candidat républicain à la Maison Blanche a réussi à faire l’unanimité contre lui, s’attirant les critiques et moqueries de la presse voir même de la classe politique britannique.
Passe d'armes avec Cameron
En effet, à la veille seulement de l’ouverture des Jeux Olympiques à Londres, le 27 Juillet 2012, Romney a eu l’honneur d’être reçu au 10 Downing Street par David Cameron (en général, lorsqu’on parle d’honneur en matière de visite américano-britannique, c’est plutôt lorsque le Britannique se rend à Washington). Un honneur qu’il a transformé en fiasco. Mitt Romney n’a pas hésité à déclarer à propos de l’organisation de ces JO «qu’il est toujours difficile de savoir comment ça va se passer. Il y a quelques éléments déconcertants… », évoquant même des menaces de grève des personnels des douanes et de l’immigration.
Il est vrai que ces menaces étaient réelles, mais de la part du cousin d’Amérique ces soupçons étaient particulièrement malvenus. Même si Romney, on le sait, est «l’homme qui a sauvé les jeux de Salt Lake City».
Et David Cameron ne s’en est pas laissé compter, répondant du tac au tac : «Nous organisons les jeux olympiques dans une des villes les plus bondées, les plus actives et les plus animées du monde. Bien sûr, c’est plus facile d’organiser des Jeux au milieu de nulle part.» Une bombe ! En bon Anglais qu’il est, Cameron est pourtant bien plus souvent dans la retenue que dans l’attaque… La presse anglaise s’est évidemment jetée avec délectation sur ces déclarations qui augurent mal la relation professionnelle que pourrait entretenir les deux hommes…
Un proche de Romney en rajoute
A cela s’ajoute les attaques d’un proche de Romney expliquant qu’Obama avait malmené les relations historiques entre Londres et Washington et que son champion républicain saurait mieux entretenir «l’héritage anglo-saxon». Une attaque maladroite qui sous-entend que le président Obama parce qu’il est noir saurait moins bien entretenir cette relation ! Sur la chaîne NBC, Romney a dû désavouer ce conseiller anonyme… et reconnaître que sur ce point, il n’y avait pas de différence entre les deux hommes…
L'élection outre-Atlantique ne passionne pas les foules
Dans un cas comme dans l’autre, Romney a donné du grain à moudre à la presse anglaise !
En dehors ce cet épisode, les Britanniques ne se passionnent pas pour l’élection américaine. Un peu comme si ils étaient désabusés et résignés. D’ailleurs, les articles de presse sont presqu’inexistants. Le reporter du Guardian qui sillonne le pays raconte cette Amérique malade et pas rétablie malgré les soins trop timides du Docteur Obama qui avait suscité tant d’espoir.
Une relation très spéciale
Mais les Britanniques savent aussi qu’«il n’y à pas de différence» entre Obama et Romney, comme le dit ce dernier, pour ce qui est de la relation entre Londres et Washington. Même si il est représenté par un gaffeur, le cousin d’Amérique restera toujours le bienvenu en Grande-Bretagne.
Plusieurs raisons à cela : il y a évidemment l’immigration anglo-saxonne, qui a contribué au développement des Etats-Unis, et aussi le soutien indéfectible et historique des Britanniques aux Américains à travers différents conflits armés.
Les Britanniques sont des alliés, mais aussi des amis sur lesquels on peut compter. Attention cependant à ne pas aller trop loin : chacun a en mémoire le soutien trop appuyé de Tony Blair à George Bush dans le conflit en Irak. Il en a payé le prix politique : beaucoup considère que si Blair a dû quitter le pouvoir, c’est parce qu’il s’agissait d’un soutien «aveugle» à Bush. Blair avait dû affronter un million de personnes dans les rues de Londres en 2003, peu avant le déclenchement de la guerre. Cette «relation spéciale» a donc ses limites…
Des choix de sociétés qui heurtent
Mais, plus profondément, il est une autre limite à ne pas dépasser dans l’esprit britannique. C’est ce qui touche aux choix de sociétés du futur président américain. Car les Anglais jugent leur propre société «déjà trop américanisée». Les programmes télévisés, la violence, le phénomène des bandes, la façon dont s’habillent (ou pas) certaines jeunes filles... Tout ce qui relève de la famille et que le candidat républicain dit vouloir remettre en cause, notamment l’avortement. De tout cela la population britannique ne veut pas. Cela la heurte. Le cousin d’Amérique sera toujours le bienvenu, mais surtout pas avec ce qu’il a de pire…
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