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En cas de Brexit, que se passerait-il à Gibraltar?

Alors que le Royaume-Uni débat de son attachement à l’Union européenne, les 33.000 habitants de Gibraltar, minuscule territoire britannique collé à l'Andalousie, s'inquiètent de plus en plus d’un éventuel Brexit avant le référendum prévu le 23 juin. Ils craignent notamment une fermeture de la frontière avec l’Espagne.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
10 septembre 2006. Jour de la fête nationale qui marque l'anniversaire d'un référendum le 10 septembre 1967, lorsque seulement 44 personnes du territoire britannique avaient voté en faveur du rattachement du territoire à l'Espagne. (JOSE LUIS ROCA / AFP)

A Gibraltar, territoire foncièrement britannique, le vote sur le Brexit inquiète. Car si les habitants se sentent anglais, ils se revendiquent aussi européens. «Nous sommes géographiquement connectés avec l'Europe. Nous sommes un melting pot de cultures européennes», affirme une habitante à la BBC

L'inquiétude n'est pas qu''identitaire. L’économie de ces 6 km2 de terre anglaise située au sud de l’Espagne dépend, en effet, en grande partie de l'accès au marché unique européen. Son seul point d'entrée sur le continent est l'Espagne, qui dispute au Royaume-Uni la souveraineté de ce territoire qu'elle a dû lui céder en 1713 (voir l'histoire de Gibraltar).

Gibraltar vit du tourisme, de la finance, des jeux en ligne et des services portuaires, et a connu une croissance insolente d'environ 10,3% de son produit intérieur brut (PIB) en 2015.
 

Images du drapeau britannique et de la Reine projetées sur le «Rocher» en juin 2012, pour le jubilée de diamant d'Elisabeth II. (MARCOS MORENO / AFP)


Menace «existentielle»
Son attrait pour les investisseurs étrangers tient à son régime d'imposition sur les sociétés très faible et son appartenance à l'Union Européenne, qui permet aux entreprises qui y sont basées d'opérer dans tous les Etats membres. Résultat, de nombreuses banques s'y sont installées et le secteur financier représente environ 20% de son économie.

Pas étonnant dès lors que l’idée d’un Brexit fasse peur sur le Rocher. «Je suis très inquiet que cela rende notre modèle économique actuel intenable», explique le ministre en chef de Gibraltar, Fabian Picardo, qui n’hésite pas à parler de menace «existentielle». «Une des raisons pour laquelle les sociétés sont ici est la possibilité de vendre leurs services à travers l'UE... et cette raison disparaîtra» en cas de Brexit, avertit le responsable. Bref, le Rocher a peur de perdre la possibilité offerte par le Royaume-Uni d'être une sorte de paradis fiscal et par l'UE d'avoir accès à un immense marché.

Surtout que les relations avec le voisin espagnol n’ont pas toujours été simples. Le territoire dépend très largement de son unique accès terrestre via l’Espagne, même si le Rocher dispose d’un aéroport et d’un port.

En 1969, l’Espagne de Franco fit fermer la frontière, obligeant les habitants du Rocher à passer par bateau ou par avion jusqu'à sa réouverture complète en 1985. Depuis, les relations connaissent des hauts et des bas et l’Espagne peut réguler le trafic à l’entrée du territoire à sa guise.

Le gouvernement espagnol considère Gibraltar comme un paradis fiscal et s'irrite de la contrebande de cigarettes. En 2013, l'Espagne avait d'ailleurs renforcé les contrôles à la frontière, provoquant des embouteillages sans fin et obligeant la Commission européenne à jouer les bons offices.
 


Revendications espagnoles
Le Premier ministre de Gibraltar voit déjà l’Espagne revendiquer la souveraineté sur ce territoire, obligeant les habitants à abandonner leur «inaliénable statut de territoire autonome britannique».  Selon, le Sun, Madrid estime, à propos du Rocher, que le reférendum anglais est une opportunité en or pour l’Espagne... 

C’est ce type de problèmes que craignent une partie des habitants de Gibraltar qui vit du tourisme. «La moitié ou plus de nos clients traversent la frontière», raconte Isaac Batista, qui travaille dans un magasin de liqueurs, où les cigarettes et l'alcool sont bien moins chers qu'en Espagne. «Si la frontière ferme, ce sera autre chose» non seulement pour les commerces, mais aussi pour les 10.000 frontaliers qui viennent travailler tous les jours sur le Rocher, précise-t-il.
 
En effet côté espagnol, l’économie de la petite ville frontalière de La Linéa dépend en grande partie de l’attrait du Rocher. Pour Juan Franco, maire de La Linea, la principale inquiétude porte sur l'impact qu'aurait un Brexit sur l'économie locale. Le taux de chômage frôle les 40% dans sa commune et la majorité de ceux qui ont du travail sont employés à Gibraltar. Comme quoi Anglais et Espagnols peuvent avoir parfois un intérêt commun sur Gibraltar.

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