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Corbyn ou Smith: le Labour, le parti travailliste en dix chiffres
Jeremy Corbyn ou Owen Smith… Bataille au sein du Labour, le parti de la gauche britannique. Les membres du parti travailliste ont voté pour choisir leur futur leader. Un vote qui marque une coupure profonde entre la base des militants et le sommet des élus et cadres du vieux parti. Retour en 10 chiffres sur un parti travailliste au bord de la scission.
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540.000 militants: ce sont eux qui élisent leur leader et qui ont voté. Ils sont la grande force sur laquelle compte Corbyn pour assurer sa victoire. Dans un parti déserté par ses militants du temps de Blair, les discours de gauche de Corbyn ont eu un effet mobilisateur. Des milliers de syndicalistes ou de jeunes qui n’avaient pas ou plus confiance dans le parti sont revenus ou se sont inscrits. Selon les chiffres officiels, le Labour a gagné 300.000 nouveaux adhérents grâce à l'«effet Corbyn». Le nombre de membres du Labour est passé de 200.000 en février 2015 à 515.000 en août 2016... (et selon ce tweet, Corbyn affirme que 40.000 d'entre eux se sont portés volontaires en faveur de sa campagne.
Thank you to all our volunteers. Like last year, people have come together because they want to see Labour rebuild and transform Britain pic.twitter.com/Tc6dmw35ce
— Jeremy Corbyn (@jeremycorbyn) September 21, 2016
230 Députés travaillistes: le parti, défait en 2015, compte 230 députés (MP en anglais, membres du Parlement). C'est à la suite de l'échec des travaillistes lors des élections législatives de 2015 que la tête du parti a changé et que Corbyn a été désigné à la tête du Labour. Traditionnellement, ils représentaient l'élite et la tête pensante du parti. Mais Corbyn souhaite s'appuyer d'avantage sur les militants et la base plutôt que sur les cadres.
Au lendemain du Brexit, les cadres ont mis en cause Corbyn et 172 députés sur les 230 du groupe ont voté une motion contre leur chef Jeremy Corbyn, accusé, selon eux d’avoir été incapable de mobiliser l’électorat travailliste contre le Brexit, qui a trouvé de nombreux soutiens dans les régions pauvres du royaume, où se trouvent naturellement le plus d’électeurs travaillistes.
23 des 31 membres du «shadow cabinet» ont démissionné pour protester contre Corbyn marquant encore plus le fossé entre les cadres du parti et son chef. Au-delà de ce mouvement de protestation, le débat porte aujourd'hui sur la composiiton de ce «cabinet fantôme», sorte de gouvernement de l'opposition chargé de répondre aux décisions du gouvernement officiel.
Jeremy Corbyn a refusé un plan présenté par son adjoint Tom Watson visant à permettre aux députés travaillistes de voter pour choisir qui composera le cabinet fantôme. Il a, au contraire, proposé un plan dans lequel les militants auraient leur mot à dire sur la composition de ce cabinet fantôme qui est actuellement de la seule responsabilité du chef du parti. Dans ce débat, il y a un vrai bras de fer pour déterminer qui doit avoir le pouvoir au sein du parti, Pour certains analystes, ces débats pourraient mener le Labour à l'éclatement.
1900, date de la fondation du Labour. Le parti travailliste britannique a été fondé par les syndicats au tournant du siècle et a pris son nom de Labour party (parti travailliste) en 1905. Il a adopté une position socialiste en 1918, prônant la nationalisation des biens de production. Ce n’est que sous Tony Blair que cette position a été abandonnée… même si elle n’a jamais été véritablement appliquée, si ce n’est au lendemain de la Seconde guerre mondiale avec la création du «wellfare state» (Etat providence).
Durant toute son histoire, le parti travailliste a oscillé entre ses deux courants, celui d’une gauche plus «révolutionnaire» et celle d’une gauche de compromis, symbolisée par le blairisme et la période du «new labour» des années 90-2000 avec Tony Blair et Gordon Brown.
Après l’échec des élections de 2015, qui voient la chute de Milliband, Jeremy Corbyn, candidat adoptant une ligne anti-blairiste très marquée, est élu à la tête du parti travailliste dès le premier tour malgré l'hostilité de l'appareil du parti (et notamment de Tony Blair lui-même.
5 premiers ministres travaillistes ont gouverné le Royaume-Uni depuis la Seconde guerre mondiale, assurant au Labour une présence au pouvoir presque aussi longue que celle des Conservateurs (30 ans sur 75).
Clement Atlee (qui a gouverné de 1945 à 1951) a été le premier et le plus marquant des Premiers ministres travaillistes d’après-guerre pour l’ampleur de ses réformes sociales et économiques. C’est à lui qu’on doit la mise en œuvre de ce qu’on a appelé le «welfare state». Les autres Premiers ministres travaillistes ont été dans l’ordre Harold Wilson (1964-70) et 1974-76 avec l’entrée dans l’Europe; James Callaghan (1976-79), Tony Blair (1997-2007) et Gordon Brown (2007-10).
37% des électeurs travaillistes auraient voté en faveur du Brexit, selon des sondages. C’est l'importance de ce nombre qui aurait déclenché officiellement la révolte des députés travaillistes contre le leader du parti. Ils l’ont accusé de ne pas avoir défendu avec suffisamment d’entrain la présence du Royaume-Uni dans l’UE. Si Corbyn se déclare pro-européen, il a peu d'affinités avec l'UE telle qu'elle fonctionne aujourd'hui.
L'analyse du vote du Brexit montre que ce sont les électeurs les plus pauvres qui ont voté pour la sortie de l'UE. Des électeurs de Ukip ou du Labour, victimes des conséquences de la mondialisation.
67 ans. C’est l’âge de Jeremy Corbyn. Il s’était présenté comme l’«antidote au blairisme» et avait été élu à la tête du Labour sur un discours marqué à gauche au lendemain de la défaite du parti en 2015. Malgré des handicaps, comme son âge, il a su faire de ses faiblesses supposées une force qui plaît aux jeunes séduits, semble-t-il, par ce qui ressemble à de vraies convictions. Dans un portrait consacré à Corbyn, Le Monde mettait en avant des traits de caractères très clivants dans un monde dominé par un certain consensus: «Assidu des piquets de grève, antimonarchiste, partisan de la renationalisation des chemins de fer, militant du désarmement nucléaire, de la solidarité avec la Palestine et du refus de la guerre en Irak, ascétique, végétarien, refusant de boire de l’alcool et deposséder une voiture.»
L’élu d’Islington passe son temps au Parlement à s’opposer à la ligne de son propre parti.
L’élu d’Islington passe son temps au Parlement à s’opposer à la ligne de son propre parti.
Si ses positions sociales et politiques plaisent à la base du parti, elles gênent l’élite du parti qui craint que le Labour n’arrive jamais au pouvoir avec une telle politique. Il est vrai que les sondages sont assez mauvais pour le parti (voir son portrait sur Géopolis).
Le train de 11h11. Jeremy Corbyn, qui milite pour une nationalisation du rail, a défrayé de la chronique en publiant une vidéo le montrant assis à même le sol dans le train de 11h11 reliant Londres à Newcastle. «Un problème auquel sont confrontés chaque jour de nombreux passagers», dit-il en dénonçant le manque de trains proposés par la compagnie privée Virgin. Mais sa version des faits est rapidement mise à mal lorsque Virgin rend public ses propres images qui montrent Jeremy Corbyn passer devant des dizaines de sièges apparemment vides. Une affaire qui met à mal son image de militant loin des opérations de com...
46 ans. Owen Smith est plus jeune mais moins connu. Diplômé d’histoire et de français, le député travailliste a été producteur à la BBC et ancien lobbyiste pour le groupe Pfizer. Un profil beaucoup plus acceptable pour l’aile réformatrice du parti que celle de son adversaire.
Ce cadre du parti, originaire du pays de Galles, participa au cabinet fantôme de Miliband, le leader du parti qui perdit les élections de 2015. Owen Smith se présente surtout comme un social-démocrate, même s'il dit ne pas rejeter toutes les propositions réformatrices de Corbyn. Sur l'Europe, il dit être favorable à l’organisation d’un nouveau référendum sur le Brexit. Sur les questions de défense, après avoir longtemps hésité, il a voté en faveur du programme de renouvellement des sous-marins nucléaires Trident. Une position qui a été massivement suivie par les députés travaillistes, mettant en minorité Corbyn et les autres députés travaillistes opposés à cet investissement. Au total, 47 députés travaillistes ont voté contre et 140 pour...
Le train de 11h11. Jeremy Corbyn, qui milite pour une nationalisation du rail, a défrayé de la chronique en publiant une vidéo le montrant assis à même le sol dans le train de 11h11 reliant Londres à Newcastle. «Un problème auquel sont confrontés chaque jour de nombreux passagers», dit-il en dénonçant le manque de trains proposés par la compagnie privée Virgin. Mais sa version des faits est rapidement mise à mal lorsque Virgin rend public ses propres images qui montrent Jeremy Corbyn passer devant des dizaines de sièges apparemment vides. Une affaire qui met à mal son image de militant loin des opérations de com...
46 ans. Owen Smith est plus jeune mais moins connu. Diplômé d’histoire et de français, le député travailliste a été producteur à la BBC et ancien lobbyiste pour le groupe Pfizer. Un profil beaucoup plus acceptable pour l’aile réformatrice du parti que celle de son adversaire.
Ce cadre du parti, originaire du pays de Galles, participa au cabinet fantôme de Miliband, le leader du parti qui perdit les élections de 2015. Owen Smith se présente surtout comme un social-démocrate, même s'il dit ne pas rejeter toutes les propositions réformatrices de Corbyn. Sur l'Europe, il dit être favorable à l’organisation d’un nouveau référendum sur le Brexit. Sur les questions de défense, après avoir longtemps hésité, il a voté en faveur du programme de renouvellement des sous-marins nucléaires Trident. Une position qui a été massivement suivie par les députés travaillistes, mettant en minorité Corbyn et les autres députés travaillistes opposés à cet investissement. Au total, 47 députés travaillistes ont voté contre et 140 pour...
Thank you to everyone that pitched in during this campaign. We couldn't have done it without you. pic.twitter.com/K4pugLyCxf
— Owen Smith 2016 (@owensmith2016) September 22, 2016
19% de popularité dans les sondages. Jeremy Corbyn qui vient de fêter sa première année à la tête du Labour plaît à ses militants mais a du mal à asseoir sa crédibilité ches les électeurs britanniques. seuls 19% des Britanniques considéraient Jeremy Corbyn comme la personne appropriée pour mener l’exécutif britannique, contre 51% pour la Première ministre conservatrice Theresa May. Pire encore, selon un sondage, 30% des électeurs britanniques préfèreraient Theresa May.
C'est sans doute là que réside la plus grande faiblesse de Corbyn. Pour l'instant, il n'a pas réussi à s'imposer comme leader crédible auprès de la majorité des électeurs. Il est vrai qu'il n'est pas aidé par le parti.
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