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A cause du Brexit, y aura-t-il du rififi à l’Otan?
Les dirigeants de l’Otan sont réunis en sommet à Varsovie les 8 et 9 juillet 2016. L’ombre du Brexit plane sur l'alliance militaire. Le Royaume-Uni, puissance nucléaire, est un acteur majeur de la défense européenne. Le fait que ce grand allié des Etats-Unis quitte l’UE ouvre une période d’incertitude à l’heure des tensions avec la Russie de Vladimir Poutine.
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Pour le président des Etats-Unis, Barack Obama, il y a eu «un peu d’hystérie» après l’annonce du vote négatif des Britanniques sur l’Union européenne. Intervenant le 26 juin 2016 devant les parlementaires canadiens, il a expliqué qu’il ne s’attendait pas à des «changements catastrophiques». A ses yeux, la présence de la Grande-Bretagne au sein de l'OTAN restera «une pierre angulaire» de la politique étrangère américaine.
Même tonalité de la part du secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, qui se dit «certain» que Londres restera un moteur de l’alliance militaire occidentale. Pour autant, avant le vote, le même assurait le 6 juin que le vote risquerait de créer «plus d’instabilité» dans «une période marquée par de nombreuses menaces»…
De la même façon, avant le référendum du 23 juin, le commandant en chef des forces américaines en Europe, le lieutenant-général Frederick Ben Hodges, avait exprimé son inquiétude sur la menace que peut représenter le Brexit à l’heure d’une pression russe à l’Est, selon des propos rapportés par le Daily Telegraph. «Tout ce qui mine l’efficacité de l’Otan a un impact sur nous. Alors, si l’UE commence à se dissoudre, cela ne peut qu’avoir une réaction en chaîne sur l’alliance», a-t-il expliqué.
Inquiétudes occidentales
Désormais, le ton est donc plus mesuré qu’avant le référendum sur le Brexit. Mais le retrait de Londres de l’Union européenne ne manque pas d’inquiéter au sein de la communauté occidentale dans la mesure où Albion est l’une des principales puissances militaires du Vieux continent. Le Royaume-Uni est en effet, avec la France, le seul pays européen doté de capacités militaires d'envergure, notamment de l'arme nucléaire. Et avec Paris, il est le seul à se montrer prêt à intervenir sur des théâtres extérieurs.
Il dirige l'opération européenne anti-piraterie Atalante au large de la Corne de l'Afrique. Il participe à la surveillance de la Méditerranée contre les passeurs de migrants et contribue à la force de réaction rapide de l'UE («Battlegroup»). De plus, son budget militaire (60 milliards d’euros en 2015) est le plus important des pays européens : il représente 25% de toutes les dépenses en la matière sur le Vieux continent.
D’où l’incertitude qui prévaut aujourd’hui. Pour l’ancien secrétaire général néerlandais de l’Otan Jaap de Hoop Scheffer, le Brexit va nécessairement «affecter la relation étroite qui existait entre l'UE et l'Otan, et dont Londres était un élément clef». Selon lui, il risque en outre de faire entrer en récession la Grande-Bretagne, qui pourrait alors couper dans son budget défense. Un budget déjà lourdement grevé par une série de mesures d'austérité ces dernières années.
La sortie de l’UE «pourrait avoir d’autres effets insidieux, en rognant par exemple sur l’arsenal nucléaire de la Grande-Bretagne et en modifiant le paysage nucléaire stratégique européen. En Ecosse, une large majorité d’électeurs se sont opposés à la sortie de l’UE et les dirigeants ont déclaré vouloir organiser un nouveau référendum pour décider si le territoire devait se séparer ou non du Royaume-Uni. Si l’Ecosse se fait la malle, la Grande-Bretagne fera face à un nouveau problème aux conséquences des plus graves pour la sécurité européenne: elle n’aura plus d’endroit où amarrer ses sous-marins nucléaires», analysent les journalistes américains Dan de Luce et Paul McLeary, dans un article de Slate.
Des sous-marins basés dans la base navale écossaise de Faslane. «Et si Londres perd son arsenal nucléaire, alors les Etats-Unis seront tout simplement obligés de revoir entièrement leur propre stratégie nucléaire», poursuivent-ils.
L'Otan avant toute chose
Autant de points de vue que ne partagent pas l’ancien secrétaire britannique à la Défense Liam Fox, qui a fait campagne pour le «out». «Notre sécurité dépend de deux facteurs : l’Otan et nos services de renseignement. L’Otan nous assure de l’engagement militaire des Etats-Unis», expliquait-il le 27 février 2016 dans le Mail on Sunday. Et de poursuivre : l’organisation militaire occidentale «est une alliance de plus de 900 millions de personnes comparées aux 500 millions de l’UE. C’est l’approche d’une Otan renforcée et plus engagée, qui permettra d’écarter des menaces extérieures, dont la Russie. L’Otan a assuré la paix en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Nous n’avons pas besoin d’une Union qui nous entraîne dans un mécanisme de prise de décision supranationale en matière de sécurité.»
Conclusion : selon les défenseurs du Brexit, Londres va pouvoir retrouver une plus grande latitude sur la scène internationale. Et ce sans être sans être ralenti par la bureaucratie supposée de Bruxelles ou par sa contribution au budget européen.
«La vodka coule à flot», vraiment ?
Et maintenant ? «Le plus grave avec le Brexit, c’est que l’Europe va être divisée et, donc, incapable de se concentrer sur les sujets stratégiques», pense le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (basée à Paris), Camille Grande, cité par l’AFP. Le défi est d'autant plus grand que l'Europe fait face à des menaces sans précédent depuis la fin de la Guerre froide. Une menace sur son flanc est, où Moscou manifeste des appétits nouveaux. Et une menace sur son flanc sud, avec la pression migratoire et djihadiste.
La sortie de la Grande-Bretagne, farouchement hostile à toute intégration militaire au sein de l'UE, pourrait certes faciliter la relance de la défense européenne que la France et l'Allemagne appellent de leurs voeux. Mais la création d’un état-major continental et le fait de dégager plus d'argent pour des opérations de l'UE, autant de points que Londres bloquait, représenteront un gain «marginal» par rapport à la «perte d'une grande puissance militaire», considère Camille Grand.
Dans l'immédiat, le vide laissé par le Brexit risque-t-il de faire le jeu de la Russie, convaincue que tout affaiblissement de l'Europe ne peut que servir ses intérêts stratégiques? «Cela pourrait encourager une posture plus agressive de la Russie vis-à-vis de l'Otan», juge Christopher Chivvis, chercheur au centre de réflexion américain Rand Corporation, lui aussi cité par l’AFP. L'Europe se retrouve en outre «diminuée» à un moment où les Etats-Unis, davantage préoccupés par les menaces chinoises en Asie, lui demandent de faire plus pour sa propre défense.
«La vodka coule à flot au Kremlin», selon un ancien conseiller au département américain de la Défense, cité par Slate. Pour autant, côté russe, on semble pour l’instant faire preuve d’une certaine prudence. Et peut-être même d’une certaine inquiétude, face à l’incertitude engendrée par la sortie de la Grande-Bretagne : selon le politologue Fiodor Loukianov, cité par Courrier International, le Brexit pourrait renforcer le rôle de l’Otan comme «dernière structure unifiant l’Europe». Un scénario qui «ne promet rien de bon». Car il renforcerait le rôle des Etats-Unis sur le Vieux continent.
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