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Royal Baby : de la difficulté de trouver sa place quand on est le royal cadet

Pour George, c'est facile : il est l'héritier du trône. Pour le Royal Baby n°2, ou Baby Cambridge, trouver sa place sera beaucoup plus compliqué. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le prince Harry, à Canberra, lors d'une visite en Australie, le 6 avril 2015.  ( AFP )

Pas facile d'être l'"héritier de rechange", hein ? Baby Cambridge (en attendant de connaître ton prénom), sache que tu es le deuxième enfant du prince William et de Kate, ce qui fait de toi, au moins provisoirement, le bébé le plus observé de la galaxie. Surtout, tu rejoins ton tonton Harry et ton grand-oncle Andrew sur la longue liste des Windsor nés à une marche du trône : les cadets.

En quoi cela consiste-t-il ? A toi de voir. 

Le guide du bon cadet n'existe pas

"La monarchie est constituée d'un ensemble de pratiques, il n'existe pas de constitution écrite régissant le rôle du cadet, ni celui des autres membres de la famille royale d'ailleurs", prévient Philippe Chassaigne, professeur d'histoire contemporaine et spécialiste de la Grande-Bretagne, contacté par francetv info. Baby Cambridge, quoi que l'on te raconte sur les frasques de tonton Harry, les casseroles de ton grand-oncle Andrew ou les folies de feu ton arrière-grand-tante Margaret, sache que tu n'es pas condamné aux pages scandale des tabloïds. "Il n'y a pas de comportement type des cadets", confirme Philippe Chassaigne. S'ils ont la réputation d'être plus rebelles que leurs aînés, les cadets de la couronne britannique agissent davantage en fonction de leur personnalité que de leur place dans la fratrie, prévient l'historien.

"Je ne suis pas psychologue, mais il semble plus pertinent de chercher les raisons des frasques d'Harry dans son vécu, et le fait d'avoir perdu sa mère à 13 ans, alors qu'il était moins mûr que William, que dans le fait qu'il soit le second", nous explique-t-il encore, si cela peut te soulager. Même chose pour Margaret, la jeune sœur de la reine Elizabeth, connue pour avoir fait plus que royalement la fête avec les artistes en vogue du Swinging London dans les années 60, clope au bec et verre de gin à la main. "Il se dit qu'elle était mondaine parce qu'elle n'avait pu épouser l'homme qu'elle aimait, un écuyer du roi, divorcé et père de famille", poursuit l'historien.

La princesse Margaret discute avec Paul Newman sur le tournage du film "Le Rideau déchiré", à Londres (Royaume-Uni), en novembre 1965.  (DALMAS /SIPA )

Le cadet anticonformiste est un mythe  

Et si papy Charles a l'air beaucoup moins extravagant que son petit frère, ton grand-oncle Andrew, en ce moment même empêtré dans un scandale sexuel impliquant une jeune femme mineure, il ne faut pas oublier "qu'il n'a pas toujours eu 67 ans !", rappelle l'historien. "Dans les années 70, Charles avait la réputation d'entretenir des relations avec des femmes mariées ou plus âgées, etc. Avant d'épouser Diana, en 1981, il a suscité pas mal d'inquiétude. Et l'on voit bien, à travers les crises au sein de son couple avec Lady Di, qu'il n'a pas eu une vie privée de tout repos". Et ce n'est pas belle-mamie, Camilla Parker Bowles, qui te dira le contraire (quand tu seras plus grand[e].) 

A l'inverse, le fils cadet de ton ancêtre George V, Albert (qui deviendra George VI après son accession surprise au trône en 1936), était timide et plutôt rangé des voitures : "C'est son frère aîné, Edouard VIII, qui menait une vie considérée comme dissolue. Il a abdiqué pour pouvoir épouser une Américaine divorcée. A l'époque, c'est donc lui qui a bouleversé les codes", rappelle Philippe Chassaigne.

Enfin, George V, son père, lui aussi cadet propulsé sur le trône "menait avec son épouse une vie plus proche de celle de membres de la classe moyenne supérieure que de celle des aristocrates." Une vie un peu austère, adoptée par choix : "C'était leur tempérament."

Il y a des obligations auxquelles tu ne couperas pas

Par ailleurs, être le cadet ne dispense pas d'effectuer les obligations qui reviennent à toutes les têtes couronnées outre-Manche. "Déjà au XVIIe siècle, l'aîné obtenait le titre de prince de Galles, tandis que le cadet devenait déjà duc d'York, c'est l'usage", relève Philippe Chassaigne. "Depuis le règne de la reine Victoria, les actions caritatives constituent l'activité principale des membres de la famille royale. C'est un peu une façon de justifier leur statut très privilégié", explique l'historien, prenant l'exemple de la princesse Anne, sœur cadette du prince Charles. Ta grand-tante préside notamment La Société de la cuillère de bois (Wooden Spoon Society). Cela n'a pas l'air génial dit comme cela, mais il s'agit en réalité d'une œuvre de charité liée au rugby, qui vient en aide aux enfants défavorisés du Royaume-Uni et de la République d'Irlande. 

Pour les garçons, quelle que soit leur place dans la fratrie, difficile d'échapper à la traditionnelle carrière militaire, et ce également depuis le règne de Victoria. Pour certains cadets, l'armée a d'ailleurs contribué à contrebalancer une image quelque peu écornée. En 1981, Andrew s'éprend d'une belle actrice américaine, Koo Stark, héroïne d'un film érotique. Le scandale est éclipsé ni une ni deux quand, l'année suivante, il part combattre aux Malouines. Quant à Harry, il a beau avoir fait la une des tabloïds en mauvaise posture (nu à l'issue d'une partie de strip poker à Las Vegas, ou vêtu d'un déguisement d'officier nazi), il s'est illustré au combat en Irak et en Afghanistan, où il assure avoir tué des talibans. 

 

La une du tabloïd "The Sun", le 24 août 2012, montre le prince Harry nu, à Las Vegas, aux Etats-Unis.  (TOBY MELVILLE / REUTERS)

Après dix ans dans l'armée, le cadet de William se concentre sur ses engagements royaux et sur la réhabilitation des vétérans blessés, notamment via les Invictus Games, une compétition sportive opposant des soldats blessés ou mutilés venus du monde entier.

"Héritier de rechange" n'est pas un titre anodin

"Aujourd'hui, le cadet n'est pas vraiment élevé dans l'idée qu'il régnera un jour", explique Philippe Chassaigne. Mais la tradition de "l'héritier de rechange" reste bien ancré dans la monarchie britannique, jadis secouée par la mort de nombreux aînés, tantôt assassinés ou tués sur le champ de bataille, tantôt victimes de maladies. Ainsi, "avant la mort de son frère, George V, bien que cadet, a accompagné Edouard VII lors de plusieurs voyages à travers le monde, pour visiter l'empire britannique." Une expérience qui lui servira, évidemment, quand son grand frère succombera d'une pneumonie.

"Certains premiers-nés ne sont jamais montés sur le trône. Henri VIII par exemple, n'aurait jamais dû régner. Pourtant, non seulement il est devenu roi, mais il a épousé la veuve de son aîné, avant de divorcer pour épouser Anne Boleyn, ce qui a débouché sur le schisme anglican," résume l'historien.  

Ta vie quotidienne sera aussi redessinée de façon beaucoup plus pragmatique par ton statut de second Royal Baby : tu devras notamment éviter de monter à bord du même avion que ton frère George, afin d'éviter que le royaume ne se retrouve sans héritier en cas d'accident tragique ou d'attaque terroriste. William et Harry, eux, ont dû prendre l'habitude de voyager séparément. Car bien qu'improbable, ton accession au trône n'est pas impossible, a prouvé l'histoire agitée de ton royaume. 

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