Syrie : l'accord russo-américain peut-il mettre un terme à la crise ?
Le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, a annoncé samedi que Washington et Moscou sont parvenus à un accord sur les armes chimiques du régime de Damas, après trois jours de négociations à Genève (Suisse).
"J'espère ardemment [que cet accord] prépare le chemin à une solution politique qui mettra un terme aux souffrances affreuses infligées au peuple syrien." Samedi 14 septembre, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a fait part de ses espérances après l'annonce d'un accord russo-américain sur l'élimination des armes chimiques syriennes.
Par la voix de leur chef de la diplomatie respectif, Paris, Londres et Berlin ont salué le compromis trouvé à Genève (Suisse) par le secrétaire d'état américain, John Kerry et son homologue russe, Sergueï Lavrov, à l'issue de trois jours de négociations. Mais cet accord peut-il à lui seul garantir une sortie de la crise syrienne par la voix diplomatique ? Francetv info revient sur ses points forts et ses faiblesses.
Point fort : un consensus sur les armes
Les Etats-Unis et la Russie parlent d'une même voix sur la question de l'utilisation d'armes chimiques en Syrie. "Nous sommes arrivés à une estimation commune sur les quantités et les types d'armes possédées par le régime d'Assad et nous sommes résolus à un contrôle rapide de ces armes par la communauté internationale", a dit John Kerry.
Les Etats-Unis estiment à 45 le nombre de sites liés au programme d'armes chimiques en Syrie et sont d'accord avec la Russie pour évaluer le stock à 1 000 tonnes. Les Etats-Unis estiment que ces sites sont actuellement sous le contrôle du régime syrien. Et pour cause : ils ont vu le transfert de stocks dans les zones que Damas contrôle, selon un responsable américain.
Russie et Etats-Unis appellent conjointement Damas à autoriser les experts des Nations unies à inspecter tous les sites de stockage. L'accord prévoit également un "accès en Syrie pour les inspecteurs pas plus tard qu'en novembre".
Point faible : un climat de méfiance entre les deux pays
En dépit de cette avancée diplomatique, Barack Obama reste prudent. "Nous ne prendrons pas les déclarations de la Russie et d'Assad pour argent comptant, a réagi le président américain. Il nous faut voir des actes concrets démontrant qu'Assad veut sérieusement renoncer à ses armes chimiques", a-t-il affirmé lors de son allocution hebdomadaire radiodiffusée.
"Puisque ce plan n'a émergé que grâce à des menaces crédibles d'une action militaire américaine, nous allons conserver nos positions militaires dans la région pour maintenir la pression sur le régime Assad", a expliqué le président. "Et si la diplomatie échoue, les Etats-Unis et la communauté internationale doivent rester prêts à agir", a-t-il prévenu.
Poit fort : un accord sur le principe d'une "réaction" du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité de l'ONU, dont la Russie est membre permanent, va réagir si la Syrie viole ses engagements concernant les armes chimiques. "En cas de non-respect des exigences [dans le cadre de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques] ou en cas d'utilisation d'armes chimiques par qui que ce soit, le Conseil de sécurité de l'ONU va prendre des mesures dans le cadre du chapitre 7" de la charte de l'ONU sur le recours à la force, a déclaré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
La Russie, l'un des derniers alliés du régime syrien auquel elle vend des armes, a jusqu'ici bloqué toute résolution contraignante au Conseil de sécurité de l'ONU dans ce dossier. Tout en laissant entendre que la Russie pourrait dans l'avenir soutenir un recours à la force, Sergueï Lavrov a prévenu que Moscou vérifierait minutieusement tous les rapports accusant le gouvernement syrien. "Cela ne veut évidemment pas dire qu'on croira à tout cas de violation rapporté devant le Conseil de sécurité de l'ONU sans le vérifier", a souligné le ministre. "Il y a tant de mensonges et de falsifications dans ce dossier aujourd'hui dans le monde qu'il faut être extrêmement prudent", a-t-il ajouté.
Point faible : un ultimatum très fragile
Washington et Moscou donnent une semaine à Damas pour fournir la liste de son arsenal d'armes chimiques. "Il n'y aura pas de place pour des manoeuvres (...) ou rien d'autre qui ne soit une complète application [de cette accord] par le régime d'Assad", a averti John Kerry.
Or, Bachar Al-Assad a déjà montré dans le passé qu'il pouvait ignorer les ultimatums lancés par la communauté internationale. En avril 2012, il avait ainsi lancé de nouvelles opérations militaires sur la ville de Homs, au mépris d'un plan de l'ONU, lequel prévoyait un retrait des chars des villes en prévision d'un cessez-le-feu total. A la suite de cet échec diplomatique, l'initiateur de ce plan, Kofi Annan, avait démissionné de son poste de médiateur de l'ONU.
Point faible : la désapprobation de l'Armée syrienne libre
"Nous ne pouvons pas accepter cette initiative." A l'annonce de l'accord russo-américain, le chef de l'Armée syrienne libre (ASL - rebelles), le général Sélim Idriss, l'a aussitôt rejeté. "Nous, l'Armée syrienne libre, ne sommes pas concernés par cet accord. Nous n'avons pas d'armes chimiques et moi et mes frères, nous allons continuer à nous battre jusqu'à la chute du régime", a-t-il martelé.
Le général Idriss a demandé de traduire le président syrien Bachar Al-Assad devant la Cour pénale internationale (CPI) et a reproché aux Russes et aux Américains de ne s'être pas intéressés aux "autres armes qui tuent les Syriens". "Le régime, en acceptant de rendre ses armes chimiques, a reconnu le crime et on a saisi l'outil du crime en laissant tranquille le criminel", a poursuivi le général. Selon lui, le régime syrien aurait commencé à transférer ses armes chimiques au Liban et en Irak, avec l'intention, dit-il de "duper la communauté internationale".
"Nous sommes déçus et frustrés et nous allons compter sur nos propres forces après avoir perdu espoir d'une aide de la communauté internationale", a-t-il conclu.
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