Guerre en Syrie : ce que l'on sait de l'avion militaire russe abattu par la Turquie
Au moins un des deux pilotes a été tué, ainsi qu'un soldat russe qui participait aux opérations de sauvetage, selon Moscou.
L'aviation turque a abattu, mardi 24 novembre, un bombardier russe, près de la frontière avec la Syrie, provoquant une escalade des tensions entre les deux pays. Ankara explique que l'avion a violé son espace aérien. Les deux pilotes ont pu s'éjecter, sur le territoire syrien, mais l'un des deux a été tué, selon la Russie. Un soldat russe a également trouvé la mort lors des opérations de sauvetage. Francetv info revient sur ce que l'on sait de cet incident militaire.
Un des pilotes russes a été tué, un autre est porté disparu, selon des sources dans l'opposition syrienne. Ce Soukhoï Su-24 a "été abattu conformément aux règles d'engagement après avoir violé l'espace aérien turc malgré les avertissements", assure Ankara.
De son côté, Moscou affirme que l'avion "se trouvait exclusivement dans l'espace aérien syrien". Il s'agit du premier appareil russe abattu depuis le début de l'intervention militaire de Moscou en Syrie, entamée le 30 septembre à la demande du régime de Damas, dont la Russie est une fidèle alliée.
Où se trouvait l'appareil ?
Lorsqu'il a été touché par des tirs, le Soukhoï Su-24 se trouvait à 6 000 m d'altitude, précise le ministère russe de la Défense, pour qui "les circonstances de la chute de l'avion sont en train d'être déterminées". L'état-major turc a affirmé qu'il avait clairement violé l'espace aérien turc, et qu'il en avait été averti "dix fois en l'espace de cinq minutes", ce qu'a confirmé le Pentagone. Moscou maintient que son appareil n'a pas quitté l'espace aérien syrien.
L'avion s'est écrasé dans l'extrême nord-ouest du territoire syrien, au nord de Lattaquié, théâtre depuis plusieurs jours de violents combats entre l'armée fidèle au président Bachar Al-Assad, soutenue par l'aviation russe, et des groupes rebelles syriens. Deux chaînes turques ont diffusé des images d'un appareil militaire en feu dans le ciel.
CNN Turquie a reproduit la trace radar de l'avion russe communiquée par l'armée turque. Cette image entend prouver que l'appareil survolait bien le territoire turc.
#BREAKING Flight radar track on downed warplane issued by Turkish military pic.twitter.com/xREQbclVwK
— CNN Türk ENG (@CNNTURK_ENG) 24 Novembre 2015
Que sont devenus les pilotes ?
Les deux pilotes ont réussi à s'éjecter avant le crash de l'appareil, au-dessus du territoire syrien. On les voit sur les images du crash. Mais l'un d'eux a été tué par des tirs avant de toucher le sol, affirme Moscou. Plus tôt, Ankara affirmait que les deux hommes étaient en vie, et que la Turquie tentait de les récupérer.
Le chef d'un groupe rebelle de Turkmènes de Syrie a affirmé, dans l'après-midi, que ses hommes avaient abattu les deux Russes, et de nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux par l'opposition syrienne montrent en effet des images présentées comme celles du pilote mort entouré de rebelles. Mais Moscou n'a pas indiqué qui avait tué son pilote ni confirmé la mort du second.
De plus, un hélicoptère russe, déployé pour tenter de retrouver le second pilote, a été la cible de tirs au-dessus de la Syrie, qui ont tué un soldat russe, a annoncé Moscou.
Comment ont réagi les deux pays ?
Le président russe, Vladimir Poutine, a averti Ankara qu'il y aurait des "conséquences sérieuses" sur leurs relations, après ce qu'il a qualifié de "coup de poignard". "Notre avion, nos pilotes ne menaçaient nullement la Turquie", a-t-il martelé. Attendu mercredi à Ankara pour une visite diplomatique, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a annulé son déplacement.
Du côté turc, le président, Recep Tayyip Erdogan, s'est justifié en expliquant que "tout le monde [devait] respecter le droit de la Turquie à protéger ses frontières". Une position appuyée par Barack Obama, qui a rappelé le droit de la Turquie "à défendre son territoire et son espace aérien". Les deux hommes ont discuté, mardi soir par téléphone, et convenu de "l'importance de désamorcer les tensions". En visite à la Maison Blanche, François Hollande a, lui, souhaité que l'on "évite toute escalade".
Cet incident, le plus grave depuis le début de l'engagement russe en Syrie, met en péril la tentative de la France de former une grande coalition contre l'Etat Islamique, qui inclurait la Turquie et les Etats-Unis, alliés au sein de l'Otan, ainsi que la Russie. Moscou, qui soutient Bachar Al-Assad, est en total désaccord sur le dossier syrien avec Ankara, qui appuie plusieurs groupes rebelles hostiles au pouvoir en place.
Est-ce le premier incident entre la Russie et la Turquie ?
Non, depuis le début de l'intervention militaire russe, les incidents se sont multipliés entre Ankara et Moscou. Le 3 octobre, des chasseurs turcs avaient intercepté et forcé à faire demi-tour un avion militaire russe engagé en Syrie, qui avait, selon la Turquie, violé son espace aérien. Moscou avait alors mis en cause les "mauvaises conditions météo" pour justifier cette incursion. L'armée turque avait également abattu, le 16 octobre, un drone de fabrication russe qui était entré dans le ciel turc.
La tension entre les deux pays s'est encore accrue ces derniers jours, après une série de bombardements russes qui ont, selon Ankara, visé des villages de la minorité turcophone de Syrie. La Turquie a convoqué l'ambassadeur russe, vendredi, pour le mettre en garde contre les "sérieuses conséquences" de cette opération.
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