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Dix ans de guerre en Syrie : "Aujourd'hui, il n'y a plus d'alternative" à Bachar al-Assad, analyse un chercheur

Le président syrien contrôle "à peu près deux tiers du territoire et 12 millions de personnes", affirme le géographe Fabrice Balanche. "L'opposition est réfugiée à l'étranger, mais divisée, affaiblie".

Article rédigé par franceinfo
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Le président syrien, Bachar al-Assd, en janvier 2020. (ALEXEI DRUZHININ / SPUTNIK)

"La politique de répression du président Bachar al-Assad a été extrêmement efficace puisqu'aujourd'hui, nous n'avons plus d'alternative à son pouvoir", constate vendredi 12 mars sur franceinfo Fabrice Balanche, maître de conférence à l’Université Lyon 2 et spécialiste du Proche-Orient. Il fait le bilan des dix ans de guerre en Syrie. Le conflit avait débuté en mars 2011.

franceinfo : La guerre en Syrie occasionne le déplacement le plus important de l'histoire récente. Ce sont des gens qui n'entrevoient pas le moindre espoir de vivre sur les terres où ils ont vécu ?

Très peu pourront rentrer. La situation économique en Syrie est désastreuse, certains préfèrent même rester en Turquie parce qu'ils vivent dans des meilleures conditions, malgré la misère dans laquelle ils sont dans ces pays. Et puis il faut reconnaître que du côté de Damas, on n'a pas envie de voir revenir cette population qu'on considère comme "opposante" et qui pourrait poser problème si elle rentrait. On préfère donc qu'elle reste à l'étranger. Et de manière très machiavélique des pays comme la Turquie ou la Russie s'en servent comme moyen de chantage sur l'Europe : c'est le "chantage aux migrants".

Que reste-t-il de la Syrie aujourd'hui ?

Il reste un champ de ruines, un pays très morcelé, divisé en trois zones.

Le régime syrien contrôle à peu près deux-tiers du territoire, environ 12 millions de personnes, soit la moitié de la population d'origine. Le Nord-Est avec les forces kurdes, qui contrôlent un tiers du territoire, soient trois millions d'habitants.

Fabrice Balanche

à franceinfo

Et puis la Turquie commence à étendre une zone au nord de la Syrie, ce qui pose problème avec les Kurdes parce qu'ils pratiquent une épuration ethnique à l'égard des populations kurdes dans différentes régions qu'ils sont en train de conquérir.

On évoquait le début de cette situation, en mars 2011 avec un soulèvement populaire : qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

La politique de répression du président Bachar Al-Assad a été extrêmement efficace puisqu'aujourd'hui, nous n'avons plus d'alternative à son pouvoir. L'opposition est réfugiée à l'étranger, mais divisée, affaiblie. On le voit à Genève, le comité constitutionnel n'avance pas parce que Damas, soutenu par la Russie et l'Iran, n'est prêt à aucune concession. Quant à l'opposition militaire en Syrie aujourd'hui, elle se résume à des groupes islamistes radicaux, comme Hayat Tahrir al-Cham, dans la région d'Idleb. Et puis toujours, le groupe Etat islamique qui occupe, du moins la nuit, des territoires dans l'est du pays.

Le groupe Etat islamique est très présent, que ce soit en Syrie ou en Irak.

Fabrice Balanche

à franceinfo

Il ne contrôle plus un territoire comme dans le passé, mais il est capable d'assassiner les représentants du gouvernement syrien, les Forces démocratiques syriennes, des ONG qui sont dans la région et ils rackettent la population. Il attend son heure.

Vous parliez de Bachar al-Assad. Il tente aujourd'hui de réécrire l'Histoire, d'apparaître comme un rempart à cette menace jihadiste ?

Il s'est toujours présenté comme un rempart par rapport au jihadisme. Dès le début de la révolte, il accusait les opposants d'être des islamistes, des djihadistes. Il voyait Al-Qaïda derrière tous les groupes d'opposants. Et évidemment, c'est comme ça qu'il pensait que les Occidentaux allaient cesser de soutenir l'opposition syrienne. Donc, il continue évidemment à se présenter en rempart par rapport au terrorisme islamique.

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