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David Thomson, prix Albert-Londres 2017 : "Gérer la population des 'revenants' du jihad est le défi majeur des autorités françaises"

David Thomson est le lauréat du prix Albert-Londres 2017 pour son livre "Les Revenants", consacré aux jihadistes qui font leur retour en France après un séjour en Syrie ou en Irak. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le journaliste David Thomson a remporté le prix Albert-Londres pour son livre "Les Revenants", publié aux éditions Les Jours/Le Seuil. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Pour la première fois, le prix Albert-Londres, le plus prestigieux du journalisme francophone, créé en 1932,  récompense un livre : Les Revenants. Cet ouvrage a été écrit par le journaliste David Thomson, spécialiste des jihadistes français et tunisiens, grand reporter à RFI et contributeur au site d'information lesjours.fr. Le livre est édité par Les Jours et Le Seuil. David Thomson a eu l'idée d'écrire ce livre lors de son séjour en Tunisie, entre 2001 et 2014, où il a assisté à l'émergence de l'idéologie jihadiste. Il évoque dans l'ouvrage la prise en charge en France des jihadistes revenants de Syrie ou d'Irak et qui restent fidèles à cette idéologie.

franceinfo : Ce prix récompense un très long travail sur le jihadisme...

David Thomson : J'ai commencé à travailler sur le sujet en Tunisie au moment de la révolution, en 2011. Le livre a d'abord été publié sous forme d'épisodes sur le site Les Jours, ce qui est un retour à une vieille tradition journalistique française qui est celle d'Albert Londres (...) C'est le feuilleton journalistique, des récits très longs, un journalisme de temps long (...) Très peu de rédactions peuvent laisser un journaliste travailler plus de trois mois sur un sujet. Ça va paraître long alors que c'est très court. Le temps long, c'est passer plusieurs années sur un même sujet pour comprendre ses acteurs et anticiper les actions de leur univers social. Sans Les Jours et RFI, ma maison mère, je n'aurais pas pu le faire parce que dans le service public, on a la possibilité de prendre le temps. Mais c'est aussi parce que j'ai été pigiste de 2011 à 2014 en Tunisie : j'ai pu rester sur zone et prendre le temps de suivre ces jihadistes au quotidien.

À quel moment décidez-vous de vous focaliser sur les "revenants", ces jeunes Français qui ont passé plusieurs mois ou années en Syrie ou en Irak ?

Je suis tombé par accident sur ce sujet. En Tunisie, j'ai été témoin de l'émergence de ce mouvement qui est devenu un mouvement social de masse. Dès 2012, j'ai vu des mosquées se vider de moitié pour partir en Syrie. Ensuite, j'ai gardé contact avec tous ces gens et à partir de 2014, j'ai constaté qu'il y avait des retours de ces jihadistes, qui étaient déçus de leur expérience mais qui restaient profondément ancrés dans cette idéologie. Les gens qui en sont sortis sont extrêmement minoritaires même si on n'a pas encore un recul très important. Ils n'en sortent pas parce qu'ils sont dans une logique idéologique. (...) Et puis, il y a eu un tabou total sur la part de religiosité dans l'engagement jihadiste : ce sont des gens qui ont des convictions religieuses parfaitement ancrées, je n'exclus en rien la dimension psychologique et psychiatrique, les facteurs sociaux et familiaux, des cellules familiales dysfonctionnelles... Tous ces éléments sont à prendre en compte.

Quel est la vie de ces "revenants" à leur retour de Syrie ?

Le flux des départs et des retours en Syrie s'est tassé pour des raisons militaires et géopolitiques. En revanche, le contingent de sympathisants jihadistes en France n'a jamais été aussi élevé. C'est donc le défi majeur des autorités françaises : gérer cette population très nombreuse et qui est incitée à passer à l'action terroriste en France depuis la Syrie ou l'Irak. Depuis l'attentat de Magnanville [le meurtre d'un couple de policiers par un jihadiste, le 13 juin 2016, dans les Yvelines], on est à un niveau d'intensité terroriste qui n'a jamais été aussi important en France, avec quasiment un attentat par mois réussi ou déjoué.

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