Pourquoi l'Iran tire des missiles
A l'issue d'une semaine de crise entre la République islamique et les Etats-Unis, les démonstrations de force de part et d'autres, cristallisées autour du détroit d'Ormuz, traduisent une escalade des provocations sur la question explosive du nucléaire iranien.
• L'origine des tensions : le nucléaire militaire
Dans un rapport publié en novembre, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) évoque le possible caractère militaire du programme nucléaire de la République islamique. Pour lutter contre le risque de voir émerger une puissance nucléaire iranienne, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté pas moins de six résolutions depuis 2006, accompagnées de sanctions à l’encontre du régime.
"En plus des mesures prises dans le cadre de l’ONU, certains pays, comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la France, décident de sanctions bilatérales", explique Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Iran. C'est l’une d’elles, prise par les Etats-Unis et validée le 31 décembre par Barack Obama, qui a ravivé les tensions entre les deux pays.
• Le clash diplomatique : les sanctions américaines provoquent la colère de l’Iran
La loi de financement du Pentagone prévoit de geler les avoirs de toute institution financière étrangère qui commercerait avec la Banque centrale iranienne dans le secteur du pétrole. En d’autres termes, tout pays qui décidera d’acheter du pétrole à Téhéran devra renoncer à commercer avec les Etats-Unis.
"D'habitude, les sanctions se concentrent sur le nucléaire et visent des industriels du secteur. La politique des sanctions, normalement très ciblées, s'apparente ici à un embargo sur le pétrole iranien, note Bernard Hourcade. Pour la première fois depuis 2006, les sanctions à l'encontre du pays frappent la Banque centrale iranienne, et donc le cœur de son économie qu'est l'activité pétrolière. Or, l'Iran tire 80 % de ses rentrées de devises de ses exportations pétrolières."
• La parade des missiles
Dans un contexte d'essais militaires iraniens près du détroit stratégique d'Ormuz, cette crise diplomatique a crispé les échanges déjà tendus entre l'Iran et l'Occident. A l'occasion de la dernière journée de manœuvres navales, l'armée iranienne a donc testé "avec succès" plusieurs missiles. Chacun "ultramoderne","conçu et fabriqué" par l'Iran et "équipé de la technologie la plus récente pour combattre les cibles furtives et les systèmes intelligents qui tentent d'interrompre [sa] trajectoire", s'est félicité l'amiral Mahmoud Moussavi, vice-commandant de la marine iranienne.
Par ailleurs, le régime s’est vanté dimanche d’avoir testé pour la première fois des barres de combustible nucléaire produites localement. L'Iran n'a pas précisé le niveau d'enrichissement de l'uranium contenu dans ces barres. Enrichi à 20 %, l'uranium a un usage civil, mais si l'enrichissement dépasse 90 %, il peut être utilisé pour fabriquer l'arme atomique. Or l'uranium enrichi à 20 % est normalement produit sous forme de plaques et non de barres.
• Les enjeux du détroit d’Ormuz
Attaqué au cœur de son économie, Téhéran a menacé, en représailles, de fermer le détroit d’Ormuz, un lieu hautement stratégique par lequel transite 35 % du trafic maritime mondial. "Les bâtiments de guerre de la marine vont adopter un nouveau dispositif tactique démontrant la capacité de l'Iran à empêcher tout trafic maritime dans le détroit d'Ormuz s'il le décidait", a prévenu le régime lundi, bien décidé à prouver qu’il dispose également de moyens de pression sur les Occidentaux.
"Lorsque les intérêts vitaux de l'Iran sont menacés, nous répondons à la menace par la menace et nous n'hésitons pas à mettre en œuvre notre stratégie de défense", avait prévenu jeudi le général Hassan Salami, en réponse à une question de l’agence iranienne Fars sur la fermeture éventuelle du détroit d'Ormuz. Il avait estimé que les Etats-Unis n'étaient pas "qualifiés" pour donner des permissions à l'Iran. La veille, Washington avait mis en garde Téhéran en affirmant qu'"aucune perturbation du trafic maritime dans le détroit d'Ormuz ne sera[it] tolérée".
• Une attaque économique : le rial perd de sa valeur
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a affirmé vendredi que Téhéran était prête à reprendre les négociations nucléaires avec les grandes puissances. Conformément à une proposition russe, elles allégeraient les sanctions en échange de concessions iraniennes sur le nucléaire. L'Iran doit par ailleurs envoyer prochainement une lettre à la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, pour évoquer la reprise des négociations, interrompues depuis un an. A la fin du mois de janvier, l'Union européenne et les Etats-Unis doivent se réunir pour évoquer une stratégie commune.
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