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Le massacre de Sabra et Chatila, il y a 33 ans

Liban 1982, banlieue de Beyrouth. Les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, encerclés par l'armée israélienne, sont victimes d’un massacre du 16 au 18 septembre. Les morts se comptent par centaines, des femmes et des enfants essentiellement.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Corps dans le camp de Sabra, à Beyrouth, en septembre 1982. (AFP)

Le 18 septembre 1982, le monde découvre que des massacres ont eu lieu dans les camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth. Les témoignages et les images décrivent une horrible vérité : cette tuerie a duré deux jours sous les yeux de l'armée israélienne, selon les premiers témoignages.

Le massacre des Palestiniens dans ces camps de réfugiés situés dans la partie ouest de Beyrouth s’inscrit dans la longue guerre civile libanaise (1975-1990) et plus globalement dans le conflit israélo-arabe.

Après la création d’Israël, des milliers de Palestiniens fuient ou sont chassés de leurs terres et  trouvent asile dans les pays arabes. Ils sont plusieurs dizaines de milliers à se retrouver dans des camps au Liban, dans le sud du pays mais aussi à Beyrouth. Dans ce pays démocratique, la résistance palestinienne peut s’exprimer plus facilement que dans les autres états arabes, au point de peser sur la souveraineté libanaise.

La résistance palestinienne n'est pas pour rien dans l'éclatement du fragile équilibre politique libanais qui débouche sur la guerre civile. Un conflit qui est à l'origine de nombreux massacres, dont ceux qui sont subis en 1976 par des Palestiniens (Tel al-Zaatar) ou des Libanais chrétiens (Damour).

Israël intervient
La guerre civile libanaise dure depuis plus de six ans quand Israël intervient directement dans le conflit en faisant pénétrer ses troupes au Liban. Il s'agit de l'opération «Paix en Galilée», décidée par le gouvernement conservateur de Menahem Begin. Une intervention militaire condamnée par l'ONU.

Après avoir conquis le sud du Liban, les forces israéliennes s’attaquent à Beyrouth qui serait défendu par quelque 15.000 fedayins palestiniens. Une partie de Beyrouth est soumise à un intense bombardement israélien.

L’intervention des grandes puissances — américaines notamment, via l'ambassadeur Philip Habib — aboutit à un cessez-le-feu en échange du départ des forces palestiniennes, qui s'achève le 1er septembre. Symbole du départ des combattants palestiniens du Liban, Yasser Arafat quitte Beyrouth le 30 août, laissant la sécurité des réfugiés aux puissances internationales.

"En violation du plan Habib, l’armée israélienne entre dans Beyrouth ouest le 3 septembre. Alors que la force multinationale doit rester à Beyrouth jusqu’au 26 septembre, les Américains se retirent le 10, les Italiens le 11 et, malgré l’insistance de personnalités libanaises, les Français partent à leur tour le 14. Le 12, Sharon déclare « il reste 2.000 terroristes cachés dans les camps »", raconte Raoul Marc Jennar dans Médiapart.

L’événement déclencheur du massacre est sans doute la mort du président libanais Bechir Gemayel, tué dans un attentat le 14 septembre 1982. Après la mort de ce leader chrétien pro-israélien, Israël donne l’ordre à ses troupes d’entrer dans Beyrouth. Les Israéliens confient aux Forces libanaises (chrétiennes) d’Elie Hobeika le maintien de l'ordre dans les camps palestiniens. ¨Pour traquer les "terroristes" palestiniens ?

Le samedi 18 septembre, à la fin du massacre, le bilan est lourd. Selon les Israéliens, le nombre des victimes s’élève à 300. D’autres sources avancent des chiffres beaucoup plus importants.

Commission d'enquête israélienne

En Israël, après le massacre, les protestations se multiplient au point de réunir une des plus grandes manifestations que le pays ait connue. Alors en pointe contre la guerre au Liban menée par la droite israélienne, le mouvement « la paix maintenant » et l'opposition de gauche organisent une immense manifestation à Tel Aviv qui rassemble plusieurs centaines de milliers de personnes.

 

"Begin must go", manifestation géante à Tel Aviv de la gauche israélienne (HAVAKUK LEVISON / UPI / AFP)

 

Sur le plan politique, le gouvernement israélien, sous pression, met sur pied dès le 28 septembre une « commission d’enquête sur les événements dans les camps de réfugiés à Beyrouth au Liban ». La commission Kahane, du nom de son président (président de la Cour suprême israélienne), composée en outre d’un autre magistrat et d’un général, remet le 8 février 1983 un rapport qui disculpe les Israéliens de toute implication directe dans les évènements, mais estime qu’Israël a une responsabilité indirecte dans la tuerie.

La commission met tout particulièrement en cause le ministre de la Défense Ariel Sharon, qui doit démissionner de son poste. Une sanction qui ne l’empêchera pas de revenir au pouvoir quelques années plus tard.

Trente ans après les faits, aucune condamnation pénale n'a été prononcée à l'encontre des responsables de la tuerie. La responsabilité morale de dirigeants militaires et politiques israéliens a été reconnue tandis que les miliciens des factions libanaises auteurs de ce massacre ont été exemptés rétroactivement de toute responsabilité pénale.

Elie Hobeika a même été ministre du gouvernement libanais, avant de mourir dans un attentat,  et Ariel Sharon  — dont certains estiment que les responsabilités ont été minimisées par Israël —  est revenu au pouvoir en Israël, d'abord comme ministre dès 1990, puis comme Premier ministre en 2001. Il est décédé en janvier 2014, après 8 années passées dans le coma suite à une attaque cérébrale.
 

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