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François Fillon et la Syrie: une volée de critiques à gauche et au Liban

Le candidat des Républicains, François Fillon, a appelé le 15 décembre 2016 à une initiative européenne pour faire cesser le conflit syrien en réunissant tous les protagonistes «autour de la table» des négociations, «y compris ceux qui commettent des crimes». Une position très critiquée par François Hollande. Et qui lui a attiré de vives reproches chez certains chrétiens libanais.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le candidat des Républicains, François Fillon, le 14 décembre 2016. (AFP - Thomas Samson)

L’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy a mis plusieurs jours à s’exprimer sur le drame d’Alep en Syrie. En déplacement à Bruxelles, il a estimé que cette guerre, qui inflige «le martyre» au peuple syrien depuis mars 2011, signait «l'échec de la diplomatie occidentale et singulièrement de la diplomatie européenne».

Première solution: «Une intervention militaire que seuls les Américains peuvent conduire et qui, compte tenu de ce qu'il s'est passé en Irak, n'est sans doute pas le choix que je privilégierais.» «L'autre solution, a-t-il enchaîné, c'est une initiative puissante, européenne, diplomatique pour mettre autour de la table toutes les personnes qui peuvent arrêter ce conflit sans exclusive, et donc y compris ceux qui commettent des crimes aujourd'hui.»

Interrogé pour savoir s'il incluait la Russie dans ces derniers, François Fillon a répondu: «La guerre, ce sont toujours des crimes, la question est : "Est ce qu'on veut arrêter cette violence ou simplement se réfugier dans notre bonne conscience, écrire des articles, faire des déclarations et laisser les Syriens mourir?" Moi, je fais partie de ceux qui disent qu'à un moment il faut se relever les manches et entrer dans les difficultés», a-t-il ajouté.

François Fillon lors d'un meeting des primaires à Paris le 25 novembre 2016. A sa droite, l'un de ses principaux soutiens, Gérard Larcher, président LR du Sénat. (AFP - Thomas Samson)

Une prise de position qui n’est pas nouvelle. Lors d’une soirée organisée à Paris en juin 2015 en soutien aux chrétiens d’Orient, donc bien avant qu’il soit intronisé candidat, le député de la Sarthe expliquait déjà (cité par Le Point): «Tous les Etats du Proche-Orient, l’Europe et les Etats-Unis, mais aussi la Russie et l’Iran, doivent conjuguer leurs efforts pour éradiquer l’Etat islamique. Ne pas associer l’Iran et la Russie, c’est se priver de toutes les possibilités de résoudre cette crise, car leur influence sur les mouvements chiites et sur l’évolution du régime de Damas est cruciale.»

L’un de ses lieutenants, le président du Sénat Gérard Larcher, a défendu, le 15 décembre, une telle position. «Est-ce que vous pensez qu'il est envisageable de ne pas avoir de dialogue avec la Russie? Or, le président de la Russie, il s'appelle Poutine, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas», a-t-il lancé. «Est-ce qu'on peut se passer d'un dialogue avec le plus grand pays du monde (la Russie, NDLR)? Que le président soit M.Poutine, ou ne le soit pas», a-t-il insisté. «C'est cela, la réalité. Quelle présomption a la France dont on n'entend plus la voix?»

«Positionnement pro-russe»
Cette position a été critiquée par le président François Hollande qui a assuré qu'il n'avait «jamais cessé de parler à Vladimir Poutine». «Je suis toujours surpris que certains découvrent ce qui est la constante de la position française», a-t-il dit le 16 décembre à des journalistes à l'issue du Conseil européen. «Ce n'est pas un manque de dialogue qui est responsable de la situation (...), c'est parce que la Russie notamment, l'Iran également, n'ont pas véritablement voulu qu'il y ait ce processus politique, parce que ce que voulait la Russie, c'était l'écrasement de l'opposition», a poursuivi le locataire de l’Elysée.

De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a dénoncé «le cynisme glacial» de François Fillon. Tandis que le candidat écologiste à la primaire de la gauche, François de Rugis, a demandé à ce dernier de faire «la transparence totale» sur ses liens avec la Russie.

«Il y a un positionnement pro-russe, on sait que François Fillon a fait plusieurs voyages en Russie, a fait plusieurs conférences en Russie», a-t-il fait valoir. «Est-ce qu'elles ont été rémunérées dans le cadre de sa société de conseil?», s'est interrogé le député écologiste de Loire-Atlantique. Selon Le Canard Enchaîné, l’ancien Premier ministre a créé, juste avant les législatives de juin 2012, une société, 2F Conseil, qui lui aurait permis de toucher 757.000 euros de salaire net depuis cette date.

François Fillon lors d'une messe à Arbil (Kurdistan irakien) le 5 juin 2016 (AFP - Safin Hamed)

Les «aberrations» de François Fillon
Les positions de François Fillon sur la Syrie et la défense des chrétiens d’Orient sont également très critiquées par des chrétiens libanais. Le candidat des Républicains «montre soit qu'il cherche à tromper son opinion publique, soit qu'il ignore totalement certaines réalités propres à la région», estime le rédacteur en chef du quotidien francophone L’Orient-Le Jour, Michel Touma, dans un éditorial en date du 6 décembre 2016.

«Prétendre qu'une attitude complaisante à l'égard du tyran syrien permettrait de mener à bien le combat contre Daech revient à occulter des faits bien établis, relevés à maintes reprises par plus d'un haut responsable occidental», poursuit l’éditorialiste. Et de demander: «Est-il possible que M.Fillon ne sache pas qu'au printemps 2011, quelques semaines après le déclenchement du soulèvement populaire, Bachar al-Assad a libéré de ses geôles plus d'un millier de cadres et de ténors djihadistes qui se sont empressés de s'organiser et de recruter des combattants pour prendre part au conflit armé dans les villes syriennes?» Ce qui a amené le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, à expliquer que l’organisation Etat islamique «a été créée par Assad».

Autre «aberration», selon Michel Touma, dans la position de François Fillon, celle de vouloir «collaborer avec Bachar al-Assad pour défendre les chrétiens d’Orient»: «Ignore-t-il que durant les 30 ans d'occupation syrienne du Liban, le régime Assad (père et fils) n'a épargné aucun effort, aucun moyen pour affaiblir et marginaliser le pouvoir chrétien au pays du Cèdre?» Et de conclure: «Alors, de grâce, monsieur Fillon, si vous souhaitez réellement la défense des chrétiens d'Orient, ne cherchez pas à faire relâcher le loup sanguinaire dans notre bergerie.»

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