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Le Français tué et ses 4 collègues arrêtés menaient des "activités illicites" qui menaçaient la sécurité de la Libye

"Ces hommes avaient été sous surveillance depuis un certain temps", a annoncé vendredi soir le Conseil national de transition (CNT), l'instance dirigeante de la rébellion libyenne.Pierre Marziali, 47 ans, tué jeudi à Benghazi, était le fondateur et responsable d'une société de sécurité privée, Secopex, selon des sources spécialisées dans ce domaine
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Maison qui serait louée à Benghazi par la société de sécurité Secopex, fondée par Pierre Marzali, le Français tué (AFP - Saeed KHAN)

"Ces hommes avaient été sous surveillance depuis un certain temps", a annoncé vendredi soir le Conseil national de transition (CNT), l'instance dirigeante de la rébellion libyenne.

Pierre Marziali, 47 ans, tué jeudi à Benghazi, était le fondateur et responsable d'une société de sécurité privée, Secopex, selon des sources spécialisées dans ce domaine

La Secopex, fondée en 2003, est installée à Carcassonne. La société "a reconnu avoir des hommes présents à Benghazi mais s'est refusée à tout autre commentaire", rapporte le site du .

Le communiqué des rebelles

"Le soir du 11 mai, les forces locales de sécurité à Benghazi ont reçu l'ordre d'arrêter un groupe de 5 Français menant des activités illicites qui mettaient en danger la sécurité de la Libye libre", a expliqué le Conseil national de transition (CNT), l'instance dirigeante de la rébellion, dans un communiqué.

"Malheureusement, il a été touché par accident après avoir tenté de résister. Il a été transporté à l'hôpital mais a succombé. Les quatre autres [collaborateurs de Pierre Marziali, NDLR] ont été arrêtés", a expliqué la rébellion.

Une affaire aux confins des services secrets ?
Pierre Marziali
était en contact avec le Conseil national de transition (CNT) de la rébellion libyenne, a annoncé vendredi son entreprise, la Secopex. Selon celle-ci, le Conseil avait "demandé un soutien en formation et en matériel". De son côté, le CNT estime que la Secopex "mettait en danger la sécurité de la Libye libre".

La Secopex a "confirmé le décès de son président fondateur Pierre Marziali (...) dans la nuit du 11 au 12 mai à l'hôpital de Benghazi".

"Cet ancien sous-officier du troisième régiment parachutiste d'infanterie de marine (Carcassonne) [le troisième régiment de parachutistes est souvent déployé en Afrique, NDLR] s'était rendu en Libye il y a quelques jours pour consolider l'installation d'une succursale de son entreprise. Il entendait notamment fournir des prestations de sécurité et de protection aux journalistes présents sur place", affirme sur le site du Point le chroniqueur Jean Guisnel.

Parmi les quatre personnes arrêtées figure l'ex-agent de la DGSE Pierre Martinet, "ancien sous-officier du service action de la DGSE", selon Guisnel. Il s'était fait connaître en 2005, lorsque, en tant qu'ancien employé des services sécurité de Canal+, il avait affirmé dans un livre avoir filé et photographié l'auteur des "Guignols" Bruno Gaccio à la demande de responsables de la sécurité de la chaîne.

Pierre Marziali, ex-sous-officier parachutiste né en mars 1963, "travaillait à
l'implantation d'une antenne, destinée à offrir aux hommes d'affaires un service de protection rapprochée et à la mise en place d'un couloir sécurisé entre Le Caire et Benghazi", selon Secopex. "Les contacts étaient pris avec le Conseil national de transition, qui avait également demandé un soutien en formation et en matériel. Pierre Marziali devait rencontrer le CNT ce jeudi" 12 mai, affirme encore la société.

D'après Secopex, son patron "a été tué, lors d'un contrôle, alors qu'il sortait d'un restaurant en compagnie de ses collaborateurs, dont on est toujours sans nouvelle". Au final, les causes de la mort de Pierre Marziali et de l'arrestation de quatre de ses employés restent un mystère.

"Les services français, très mécontents de la fuite dans la presse au sujet de Secopex en Libye", auraient pu faire "en sorte que Marziali et son équipe ne soient pas accueillis à bras ouverts et en tout cas pas sur la recommandation de l'Etat français (...). La raison du contrôle qui dégénère serait celle-là", rapporte le blog Lignes de défense sur le site de Ouest France.

Selon des sources spécialisées dans le milieu de la sécurité privée, les activités de Secopex ont à plusieurs reprises suscité l'intérêt des services de renseignement français, la direction centrale du Renseignement intérieur et la direction de la Protection de la sécurité de la Défense.

En 2008, dans un entretien avec l'AFP, Pierre Marziali affirmait que sa société était capable de "lever 2000 personnes mobilisables" dans une quarantaine de métiers allant des plongeurs, linguistes aux pilotes d'avions et infirmiers. Il avait alors annoncé avoir conclu un contrat avec les autorités somaliennes pour lutter contre la piraterie maritime, avec notamment "la création d'une unité de garde-côtes" et "la formation de la garde" présidentielle. Mais aucune activité concrète ne semble en avoir découlé, a affirmé une des sources interrogées par l'AFP.

Selon une de ces sources, Marziali avait un rendez-vous avec des responsables des rebelles libyens à Benghazi. Si les activités de conseil et de formation militaires sont autorisées, la fourniture de mercenaires à l'étranger est interdite par la loi française.

Du travail pour les sociétés travaillant dans la sécurité
Benghazi, la "capitale" des rebelles, qui se trouve à plus de 200 km du front, est généralement considérée comme relativement sûre. Récemment, d'anciens militaires français circulaient à Benghazi, prospectant pour d'éventuels contrats dans le secteur de la sécurité privée, selon un journaliste de l'AFP sur place.

L'AFP a notamment rencontré à Benghazi des employés de Secopex. Pendant les affrontements entre les rebelles et les forces pro-kadhafistes en Libye, plusieurs Occidentaux ont trouvé la mort. Des Libyens possédant la nationalité d'un pays européen ou des Etats-Unis sont morts au combat.

Trois journalistes ont également été tués: l'un travaillant pour la chaîne Al-Jazeera, et deux photographes de guerre, Chris Hondros et Tim Hetherington. Des reporters ont également été blessés tout comme un bloggeur français touché par une balle au cou durant le siège de Misrata. Une dizaine de journalistes ont été capturés par des soldats de l'armée de Mouammar Kadhafi et libérés. Quatre d'entre eux sont toujours en détention on n'ont pas donné de nouvelles.

La Secopex
La Secopex a la réputation de recruter des ex-militaires pour se livrer à des activités qui touchent parfois au mercenariat, notamment en Afrique. Sur son site, la société dit
travailler avec des Etats et des entreprises qui veulent protéger leurs intérêts dans des zones instables ou en guerre. Conseil militaire privé et soutien opérationnel mais aussi sécurité informatique, protection de personnalités, de sites sensibles, complètent leur catalogue.

L'entreprise se défend de toute "ingérence dans les jeux politiques" et affirme respecter la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires, adoptée par l'ONU en 1989.

"La Secopex , ils sont très mal vus dans le monde militaire, ils mangent à tous les râteliers, il n'y a aucune éthique. Ils accepteront de travailler pour un chef d'Etat sanguinaire comme pour ses adversaires, pourvu qu'ils soient payés", explique un officier français qui a été approché par cette société pour former des milices privées en Côte d'Ivoire. "Ils confondent leurs activités, ils baignent dans des missions pas claires. C'est un peu comme les chasseurs de primes du Far West", poursuit l'officier. En revanche, dit-il, "ce sont de bons soldats qui font un travail de qualité, ils ont des techniques et des méthodes très professionnelles".

Avec des salaires bien supérieurs à ceux de l'armée (de 3000 à 10.000 euros par mois selon la mission), la Secopex recrute principalement dans l'armée française mais embauche également des étrangers, selon la même source. La société s'est construite sur le modèle des grandes sociétés anglo-saxonnes qui dominent le secteur, comme l'américaine Blackwater.

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