Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi s'est dit prêt samedi à conclure un cessez-le-feu et à entamer des négociations
Dans un discours de 80 minutes, retransmis en direct à la télévision publique tôt samedi, Mouammar Kadhafi a répété qu'il ne renoncerait pas au pouvoir et appelé la France et les USA à négocier une sortie de la crise en Libye.
L'Otan et les insurgés libyens ont rejeté la proposition de cessez-le-feu et d'ouverture de négociations.
L'Otan "doit abandonner tout espoir d'un départ de Mouammar Kadhafi. Je n'ai pas de fonction officielle pour y renoncer. Je ne quitterai pas mon pays et je m'y battrai jusqu'à la mort", a déclaré M. Kadhafi dans son allocution, lors d'une cérémonie marquant le centenaire d'une bataille contre les forces d'occupation italiennes en Libye.
"Nous sommes prêts à négocier avec la France et les Etats-Unis mais sans condition", a encore dit le dirigeant libyen. "Nous ne nous rendrons pas mais je vous appelle à négocier. Si vous voulez le pétrole, nous passerons des contrats avec vos compagnies, ce n'est pas la peine de mener une guerre", a-t-il poursuivi. "Nous pouvons régler nos problèmes entre Libyens sans nous battre, retirez vos flottes et vos avions", a lancé le leader libyen à l'adresse de l'Otan.
Il a en outre affirmé que les rebelles qui luttent contre ses forces "sont des terroristes qui ne sont pas de Libye, mais venus d'Algérie, d'Egypte, de Tunisie et d'Afghanistan".
Contrairement au discours très violent du 22 février dans lequel il qualifiait les rebelles de "rats" et promettait de nettoyer la Libye "maison par maison", Kadhafi s'est contenté d'exhorter samedi les rebelles à déposer les armes, arguant que les Libyens ne devaient pas se battre les uns contre les autres.
Tripoli avait annoncé vendredi soir offrir une amnistie aux insurgés de Misrata s'ils déposent les armes d'ici mardi. Le porte-parole du gouvernement libyen avait ajouté qu'aucun navire ne pourrait entrer dans le port sans coordination préalable avec la capitale libyenne. "
La prise de contrôle du port de Misrata par les forces de Kadhafi n'a pas été confirmée par l'Otan.
L'Otan ne suspendra pas ses vols
L'Otan a rejeté samedi l'appel lancé par le colonel Mouammar Kadhafi à un cessez-le-feu et des négociations pour sortir de la crise en Libye.
"Nous avons besoin de voir des actions, et non de paroles", a déclaré ce responsable de l'Alliance atlantique à l'AFP.
"L'Otan poursuivra ses opérations jusqu'à ce que toutes les attaques et les menaces contre les civils aient cessé, jusqu'à ce que toutes les forces pro-Kadhafi, y compris les tireurs embusqués, mercenaires et forces paramilitaires, soient rentrées dans leurs bases, et jusqu'il n'y ait plus aucun obstacle à l'accès à l'aide humanitaire pour toutes les personnes nécessitant une assistance", a-t-il détaillé.
"Nous continuerons à faire pression jusqu'à ce que le mandat de l'Onu soit rempli", a-t-il encore dit.
Attaque au sud des forces pro-Kadhafiste
Des membres des forces gouvernementales libyennes ont pris d'assaut samedi la localité oasis de Jalo, dans le désert à près de 300 km au sud du bastion rebelle de Benghazi, tuant six civils, a annoncé la rébellion. "Soixante-dix véhicules sont entrés dans Jalo, en venant du Sud", a déclaré un rebelle.
L'attaque a eu lieu dans la matinée, et les troupes du régime ont continué leur avancée vers le nord, en direction de la ville fantôme d'Ajdabiya, distante d'un peu plus de 150 km.
"Il semble que Kadhafi soit en train d'ouvrir un autre front dans le sud", a déclaré un autre rebelle.
Combats entre troupes tunisiennes et kadhafistes
Des combats ont opposé vendredi l'armée tunisienne aux forces de Kadhafi à Dehiba, ville frontalière avec la Libye, selon des témoins. La Tunisie avait déjà dénoncé jeudi soir une "violation de l'intégrité territoriale tunisienne" par la Libye.
Pendant ce temps, les combats entre loyalistes et insurgés se sont poursuivis avec comme enjeu le port de Misrata qui semble repris par les pro-kadhafi.
Misrata, toujours enjeu majeur
A Misrata, les combats ont repris vendredi, insurgés et forces kadhafistes tentant de s'assurer le contrôle de l'aéroport. En début d'après-midi, des rebelles ont annoncé que les forces gouvernementales avaient lancé une contre-attaque, appuyées par quatre chars, sur la zone d'al-Ghiran, près de l'aéroport.
"Nous les avons arrêtés à l'extrême limite, pour le moment", a déclaré à l'AFP un combattant rebelle arrivant du front avec un blessé, selon un journaliste. Les blessés ne cessaient d'arriver au principal hôpital de la ville. "Tous les blocs opératoires sont pleins", a indiqué le Dr. Khali Abou Falra. L'hôpital a fait état de 2 morts et 16 blessés à la mi-journée, et un petit hôpital des faubourgs ouest a également signalé 3 à 4 morts.
La télévision publique libyenne a affirmé que les forces de Mouammar Kadhafi avaient mis hors d'usage les capacités opérationnelles du port de Misrata et prévenu que tout navire tentant d'accoster dans le port du dernier fief rebelle de l'Ouest serait attaqué.
Depuis la mi-journée, des obus de mortiers et des roquettes tombaient de nouveau sur la ville, selon des témoins et des médecins, tandis qu'au moins un avion de l'Otan tournait au-dessus de Misrata.
Des navires de l'Otan ont par ailleurs neutralisé des mines marines posées par les forces loyalistes dans le port de la ville, selon un général britannique.
D'après le Croissant rouge, les violences à Misrata ont fait environ 1.500 morts, habitants et insurgés, en deux mois. Selon le procureur local, les pro-Kadhafi ont aussi enlevé plus de 500 habitants dont le sort restait inconnu.
Les combats à la frontière tunisienne
Deux habitants de Dehiba, à la frontière tunisienne, avaient signalé que les forces du dirigeant libyen avaient attaqué vendredi la ville à l'arme légère et à l'artillerie.
"D'intenses fusillades ont lieu en ce moment même dans le centre de Dehiba. Cela a commencé il y a environ deux heures. Les gens ne peuvent pas sortir de chez eux. La bataille a débuté lorsque les brigades (pro-Kadhafi) ont attaqué les insurgés (libyens) installés à Dehiba", a dit l'un de ces deux témoins. Un autre homme a déclaré que des obus continuaient de tomber sur des maisons et qu'une Tunisienne avait été tuée.
Tunis avait parlé jeudi soir de "dangereuse escalade militaire", après les affrontements inter-libyens au poste-frontière de Dehiba. Dans un communiqué, le ministère tunisien des Affaires étrangères a exprimé sa "grande préoccupation" quant à à la ville de Wezen, localité proche du point de passage de Dehiba, sur les frontières tuniso-libyennes".
Le ministère "considère les tirs en direction d'une zone peuplée sur le territoire tunisien comme une violation de l'intégrité du territoire tunisien et une atteinte à la sécurité des habitants de cette région", ajoute le communiqué.
Depuis une semaine, le poste-frontière de Dehiba est l'objet de combats entre insurgés libyens et forces loyales au colonel Kadhafi. Le côté libyen du poste avait été pris par les insurgés le 21 avril au matin, avant d'en être délogés moins d'une semaine après.
Dehiba est située à environ 200 kilomètres au sud de Ras Jdir, le principal point de passage entre la Libye et la Tunisie.
L'Alliance a indiqué vendredi qu'elle allait s'efforcer de soulager l'étau sur les villes insurgées de Zenten et Yafran, au sud-ouest de Tripoli, soumises au feu des troupes loyalistes.
Dans l'Est, les forces gouvernementales ont pris le contrôle d'al-Koufra, ville du désert à 600 km au sud-est de Benghazi, selon l'insurrection.
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