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La Syrie abroge sa loi d'urgence, mais mate la révolte

La Syrie, après deux semaines de contestation, joue de la carotte et du bâton. D'un côté, le régime de Bachar El-Assad fait mine de donner des gages aux aspirants à la démocratie. Il a ainsi annoncé hier la fin de la loi d'urgence qui restreignait les libertés dans le pays depuis 50 ans. _ De l'autre, il poursuit sa chasse aux contestataires. Des renforts militaires sont notamment entrés à Lattaquié, où au moins 12 personnes ont été tuées ce week-end.
Article rédigé par franceinfo
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Alors que la Syrie connaît à son tour un vent de contestation depuis deux semaines, la violence est montée d'un cran depuis vendredi. Des affrontements ont eu lieu à Lattaquié, ville côtière, faisant au moins 12 morts. Le pouvoir en place parle même de 15 victimes (13 militaires et civils et deux rebelles). Le journal gouvernemental Techrine faisait lui état de 150 blessés entre vendredi et samedi. Un bilan invérifiable, d'autant que les journalistes sont tenus à distance. Deux reporters de Reuters Television qui couvraient les manifestations sont même portés disparus.

Des renforts militaires ont été envoyés dans cette ville multiconfessionnelle du littoral, pour mater la rébellion. Selon la presse syrienne, à la botte du pouvoir, les rebelles ne seraient que des "fondamentalistes", voire des étrangers. Le quotidien El-Watan affirme par exemple que "les voyous ne sont pas des Syriens et
que leur nationalité sera dévoilée bientôt". La rébellion venue de l'extérieur, vieille antienne des dictateurs de tout poil.

Pourtant, signe que le régime syrien est ébranlé, il lâche du lest. En l'occurrence, il a annoncé hier avoir décidé d'abroger la loi d'urgence qui était en vigueur depuis 1963. Une loi d'exception qui restreignait la liberté de réunion et de déplacement, autorisait l'arrestation de "suspects ou de personnes menaçant la sécurité", permettait les écoutes et imposait un contrôle préalable des médias.
_ Le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme Rami
Abdelrahmane s'est aussitôt félicité de cette décision et a estimé qu'environ 2.000 personnes devraient être ainsi libérées. D'ailleurs, la principale conseillère du président, Boussaïna Chaabane, a annoncé qu'en effet "toutes les personnes arrêtées en vertu de cette loi seront libérées".

Mais, les dizaines de manifestants arrêtés vendredi, selon l'Observatoire basé à Londres, ou les 93 arrêtés depuis début mars pour leurs activités sur internet, selon Amnesty international, seront-ils concernés ? Le régime syrien peut-il libérer d'une main, ceux qu'il traque de l'autre ? L'équation est improbable, et la liberté d'expression toujours sous étroit contrôle.

Bachar El-Assad devrait néanmoins dévoiler rapidement sa stratégie. Selon sa conseillère, il devrait s'adresser "très bientôt" à la population, pour "expliquer la situation et clarifier les réformes qu'il entend
mener". Il serait question d'une loi sur le pluralisme des partis
politiques et d'une autre sur la presse.
_ Washington pourrait être derrière ces concessions. Selon le New York Times, les Américains auraient entamé des contacts en toute
discrétion avec le président Assad. Américains convaincus que le dirigeant syrien n'a rien à voir avec son père Hafez El-Assad et qu'El-Assad fils est un "réformateur". Difficile à corroborer à ce jour à l'écoute des témoignages qui nous parviennent de Syrie.

Cécile Quéguiner, avec agences

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