Jour J pour les Palestiniens à l'ONU
Que va-t-il exactement se passer aujourd'hui ?
Le président palestinien Mahmoud Abbas va prendre la parole à la tribune des Nations Unies à New York, après avoir déposé à 17h35 (heure française) au secrétaire général de l'ONU Ban Ki Moon une lettre signifiant officiellement sa demande de reconnaissance de la Palestine en tant qu'État.
_ Un discours-plaidoyer très attendu, avant de céder la place à Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, qui devrait dire son opposition radicale à l'entrée des Palestiniens dans le cercle des États membres.
Et après ? Concrètement, il ne devrait rien se passer d'autre aujourd'hui. Peut-être même pas davantage avant des semaines ou des mois. Car la procédure que s'apprête à engager Mahmoud Abbas ne dispose d'aucun calendrier. Saisi de la demande palestinienne, Ban ki Moon doit la soumettre au Conseil de sécurité. Qui devra alors organiser le vote de ses membres, ce qui peut prendre là des semaines voire des mois. Délai, dans ce cas, salvateur, estiment certains observateurs...
Qui va voter quoi ?
Le Conseil de sécurité compte quinze membres. Pour aboutir, la demande palestinienne doit obtenir en principe au moins neuf voix. Improbable.
Cinq uniquement - Brésil, Chine, Liban, Russie, Afrique du Sud - ont assuré Mahmoud Abbas de leur vote. La Colombie elle promet de s'abstenir. Et des huit États qui gardent encore leurs intentions secrètes - Allemagne, Bosnie-Herzégovine, France, Gabon, Grande-Bretagne, Inde, Nigeria, Portugal -, une majorité serait encline à s'abstenir aussi.
Enfin, dans l'hypothèse improbable d'une majorité pour le projet Abbas, les États-Unis ont d'ores et déjà promis d'opposer leur veto. Ce qui signifie dans tous les cas de figure que la Palestine n'est pas près de devenir Le 194e État.
Les Palestiniens disposent-ils d'un plan B ?
Évidemment. C'est même la botte secrète de Mahmoud Abbas, en cas d'échec devant le Conseil de sécurité : celui-ci pourrait se tourner vers l'Assemblée générale des Nations Unies, pour demander alors un statut d'État observateur non membre, comme celui du Vatican. Demande directement accessible, puisqu'on sait déjà qu'il peut compter sur 126 voix sur les 193 que compte l'Assemblée.
C'est d'ailleurs la suggestion pragmatique qu'a faite ce mercredi à New York Nicolas Sarkozy : attribuer directement à la Palestine ce statut à titre temporaire, le temps que Palestiniens et Israéliens parviennent à un accord de paix "définitif", soit selon lui d'ici à un an. Histoire surtout d'éviter à Mahmoud Abbas de rentrer sur ses terres éclatées complètement bredouille...
Quelle différence entre État membre et État observateur ?
Actuellement, la Palestine est simple "entité observatrice" à l'ONU, un statut accordé à l'OLP en 1974. Obtenir le statut d'État observateur lui confèrerait de nouveaux droits non négligeables, comme adhérer à l'Unesco ou l'OMS, et surtout se pourvoir devant la Cour pénale internationale.
_ En revanche, ce statut ne dit rien des frontières, il n'établit aucun tracé définitif. Et ne donne pas le droit de vote.
Les enjeux de ce jeu de dupes ?
Les Israéliens sont littéralement terrorisés à l'idée de voir la Palestine devenir un État. État-membre, bien sûr, car il pourrait alors être défini dans ses frontières de 1967, ce qui reviendrait à qualifier les colons israéliens d'occupants. Mais la perspective d'un État observateur ne leur plaît pas beaucoup plus. Car alors les Palestiniens seraient en droit de saisir la justice internationale contre les autorités israéliennes.
_ Toutefois, certains spécialistes estiment que ce nouveau droit pourrait être à double tranchant, les Palestiniens devant alors répondre devant la CPI du moindre obus lancé en Israël depuis Gaza.
La manœuvre est délicate pour Mahmoud Abbas, contesté sur son terrain, par le Hamas. Camper sur sa demande de reconnaissance, dont l'issue est inéluctable ? Ou évoquer dès aujourd'hui le plan B, au risque de se voir accusé de capituler ? Comment rentrer sur ses territoires morcelés sans s'aliéner une opinion palestinienne échaudée depuis 60 ans ?
Barack Obama enfin lui aussi joue gros. Son discours -"il n'y a pas de raccourci possible"- radicalement opposé à la démarche palestinienne, a sonné comme une traîtrise dans tout le monde arabe. Un potentiel veto pourrait avoir un effet dévastateur.
Cécile Quéguiner, avec agences
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