Témoignage "La plupart de la ville est rasée" : des humanitaires, qui ont pu accéder au nord de la bande de Gaza, décrivent "l'apocalypse"

Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un char israélien à proximité de l'hôpital Al-Shifa, à Gaza, le 15 novembre 2023. (- / ISRAELI DEFENCE FORCES)
La bande de Gaza reste inaccessible à la plupart des médias depuis plusieurs semaines. Chose rare : un camion humanitaire a pu acheminer de l'aide jusqu'à l'hôpital Al-Shifa, dans un paysage apocalyptique. Les responsables du convoi sur place racontent ce qu'ils ont vu à franceinfo.

Dans la bande de Gaza, la semaine dernière, un camion de carburant a pu atteindre l’hôpital Al-Shifa dans la ville-même de Gaza. C’est assez rare. L'aide humanitaire est régulièrement bloquée au sud. Ce camion, notamment piloté par l’ONU et Médecins sans frontières, est passé par une route qui permet de mesurer l’ampleur du désespoir de la population dans cette partie nord de l'enclave, qui reste inaccessible aux journalistes internationaux.

Par la vitre d’une des deux voitures blindées qui encadrent le camion-citerne blanc et jaune, après le contrôle de l’armée israélienne réalisé avec des drones, on voit la ville de Gaza. Une vie s’organise tant bien que mal dans un paysage de fin du monde, au milieu des gravats. Olga Cherevko, de l’Office de coordination humanitaire de l’ONU, était sur le siège passager dans la dernière voiture : "Si vous avez déjà vu n'importe quel film sur l'apocalypse, sur la fin du monde ou Mad Max… N'importe quoi de totalement extrême et de terriblement choquant, c'est ce qu'on voit là-bas. Je connais très bien Gaza, j'y ai vécu. Quand j'y suis allée, je n'ai pas pu reconnaître les endroits qui étaient là avant. La plupart de la ville est rasée. C'est complètement détruit."

"Ils survivent, plus qu'ils ne vivent"

La progression du camion est laborieuse. La route de Salah-Eddine est recouverte de sable, et parfois de débris, mais elle n'est pas défoncée. Il faut une bonne partie de la journée pour faire 17 kilomètres et arriver à l’hôpital Al-Shifa où Aurélie Godard, pour Médecins sans frontières, mesure l’abysse dans lequel se trouvent les Palestiniens : "Ils sont désespérés de la situation. Il y en a plein qui ont mentionné qu'ils n'avaient nulle part où aller, qu'ils n'avaient plus de maison... L'alimentation est difficile, l'accès à l'eau est un challenge au quotidien. C'est difficile de croire en un futur", explique-t-elle, avant de préciser : "Ils survivent, plus qu'ils ne vivent."

Environs 300 000 Gazaouis vivent encore dans le nord, d’après l’ONU. Ils sont nombreux à l’hôpital Al-Shifa, résolus à rester malgré les conditions de vie et les combats qui se poursuivent autour : "Ils disent 'Je préfère vivre dans ma maison en ruines puisque, quitte à y être mal, car je ne serai pas forcément plus en sécurité dans le sud et je serai dans une tente sans eau et sans électricité au milieu de je ne sais combien de centaines de milliers de réfugiés...'", précise Aurélie Godard.

L'hôpital Al-Shifa fonctionne a minima : il peut tenir six jours avec cette nouvelle livraison de fioul. Mais l’accès au nord est extrêmement restreint. Sur les quinze premiers jours de janvier, 95% des missions de l’ONU ont été refusées par les Israéliens.

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