Vidéo "Dans la promiscuité, une femme réfugiée n’a plus d’intimité, plus aucune autonomie", confie Noor, déplacée dans le sud de Gaza

Noor Swirki, 35 ans, est une journaliste palestinienne vivant à Gaza. Comme des centaines de milliers de civils palestiniens, elle a fui vers le sud de l’enclave où elle est devenue "réfugiée".
Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Noor Swirky, journaliste palestinienne réfugiée dans la zone Al Mawassi à Rafah, dans l'extrême sud de Gaza, le 6 janvier 2024. (NOOR SWIRKY)

Avant le 7 octobre, Noor vivait avec sa famille dans un appartement dans le quartier résidentiel d'al Rimal, dans le centre de la bande de Gaza. Noor et son mari font partie de la classe moyenne, ont un emploi. La jeune femme de 35 ans est journaliste. Le couple s'en sort plutôt bien. Mais avec le déclenchement de la guerre d'Israël contre le Hamas, sa vie et celle de ses proches a basculé. Pour franceinfo, elle partage son quotidien.

Jusque-là, le quartier de Noor et sa famille, pourtant connu pour être le plus sûr de l'enclave palestinienne, est l'une des premières cibles de l'armée israélienne. Plusieurs immeubles sont pulvérisés par les missiles. Ils fuient vers un autre quartier relativement plus calme, mais quelques jours après leur arrivée, l'armée israélienne ordonne l'évacuation des civils.

Des tentes à perte de vue

Au troisième jour de la guerre, l'exode commence pour Noor. "On a été déplacés deux fois en nous éloignant vers le sud, raconte-t-elle. Il y a quelques semaines encore, on se croyait à l'abri à Khan Younès avant d'être obligés de fuir vers Rafah pour vivre sous une tente."

 

Installée à Rafah, à un peu plus d'un kilomètre de la frontière avec l'Egypte, Noor entendait de loin les bombardements sur Khan Younès, la grande ville du sud encerclée par l'armée israélienne. Depuis le premier week-end du mois de février, les frappes visent aussi Rafah. Nous la rappelons pour essayer d'avoir des nouvelles. "Il y a des frappes sur Rafah mais nous ne sommes pas morts. La notion de sécurité est inexistante dans une guerre menée par Israël. On n'a aucune garantie de rester en vie", nous dit-elle.

La journaliste palestinienne ne s'attarde pas trop sur la situation sécuritaire ou politique, mais insiste plutôt sur les déplacements sans fin des populations civiles. 

"Ici à Rafah, certains ont été déplacés trois ou quatre fois et tentent de survivre. C’est très difficile de se retrouver dans un endroit où l’on ne connaît personne avec des tentes à perte de vue et des dizaines de milliers de déplacés qui errent dans les rues."

Noor Swirky, journaliste palestinienne déplacée à Rafah

à franceinfo

Pour Noor, chaque jour est un combat pour trouver le minimum : de l'eau pour se laver, pour boire et des produits de première nécessité. A cause de la guerre, les prix ont flambé. C'est parfois cinq ou six fois plus cher. A ce stade, elle arrive encore à se débrouiller avec ses économies mais elle se considère particulièrement chanceuse par rapport à tous ceux qui l'entourent, à cette misère qui s'impose comme une évidence.

"L'intimité est un rêve du passé"

Mère de deux enfants, Noor affirme qu'elle doit redoubler d'efforts pour s'occuper de sa famille et trouver des ressources supplémentaires pour aider ses enfants à traverser cette épreuve. "Il faut les nourrir quand ils ont faim, illustre la jeune femme. Leur trouver des vêtements quand ils ont froid. Il n'y a rien sur le marché. Et il faut les rassurer, les protéger et surtout rester digne malgré cette humiliation quotidienne."

En racontant son quotidien, Noor insiste sur la difficulté en tant que femme de se retrouver sous une tente dans la promiscuité.

"Nous avons perdu toute intimité. On dort habillées parce que l’on n’a aucun endroit pour se changer. L’intimité est un rêve du passé. On a perdu notre indépendance, notre autonomie et l’on essaie de garder notre dignité malgré tout."

Noor Swirky, journaliste palestinienne réfugiée à Rafah

à franceinfo

La journaliste devenue "réfugiée", comme elle dit, se désole de cette situation dans laquelle  les femmes de sa génération se retrouvent aujourd'hui à vivre comme leurs arrière-grands-mères, sans cuisinière, sans four, sans électricité. Un retour vers le passé pour cette femme progressiste qui n'arrive plus à se projeter dans l'avenir. "Je n'arrive pas à imaginer comment sera notre vie après cette guerre. Comment on va survivre avec toutes ces blessures. Combien on va souffrir encore. Tous ces proches qui vont nous manquer. C'est une guerre totale qui marquera notre mémoire, notre dignité et notre entité", explique-t-elle.

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