Au lendemain de l'entrée des rebelles dans la capitale, Tripoli oscillait entre liesse et inquiétude lundi
Durant toute la journée, les rebelles ont joué au chat et à la souris avec les derniers soldats fidèles à Kadhafi.
Les insurgés n'ont pas encore pris totalement le contrôle de la ville et les points de contrôles sont rares. L'électricité, l'eau et internet sont coupés et les habitants commencent à craindre de manquer de nourriture.
L'ère du régime de Mouammar Kadhafi "touche à sa fin", a estimé lundi le président américain Barack Obama, exhortant le dirigeant libyen à renoncer "expressément" au pouvoir.
Selon Rome, le régime du colonel Kadhafi ne contrôle pas plus de 10 à 15 % de Tripoli.
Des renforts arrivent par la mer depuis Misrata
Les rebelles libyens ont continué lundi d'envoyer des bateaux chargés de combattants et de munitions vers Tripoli depuis leur enclave côtière de Misrata, 200 km plus à l'est, selon le CNT.
La veille, lors de l'offensive des rebelles sur la capitale, près de 200 éléments rebelles venus de Misrata avaient infiltré Tripoli par la mer depuis Misrata pour prendre part aux combats, selon cette même source.
A Benghazi, fief de l'insurrection dans l'Est, plusieurs dizaines de milliers de personnes en délire se sont rassemblées dans le centre ville et ont piétiné des portraits de Kadhafi. "Bye bye le frisé !", "Dieu est grand !", scandait la foule.
Préparé depuis des mois, le soulèvement de la capitale a été coordonné par des cellules de l'opposition sur place. Selon une source diplomatique à Paris, les cellules rebelles de Tripoli n'ont fait que suivre les plans établis il y a des mois et répondu au signal.
Libyens célébrant l'arrivée des rebelles à Tripoli dans la nuit du 21 au 22 août 2011
(AFP -STR)
Le chef d'Etat libyen reste introuvable
Selon un diplomate présent dans la capitale libyenne, qui l'a rencontré au cours des deux dernières semaines, le colonel Mouammar Kadhafi serait encore dans sa résidence de Bab Al Aziziya à Tripoli.
De violents combats ont fait rage lundi autour de Bab Al Aziziya, une forteresse de plusieurs hectares qui a été la cible de plusieurs raids de l'OTAN depuis le début de ses opérations en Libye, en mars.
Quasiment tous les bâtiments ont été rasés par les bombardements occidentaux. Mais le "guide" libyen disposerait de plusieurs bunkers dans sa résidence, a ajouté la source diplomatique.
Des poches de résistance à Tripoli
Les affrontements se sont poursuivis lundi dans plusieurs quartiers du centre-ville, selon des témoins qui ont signalé la présence de tireurs pro-Kadhafi embusqués sur des toits d'immeubles.
Les rebelles ont annoncé qu'ils contrôlaient la télévision nationale, qui a cessé d'émettre, affichant un écran blanc.
L'un des principaux responsables du CNT, Mahmoud Jibril, a demandé aux combattants rebelles de s'abstenir de toute vengeance. Il les a mis en garde contre des "poches" de résistance pro-Kadhafi dans la capitale.
Le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, a lui évoqué "des actes de vengeance", menaçant de démissionner pour protester contre les violences perpétrées selon lui par certains combattants rebelles.
En privé, de nombreux responsables de l'OTAN soulignent que la neutralisation totale de l'armée libyenne pourrait nécessiter encore plusieurs jours ou semaines.
Plusieurs fils de Kadhafi arrêtés, l'un d'eux s'est évadé
Le fils aîné du "guide", Mohammed Kadhafi, arrêté dimanche par les rebelles dans sa résidence de Tripoli est parvenu à s'échapper, a indiqué une source rebelle lundi soir sous couvert de l'anonymat. Après sa capture, les autorités de la rebellion n'avaient donné aucune précision sur le lieu ou les conditions de sa détention.
Le plus jeune fils du Colonel Kadhafi, Saïf al-Islam, a lui aussi été arrêté dimanche soir, a indiqué le Conseil national de transition libyen. Une arrestation confirmée par le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo. La CPI discute avec les rebelles du transfèrement de Seif Al Islam, recherché pour crimes contre l'humanité. Deuxième fils du colonel Kadhafi et porte-parole officieux du régime, Saïf al-Islam était souvent présenté comme le futur successeur de son père.
Selon la chaîne Al-Arabiya, un autre fils du leader libyen, Saadi, ancien footballeur professionnel, a été arrêté par les rebelles.
Enfin, selon la chaîne Al Jazira citant une source non identifiée, deux corps, dont l'un pourrait être celui de Khamis Kadhafi, l'un des fils du dirigeant libyen, ont été découverts lundi. Khamis Kadhafi commandait une unité d'élite de l'armée libyenne, mise en déroute par les rebelles.
Un membre des forces rebelles tire en l'air à Benghazi tire en l'air pour célébrer l'arrivée des insurgés à Tripoli (AFP - GIANLUIGI GUERCIA)
L'action de l'OTAN
Les Etats-Unis ont intensifié ces derniers jours leur activité aérienne autour de Tripoli, en utilisant notamment des drones armés, ce qui a pu contribuer à faire pencher la balance en faveur des rebelles libyens, rapporte dimanche le New York Times. Citant des responsables non-identifiés, le quotidien écrit que l'aviation américaine a établi ces derniers jours une surveillance permanente au-dessus et autour des zones toujours contrôlées par les forces loyales au colonel Mouammar Kadhafi.
Les forces américaines ont notamment eu recours à des drones Predator pour détecter, suivre et à l'occasion frapper les troupes du colonel, selon la même source.
Dans le même temps, la Grande-Bretagne, la France et d'autres pays ont déployé au sol des forces spéciales pour participer à l'entraînement et à l'armement des rebelles, ajoute le quotidien.
Jusqu'à samedi, les avions de l'alliance occidentale ont mené au total 7459 missions en Libye, attaquant des milliers de cibles, du lance-roquettes aux quartiers-généraux des forces libyennes, indique le New York Times.
Ces raids ont non seulement détruit les infrastructures militaires du régime mais ont également fortement réduit la capacité des officiers loyalistes à diriger leurs troupes. Des unités loyalistes se sont ainsi retrouvées dans l'incapactité de se déplacer, de se ravitailler, ou de mener des opérations, selon le quotidien américain.
Réactions à l'étranger
Le président américain Barack Obama: "la façon la plus sûre de mettre un terme au bain de sang est simple : Mouammar Kadhafi et son régime doivent reconnaître que leur règne est terminé. Kadhafi doit regarder la réalité en face, il ne contrôle plus la Libye. Il doit abandonner le pouvoir une fois pour toutes."
"La Libye que vous méritez est à votre portée", a dit Barack Obama plus tard dans un message adressé aux rebelles libyens. Mais il les a prévenus que leur combat "n'est pas encore terminé" et que "des éléments du régime continuent de constituer une menace".
La Chine "respecte le choix du peuple libyen et espère un retour rapide de la stabilité en Libye", a indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué sur son site internet.
Le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy: "Alors que l'issue ne fait désormais plus de doute, le président de la République exhorte le colonel Kadhafi à éviter à son peuple de nouvelles souffrances inutiles en renonçant sans délai à ce qui lui reste de pouvoir".
Le secrétaire d'Etat britannique aux Affaires étrangères, Alastair Burt: ""La première des priorités doit être de s'assurer que l'ordre est maintenu, qu'il y a de la nourriture, de l'eau, de l'électricité, toutes les choses ont les gens ont besoin pour leur existence quotidienne. L'expérience d'autres villes montre que quand le Conseil national de transition a pris le contrôle des mains du régime de Kadhafi, les choses se sont très bien passées, sans aucun accroc".
Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Fratini: "Le seul chemin que Kadhafi doit prendre est celui de la reddition. Le régime devrait nommer deux figures faisant autorité, qui ne sont pas salies par des crimes", pour procéder à la transition.
Le président du Vénézuéla, Hugo Chavez, l'un des derniers alliés du dirigeant libyen, a estimé que les gouvernements occidentaux "sont en train de détruire Tripoli sous les bombes".
Réactions en France
Le candidat à la primaire PS François Hollande: "On a le sentiment que tout va commencer. Quelle va être la capacité de cette coalition hétéroclite de faire véritablement un changement? Va-t-il y avoir un redressement de la Libye qui soit conforme à des principes démocratiques? Il va falloir aussi accompagner la solution politique".
Le président du Modem, François Bayrou: "Je veux avoir une pensée pour les victimes de Lockerbie (...) tués par le fanatisme de Kadhafi (en 1988, NDLR). C'est un événement qui marque une page et c'est un succès pour les amis de la liberté. Kadhafi doit être arrêté et jugé".
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