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Présidentielle en Ukraine : le conflit déchire les familles

REPORTAGE | On vote aussi ce dimanche en Ukraine. C’est l’élection présidentielle qui fait suite à la révolution de février et à la fuite du dictateur Viktor Ianoukovitch. Un scrutin dont on sait déjà qu’il sera très perturbé dans l’est du pays où les séparatistes pro-russes tiennent plusieurs villes. Cette élection et ce conflit provoquent des tensions désormais jusque dans les familles.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Au bord de l'étang de Kalmius, en pleine ville de Donetsk, où l'on vient se détendre et jouer en famille © Radio France / Jean-Marie Porcher)

L’étang de Kalmius est un endroit paisible au cœur de Donetsk. Il y a des jeux pour enfants, des agrès de gymnastique, des tables de ping-pong et une petite plage. Même s’il y a des barrages et des hommes armés à quelques kilomètres, les familles viennent comme chaque week-end se délasser ici au bord de l’eau. On parle du beau temps ou des vacances scolaires qui débutent, mais on évite de parler de la crise qui secoue la région. Cette crise fait bien du souci à Anastasia, 76 ans venue avec une voisine pour bronzer en maillot.

"C’est à cause de ces histoires de séparatistes que je me suis disputée avec un de mes fils. Lui et moi, on ne se parle plus du tout depuis quinze jours, depuis leur satané référendum !  Il soutient les pro-russes, alors que moi je veux qu’on reste dans l’Ukraine. Je voudrais pouvoir voter. Ce fils dont je vous parle, il a un jumeau qui lui, est de mon côté, parce que - comme moi -  il préfère croire la télé ukrainienne que les télés russes.

Si on veut se réconcilier, refaire nos déjeuners du dimanche ensemble, il va falloir qu’on fasse tous des concessions. C’est comme à la tête du pays : toutes les parties devraient essayer de trouver un terrain d’entente, que tout le monde pose les armes", confie la septuagénaire

La majorité des habitants reconnaît que comme chez Anastasia, les discussions politiques se sont envenimées chez eux ces derniers jours. Là, un vieil homme nostalgique de l’URSS parle du  fossé qui s’est creusé entre lui et son neveu qui rêve d’une Ukraine européenne.

Ici, de vieilles blessures se réveillent chez une grand-mère qui en veut à sa petite fille de soutenir le pouvoir de Kiev, qui pour  elle ne vaut pas mieux que les nazis de 40.

Un sujet devenu tabou

Au bord de l’étang, sur un banc, Tatiana, la cinquantaine surveille de loin une petite fille dont elle est la nourrice. C’est avec son mari que Tatiana, elle, a des relations tendues depuis la révolution de février.

"Mon époux n’a pas voulu m’accompagner pour le référendum. Alors, qu’il ne compte pas sur moi pour participer à cette présidentielle organisée par des voyous. Pour moi, Ianoukovitch est le seul président légitime. Ma fille est d’accord. Mais mon mari, avec mon fils, ils disent qu’il faut tourner la page !

Malgré tout, ça reste mon mari. Je l’aime"  dit-elle embarrassée. "Alors quand on regarde les infos,  je lui dit : Chéri, on regarde, mais après, on éteint et zéro commentaires !  Si on ne s’oblige pas à se taire, on va encore se disputer"  ajoute Tatiana en souriant. Elle essaye de s’amuser de cette situation mais sait bien que la querelle est profonde.

L’avenir du pays est devenu un sujet tabou ici. Un tabou également entre amis. Et pour préserver de bonnes relations avec ses voisins, là aussi il faut éviter de commenter les derniers affrontements.

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