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Pollution: les paquebots de croisière n’amusent plus

Ils sont énormes, gigantesques, et commencent à irriter. Pas seulement les yeux mais aussi les bronches. «Ils», ce sont les paquebots géants qui assurent les croisières en Méditerranée ou ailleurs dans le monde. Des ONG dénoncent le niveau de pollution atmosphérique provoqué par ces monstres marins dont les moteurs tournent 24 heures sur 24, souvent au fuel lourd…
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'Allure of the Seas, le plus grand bateau de croisière jamais construit, dans le port de Marseille en mai 2015. (BORIS HORVAT / AFP)

L'«Allure of the Seas» est un monstre : 362 m de long, 5.230 passagers, 2.300 membres d'équipage, 25 restaurants, quatre piscines, bains à remous, deux  simulateurs de surf ou encore une patinoire… Voyage, évasion, luxe, escales de rêve, l'immeuble blanc posé sur la mer azur peut faire rêver... et tousser quand la fumée de ses moteurs retombe sur le port d'escale.

Les paquebots sont d'énormes machines qu’il faut faire tourner 24 heures sur 24. «C'est une petite ville», explique Adrien Brunetti de France  Nature Environnement (FNE). «Les moteurs tournent en  permanence pour alimenter les besoins des passagers», ajoute le responsable de l'organisation écologique qui a lancé une campagne, «la croisière abuse», contre la pollution générée par ces navires. Même si ces bateaux ne sont surement pas les plus polluants, par rapport à leur taille.

Une campagne de mesure
L'ONG allemande Nabu, partenaire de FNE, organise une campagne de mesures dans plusieurs ports européens, Marseille, mais aussi Venise, Barcelone, Lisbonne, Athènes ou Hambourg, pour mettre en évidence la pollution atmosphérique de ces géants des mers, dont «Allure of the Seas» est l'archétype.
 
Selon le Dr Axel Friedrich, consultant pour Nabu, un petit détecteur à particules en main, ce paquebot produit 80 mégawatts pour l'énergie à bord et 60 pour la propulsion, simplement en brûlant du diesel, entraînant le rejet d'oxydes de soufre, oxydes d'azote et particules fines. D'où une pollution en mer, à l'approche des côtes et au stationnement que la brise marine repousse le plus souvent à l'intérieur des terres.

Mais c'est surtout le type de carburant utilisé qui exaspère les défenseurs de l'environnement: du fioul lourd, peu cher, très chargé en soufre, à 3,5%, «jusqu'à 3.500 fois plus polluant que les voitures». «Et les moteurs ne sont  pas équipés de filtres à particules!». Sur le rivage, «une usine semblable n'aurait pas le droit de fonctionner» sans filtres, assure le Dr Friedrich.


Exemple à Marseille
A Marseille, FNE et Nabu ont mesuré une pollution de fond, en l'absence de paquebot, de 3.000 particules fines entre 20 nanomètres (milliardièmes de mètres) et 1 micromètre (millionième de mètre) au cm3, explique M. Friedrich. Quand le paquebot est à l'escale, ce taux atteint jusqu'à 6.000, en fonction du vent et 200.000 au cm3 dans le panache de fumée.

En Méditerranée, contrairement à l'Europe du Nord, aucune législation n'impose l'utilisation d'un carburant moins polluant. La seule contrainte est d'utiliser un carburant avec 0,1% de soufre dans les ports. «Mais il n'y a pas de contrôle», constate le Dr Friedrich.
 
Selon l'ONG Transport and Environment, environ 50.000 morts prématurées en  Europe sont imputables à la pollution atmosphérique maritime, alors que des  mesures simples permettraient de la réduire de 80 à 90%.

Les croisiéristes se défendent en expliquant avoir équipé leurs navires - dont «Allure of the Seas» -  de "scrubbers", des systèmes de lavage des fumées qui réduisent de 90% les émissions d'oxydes d'azote et de soufre, souligne Cédric Rivoire, directeur général France de la CLIA, une organisation qui regroupe les croisiéristes. Le GPMM (port de Marseille) et le CLIA ne nient pas les problèmes mais nuancent les résultats de l'étude de FNE en affirmant que d'autres mesures montrent que les paquebots ne sont responsables que de 4% des émissions de particules fines. Les professionnels de la croisière insistent sur leurs efforts en faveur de l'environnement. Ils «travaillent actuellement sur le développement de filtres à particules, des épurateurs, les carburants maritimes alternatifs, et l'utilisation de gaz naturel liquéfié», nous précise le responsable du CLIA France.

Mais ce débat ne touche pas que l'Europe. En Alaska, plusieurs croisiéristes ont été condamnés pour n’avoir pas respecté les règles environnementales, rapporte un site américain

Campagne contre la pollution en Australie par les bateaux de croisière (site stopcruiseshippollution.org) (stopcruiseshippollution.org/)

Des solutions existent
Les croisiéristes qui jouent sur la beauté des paysages et une image environnementale sans défaut essayent de trouver des solutions. La possibilité de brancher les navires en escale sur le réseau électrique de la ville d'accueil existe mais la puissance nécessaire impose de gros investissements. Le Port de Marseille installe actuellement un dispositif de branchement pour l'alimentation des navires à quai. Mais «dans l'état actuel des choses, il n'est pas adapté à un navire de croisière qui a besoin d'une puissance électrique 10 fois supérieure à celle d'un ferry», précise la porte-parole du Port de Marseille.

Autre solution, changer l'énergie utilisée par ces paquebots. Le gaz naturel peut remplacer le fuel. La compagnie Costa Crociere, filiale du  géant américain Carnival, proposera à partir de 2019 à ses clients des  croisières à bord de méga-navires dotés de moteurs hybrides utilisant du gaz naturel liquéfié (GNL). Une commande pour deux bateaux de ce type, qui pourront transporter chacun 6.600 passagers à bord, a été passée auprès des chantiers navals Meyer de Turku en Finlande, a-t-elle affirmé fin juillet 2015. 

Une technologie déjà mise en oeuvre sur des paquebots construits à Saint-Nazaire au début du millénaire. «Le Celebrity Millennium a été le premier navire de croisière à utiliser un système de propulsion par turbine à gaz sans fumée», rappelle Celebrity Cruise

Cette transformation devrait réduire la pollution dans les ports. Mais les monstres seront toujours là. Et leur pollution visuelle aussi.

Un paquebot géant domine Venise (2013) (ANDREA PATTARO / AFP)

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