Les horreurs de la guerre en ex-Yougoslavie vues par la justice internationale
Goran Hadzic, 54 ans, a été de février 1992 à décembre 1993 l'éphémère «président» de la «République serbe de Krajina», qui représentait environ un tiers du territoire de la Croatie. Dernier suspect à passer en première instance devant le TPIY, il succède, devant ce tribunal aux grands noms qui ont fait l'actualité tragique de la guerre de Yougoslavie : Slobodan Milosevic, Rodovan Karadzic ou Ratko Mladic.
Les procès de Radovan Karadzic, l'ex-président de la République serbe de Bosnie et de Radko Mladic, son ex-commandant en chef, sont encore en cours, dix-sept ans après les massacres de Srebrenica de 1995, par les nationalistes serbes. Le procès de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic, arrêté en avril 2001 à Belgrade, a été stoppé par sa mort le 11 mars 2006 en cellule à La Haye, aux Pays-Bas, où se trouve le TPIY. Son procès s'était ouvert le 12 février 2002.
Création du TPIY, le 25 mai 1993
«Alarmé par les informations qui continuent de faire état de violations flagrantes et généralisées du droit humanitaire international sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et spécialement dans la République de Bosnie-Herzegovine, particulierement celles qui font état de tueries massives, de la détention et du viol massifs, organisés et systématiques des femmes et de la poursuite de la pratique du "nettoyage ethnique", notamment pour acquérir et conserver un territoire»...
C'est par ces mots que le Conseil de sécurité de l'ONU décida «par la présente résolution de créer un tribunal international dans le seul but de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie entre le 1er janvier 1991 et une date que déterminera le Conseil après la restauration de la paix.»
Ce texte est extrait de la résolution 827 du conseil de sécurité de l'ONU qui a créé, le 25 mai 1993, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Le TPIY est chargé de juger les responsables présumés de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis lors des conflits qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie depuis janvier 1991.
Le tribunal international fonctionne sur une base de droit anglo-saxon (avec notamment le plaider-coupable) et a employé jusqu'à 800 personnes de 76 nationalités différentes. Ce tribunal est la première grande manifestation d'une justice internationale depuis le tribunal de Nuremberg, instauré par les vainqueurs de l'Allemagne nazie.
161 personnes inculpées
161 personnes, principalement des Serbes, ont été mises en accusation par le TPIY pour des crimes commis entre 1991 et 2001 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
«126 des 161 personnes mises en accusation devant le Tribunal ont été jugées en dernier ressort. 17 accusés en étaient au stade de l’appel, le procès en première instance était en cours pour 17 autres accusés et l’affaire était au stade de la mise en état pour un autre encore», rapportait le président du TPIY dans son dernier rapport en août dernier devant l’ONU. L'affaire «au stade de la mise en état», évoquée dans le rapport, est le dossier concernant Goran Hadzic, arrêté le 20 juillet 2011, qui vient donc de s'ouvrir. Plus aucun suspect n'est en fuite.
126 Verdicts
Sur les 126 accusés dont les procédures sont closes, 64 ont été condamnés, 13 acquittés, 13 renvoyés devant une juridiction nationale, 16 décédés avant le prononcé d'un jugement et 20 ont vu les poursuites à leur encontre abandonnées.
La peine maximum encourue est la réclusion à perpétuité, prononcée à cinq reprises par le tribunal, notamment pour des personnes accusées du massacre de Srebrenica ou du camp de concentration de Prejidor.
Quelles que soient les critiques adressées à cette justice internationale, il faut aller sur le site internet du TPIY pour prendre conscience du drame yougoslave à travers les fiches consacrées aux sentences, qui touchent essentiellement des nationalistes serbes, mais pas seulement, puisque des nationalistes croates et des Musulmans ont aussi été poursuivis et condamnés. Le site du tribunal récapitule l'intégralité de ces décisions, avec une fiche par accusé, retraçant le motif des poursuites (avec la liste précise des crimes), les débats et la peine prononcée.
Les mots «viols», «meurtres», «pillages», «traitements inhumains», «séparation ethnique», «camps», «sévices graves», «tortures quotidiennes»... apparaissent à chacune des pages.
L'exemple yougoslave
«Le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie peut se targuer de belles réussites, mais aussi de lourds échecs. A son actif, il a été le premier à inculper de crimes de guerre un chef d'Etat en exercice, Slobodan Milosevic. Hélas, Milosevic est mort en prison, quelques semaines avant le verdict. Cela a été un terrible coup dur» affirmait, dans Le Point, Christian Chartier, longtemps porte-parole de cette institution, avant de fonder et de diriger le Centre d'observation de la justice internationale et transitionnelle, à l'université de Limoges.
Le TPIY a montré l'importance du politique dans les arrestations des suspects. Sans la pression des Etats sur la Serbie, les principaux responsables politiques à l'époque des tueries n'auraient jamais été arrêtés.
Dans la foulée du TPIY, l'ONU a créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Le 17 juillet 1998, à l'issue d'une conférence organisée par les Nations-Unies à Rome, le principe d'une Cour pénale internationale permanente a été adopté. 120 Etats ont voté pour, 7 contre, et 21 se sont abstenus. Le seuil des 60 ratifications, condition juridique nécessaire à la mise en place de la Cour pénale internationale, a été franchi à peine quatre ans plus tard. Aujourd'hui 121 pays ont adhéré. Parmi eux, cependant, on ne trouve ni la Chine, ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni Israël.
Malgré l'exemple yougoslave, où un ex-chef d'Etat a été poursuivi, aucune grande puissance n'a encore été inquiétée par une quelconque justice internationale.
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