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Nouveau programme politique du Hamas : «poudre aux yeux» ou avancée réelle?

Pour la première fois de son histoire, l’organisation islamiste palestinienne Hamas a modifié, le 1er mai 2017, son programme politique. Elle dit désormais accepter un Etat palestinien limité aux frontières de 1967. Dans le même temps, elle insiste sur le caractère «politique» et non religieux de son conflit avec Israël. Vrai changement ou virement tactique?
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Militants du Hamas lors d'une manifestation contre Israël à Gaza le 25 novembre 2016 (REUTERS - Ibraheem Abu Mustafa)

Dans le document en arabe et en anglais rendu public que le mouvement a adjoint à sa charte rédigée en 1988, le Hamas estime que «l'établissement d'un État palestinien entièrement souverain et indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale, (...) avec le retour des réfugiés et des déplacés dans leurs maisons dont ils furent expulsés, est une formule de consensus national.»

En présentant une nouvelle plateforme cherchant à atténuer le ton belliqueux de son texte fondateur, le Hamas veut se présenter en interlocuteur acceptable. Mais il aura fort à faire pour sortir de son isolement, estiment experts et adversaires du mouvement islamiste palestinien.
           
Le nouveau document affirme que le Hamas ne combat pas «les juifs parce qu'ils sont juifs», mais lutte contre «les sionistes qui occupent la Palestine». Il «considère que le problème juif, l’antisémitisme et la persécution des juifs sont des phénomènes fondamentalement liés à l’histoire européenne, et non à l’histoire des Arabes et des musulmans.»

Il ne fait plus mention des Frères musulmans, dont le Hamas est pourtant issu, alors qu'ils étaient cités à plusieurs reprises dans la charte.

Le Hamas essaie «de duper tout le monde», selon Netanyahu
Pour Israël, ce texte ne change rien et le Hamas essaie «de duper tout le monde», a réagi le gouvernement de Benjamin Netanyahu.

De leur côté, des diplomates occidentaux ont pris note des amendements apportés par le Hamas, tout en s'interrogeant sur leur concrétisation. Pour l'instant, la nouvelle déclaration «n'est qu'un bout de papier. Attendons de voir si les politiques changent vraiment», a déclaré un diplomate sous couvert de l'anonymat. Le Hamas refuse toujours d'accéder aux exigences primordiales de reconnaissance d'Israël ou de renonciation à la lutte armée, souligne l'un d'eux.

Le leader du Hamas, Khaled Meshaal, présente le nouveau document politique de l'organisation islamiste palestinienne à Doha (Qatar) le 1er mai 2017. (REUTERS - Naseem Zeitoon)

Cette déclaration générale de principes et de politiques, rendue publique le 1er mai 2017, est la première révision en près de 30 ans de la charte rédigée en 1988, un an après la fondation du mouvement. Officiellement, le document ne se substitue pas à cette charte. Mais de nombreux analystes voient en lui un nouveau manifeste de référence appelé à faire oublier le texte historique réclamant la destruction d'Israël.

L'isolement du Hamas
Prônant le djihad, volontiers décriée comme antisémite, la charte de 1988 contribue à faire du Hamas un partenaire inacceptable pour une partie de la communauté internationale, en particulier dans la recherche d'une paix toujours insaisissable avec Israël. Il reste considéré comme une organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis, l'Union européenne ou l'Egypte. Et ce malgré sa victoire aux dernières législatives palestiniennes en 2006 et le fait qu'il gouverne sans partage les deux cinquièmes des Palestiniens dans les Territoires.
           
Isolé régionalement depuis la répression contre la puissante confrérie en Egypte et depuis le Printemps arabe, le Hamas cherche à rassurer Le Caire et les pays du Golfe, souligne Mukhaimer Abu Saada, expert politique gazaoui. Il peut aussi chercher à améliorer son image auprès des Occidentaux. D’où, sans doute, l’allusion de son texte au fait que «le rôle des femmes palestiniennes est fondamental dans le processus de construction du présent et du futur».

«Mais s'il n'accepte pas la solution à deux Etats» et donc la reconnaissance d'un Etat israélien vivant en paix aux côtés d'un Etat palestinien, «la communauté internationale ne le sortira pas de la liste des organisations terroristes», dit Mukhaimer Abu Saada, cité par L’Obs. «Mais cela pourrait encourager certains Etats qui interagissaient déjà avec le Hamas à officialiser leurs relations», prédit-il, Et de citer notamment la Russie, la Turquie, la Norvège et le Qatar.

Reconnaissance d'Israël ou pas?  
Le Hamas dit aussi accepter, à l'évidence provisoirement, un Etat palestinien dans les frontières précédant la victoire militaire israélienne de 1967 et l'occupation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de Gaza. Cet Etat ne s'étendrait donc pas sur toute la Palestine mandataire, y compris l'actuel Etat israélien.

Manifestation du Hamas, le 11 décembre 2016, pour le 29e anniversaire du mouvement islamiste. ( REUTERS - Ibraheem Abu Mustafa)

Dans sa volonté de pragmatisme, le Hamas paraît ainsi prendre en compte la réalité de l'existence d'Israël. Il y va aussi de son souci «d'unité nationale» avec les autres factions palestiniennes, selon Mukhaimer Abu Saada. Les dissensions profondes entre le Hamas et l'Autorité palestinienne passent pour un obstacle majeur à la recherche de la paix. Or l'Autorité, reconnue internationalement et dont le président Mahmoud Abbas devait être reçu le 3 mai par le président américain Donald Trump, reconnaît Israël.
 
Cela reste hors de question pour le Hamas, qui considère Israël comme une «entité usurpatrice» et «illégale». La Palestine continue à s'étendre «du Jourdain à l'Est à la Méditerranée à l'Ouest». Donc y compris en Israël. Le but du Hamas reste «de libérer la Palestine», et «la résistance et le djihad pour la libération de la Palestine restent un droit légitime, un devoir et un honneur», affirme-t-il.

Le colonel Peter Lerner, porte-parole d'une armée israélienne qui a livré trois guerres au Hamas depuis que ce dernier a pris le pouvoir à Gaza en 2007, a dénoncé le 1er mai de «la poudre aux yeux» à l'attention des Occidentaux. «Les paroles du Hamas sont dépourvues de signification tant qu'il refuse de reconnaître Israël», a dit de son côté le président républicain de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants américains. Ed Royce. «Je veillerai à ce que le Hamas continue à figurer sur la liste des organisations terroristes aussi longtemps qu'il lancera des roquettes sur les civils israéliens.»
           
Un diplomate occidental discerne toutefois des signaux positifs. «Il y a longtemps que les diplomates poussent à une modification de la charte», précise-t-il. Tout en admettant que ces signaux étaient peu susceptibles de faire bouger officiellement les lignes.

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