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Nicolas Sarkozy est intervenu lundi pour condamner l'assassinat de Michel Germaneau, l'otage français au Sahel

Selon la chaîne Al-Jazira, dimanche, le groupe al-Qaïda au Maghreb (Aqmi) avait indiqué avoir exécuté Michel Germaneau.La France et la Mauritanie avaient lancé deux opérations au Mali pour tenter de libérer cet homme de 78 ans, enlevé en avril au Niger, et détenu au Mali par l'Aqmi.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Le président confirme la mort de Michel Germaneau, sur le perron de l'Elysée, le 26 juillet 2010. (AFP/ERIC FEFERBERG)

Selon la chaîne Al-Jazira, dimanche, le groupe al-Qaïda au Maghreb (Aqmi) avait indiqué avoir exécuté Michel Germaneau.

La France et la Mauritanie avaient lancé deux opérations au Mali pour tenter de libérer cet homme de 78 ans, enlevé en avril au Niger, et détenu au Mali par l'Aqmi.


Réunion d'un conseil de Défense et de sécurité
Au cours d'une intervention à l'Elysée lundi matin, le président Nicolas Sarkozy a confirmé la mort de l'otage français Michel Germaneau au Sahel, revendiquée dimanche par al-Qaïda au Maghreb islamique.

Le chef de l'Etat a condamné cet "acte barbare, cet acte odieux qui vient de faire une victime innocente", un crime qui "ne restera pas impuni". Nicolas Sarkozy, qui a assuré que tous les moyens avaient été mis en oeuvre pour tenter de libérer l'otage de 78 ans, n'a pas précisé les circonstances du décès de l'ingénieur français. Le président a encore précisé qu'il n'y a pas eu "le moindre dialogue avec les autorités françaises".

Il a demandé "instamment" aux Français "de renoncer à voyager" dans le Sahel.

Un "conseil restreint de défense et de sécurité" sur cette affaire s'était réuni auparavant à L'Elysée. Il a réuni autour du chef de l'Etat, le Premier ministre François Fillon, Brice Hortefeux (Intérieur), Bernard Kouchner (Affaires étrangères), le directeur du cabinet d'Hervé Morin (Défense) ainsi que le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE) Erard Corbin de Mangoux et le directeur central du renseignement intérieur (DCRI) Bernard Squarcini.

Nicolas Sarkozy a annoncé que le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, se rendrait dès lundi soir au Mali, au Niger et en Mauritanie. Le but de sa visite étant "d'examiner avec les autorités locales et nos ambassadeurs les mesures de sécurité à prendre pour nos ressortissants".

Le chef de l'Etat a par ailleurs annoncé avoir "demandé au Premier ministre de recevoir dès aujourd'hui les présidents des commissions des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat".



Une revendication de l'Aqmi
"Nous annonçons avoir exécuté l'otage français dénommé Michel Germaneau samedi 24 juillet pour venger nos six frères tués dans la lâche opération de la France", aux côtés des forces mauritaniennes contre une unité d'al-Qaïda, a déclaré le chef de l'Aqmi, Abou Moussab AbdelWadoud, dans cet enregistrement.

Un élu et un notable du nord du Mali ont confirmé dans la nuit de dimanche à lundi à l'AFP que l'otage français avait bien été exécuté comme l'a affirmé al-Qaïda au Maghreb islamique.

"Oui, c'est vrai, après l'échec du raid franco-mauritanien de jeudi, Aqmi a exécuté l'otage français", a déclaré, sous couvert d'anonymat, un élu de la région malienne de Kidal où était censé être détenu Michel Germaneau. Un notable du nord du Mali, impliqué dans toutes les négociations pour libérer les otages dans cette zone et qui n'a pas non plus souhaité être nommé, a pour sa part déclaré: "C'est sûr, pour se venger de la mort de plusieurs de leurs éléments, ils ont tué l'otage français. Nous venons de l'apprendre par des canaux traditionnels".

Une très forte inquiétude
Dimanche, au Mali, des sources au sein de services de sécurité et de renseignement avaient assuré à l'AFP que l'inquiétude était à son comble sur le sort du Français, impliqué dans l'action humanitaire.

Samedi, un responsable français avait annoncé que des militaires français (de 20 à 30) avaient participé le 22 juillet à un raid dans le désert malien contre un groupe de l'Aqmi, en pensant avoir localisé l'otage. Le camp de l'Aqmi avait été attaqué par des commandos français et des unités mauritaniennes. Sept jihadistes avaient été tués au cours de l'attaque, et quatre étaient parvenus à s'enfuir. L'otage français, Michel Germaneau, n'était pas présent dans ce camp.

Les Mauritaniens (avec l'aide des militaires français ?) avaient menés samedi un autre raid ontre l'Aqmi, selon une source du ministère de la Défense.

Nicolas "Sarkozy a échoué à libérer son compatriote par cette opération mais il a, sans aucun doute, ouvert pour lui, pour son peuple et pour son pays l'une des portes de l'enfer", a encore déclaré le chef de l'Aqmi dans l'enregistrement dont l'authenticité ne pouvait être vérifiée à ce stade.

"Depuis l'enlèvement de notre compatriote, les ravisseurs, en dépit des efforts des autorités françaises, ont refusé tout dialogue et n'ont formulé aucune revendication précise", a affirmé dimanche le ministère français des Affaires étrangères.

Les ravisseurs de M. Germaneau avaient diffusé le 14 mai une photo où il paraissait très fatigué et un appel à l'aide de l'otage au président français Nicolas Sarkozy. Le 12 juillet, le chef de l'Etat avait a fait part de sa "brûlante inquiétude" concernant l'otage.

La veille, Aqmi avait publié un message à l'attention de Paris dans lequel il menaçait de tuer le Français sous 15 jours si Paris ne répondait pas à ses demandes.

Dans la soirée, un responsable français sous couvert d'anonymat a affirmé à l'AFP que Paris "avait la conviction" que Michel Germaneau "était mort depuis plusieurs semaines".

Londres avait refusé de céder aux exigences du groupe qui réclamait des Britanniques qu'ils oeuvrent à la libération de plusieurs de ses membres prisonniers dans des pays du Sahel.

Ces mêmes exigences ont été formulées par Aqmi - qui détient également deux otages espagnols - pour qu'elle épargne Michel Germaneau.

Réaction
"Si l'exécution (de Michel Germaneau) se confirme, mes deux sentiments sont la tristesse et la colère", a déclaré dimanche soir à l'AFP Olivier Thomas, maire (PS) de Marcoussis, où habitait Michel Germaneau.

"Mon premier sentiment est la tristesse, l'injustice. Ca tombe sur un homme qui se dévoue aux autres, qui se dévoue à un continent entier", a déploré Olivier Thomas, pointant du doigt le "fanatisme religieux, quelle que soit la religion".

Seconde question du maire: "Comment ? Qui a décidé que la France allait participer (à un raid), alors que la vie d'un otage était en jeu ? Comment cela a-t-il été géré, et comment en est-on arrivé là ?", a questionné Olivier Thomas.

Déroulement des évènements

Avril 2010
19: Un Français, Michel Germaneau, et son chauffeur algérien sont enlevés dans le nord du Niger par un groupe se réclamant d'Al-Qaïda.

23: Le gouvernement nigérien confirme le rapt du Français et de l'Algérien par un "groupe armé non identifié" dans la région frontalière du Mali et de l'Algérie.

26: Paris confirme qu'un ressortissant français a été enlevé le 19 avril dans le nord du Niger précisant que sa disparition est survenue dans une zone pour laquelle existait une recommandation formelle de ne pas se rendre.

29: Libération de l'Algérien, selon des sources sécuritaires nigériennes, qui affirment que l'otage français est "dans le désert côté malien" avec ses ravisseurs.

Mai
6: Le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) revendique le rapt du Français. La chaîne Al-Jazira ajoute que le groupe a demandé à "la France et à ses alliés dans la région la libération de ses détenus" en contrepartie de celle du ressortissant français.

14: Aqmi diffuse un enregistrement sonore et une photo présentés comme ceux du Français enlevé. Dans ce message, s'adresse au président français Nicolas Sarkozy pour lui demander d'oeuvrer à sa libération. Aqmi indique que le rapt a eu lieu le 22 avril.

Juin

9: Le ministre mauritanien de la Défense affirme qu'il n'est "pas question pour la Mauritanie" de libérer des membres d'Aqmi pour obtenir la libération d'otages occidentaux.

juillet
11: Aqmi publie un message à l'attention de Paris dans lequel il menace de tuer le Français, si Paris ne répond pas à ses demandes d'ici 15 jours.

12: Nicolas Sarkozy évoque "une inquiétude brûlante" pour l'otage français retenu "quelque part dans le Sahel".

13: La France affirme n'avoir reçu "aucune demande" des ravisseurs, en indiquant prendre "très au sérieux" l'ultimatum.

22: Les ravisseurs ont refusé jusqu'à présent tout contact avec les autorités françaises (ministère français des Affaires étrangères).

22: L'armée mauritanienne mène une opération contre "une base" d'Al-Qaïda "dans le désert" et y tue des "terroristes armés".

23: Paris confirme avoir apporté "un soutien technique et logistique" à l'opération mauritanienne.

24: Paris déclare que le but du raid était de libérer l'otage et que vingt à trente militaires fançais étaient impliqués dans l'opération. Les autorités françaises ajoutent n'avoir aucune preuve de vie de Michel Germaneau.

25: Le chef d'Aqmi, Abou Moussab AbdelWadoud, annonce dans un enregistrement sonore diffusé par la chaîne Al-Jazira que l'otage a été exécuté.

25: La présidence française indique qu'elle n'a "pas de confirmation" immédiate de l'exécution. Un "conseil de défense et de sécurité" est convoqué pour le lendemain.


Prisonnier d'un homme "violent et brutal"
Michel Germaneau était apparemment détenu par une cellule de l'Aqmi dirigée par l'Algérien Abdelhamid Abou Zeïd, décrit comme "violent et brutal". En juin 2009, cet homme avait déjà exécuté un otage britannique, Edwin Dyer, enlevé six mois auparavant. La Grande-Bretagne avait alors refusé de céder à ses exigences d'oeuvrer à la libération de plusieurs de ses sympathisants incarcérés dans plusieurs pays du Sahel. L'Aqmi a formulé les mêmes exigences vis-à-vis de la France pour la libération de Michel Germaneau.

Les ravisseurs de ce dernier refusaient depuis la mi-juin de laisser parvenir à l'otage, qui souffre d'une maladie cardiaque, les médicaments dont il avait besoin, selon des sources sécuritaires au Mali.

Un ancien otage de l'Aqmi, le Français Pierre Camatte (voir plus loin), a décrit ses ravisseurs comme des "fanatiques" qui "disent que les musulmans de France ne sont pas de vrais musulmans, que ce sont eux qui détiennent la vérité et que leur objectif est d'islamiser le monde entier".

"Zeïd est vraiment violent. Ils nous a reproché de travailler pour les 'Blancs' (Européens) qui ne sont (selon lui) que des impies", a rapporté un médiateur malien qui a eu l'occasion de discuter avec lui.

Abou Zeïd, Hamadou Abid de son vrai nom, est connu de longue date des spécialistes du terrorisme. Issu de l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), il est réputé avoir toute la confiance d'Abdelmalek Droukdel, 39 ans, qui dirige l'Aqmi depuis l'Algérie où il a répandu la stratégie de l'attentat-suicide et de la guerre urbaine.Michel Germaneau, un militant associatif actif
Vivant à Marcoussis (Essonne) , Michel Germaneau était parti au Niger pour le compte de l'association Enmilal (entraide, en touareg), créée fin 2006.

"C'est un membre très actif de l'association, qui prend des médicaments pour le coeur. Il était allé voir le fonctionnement d'une école que nous avons ouverte en 2009 dans le village In-Abangharet au Niger, qui accueille des enfants pensionnaires. La construction d'un dispensaire est en projet et il venait de quitter le village lorsqu'il a été enlevé", a raconté la présidente de l'association, Yvonne Montico.

"Michel, c'était notre conseiller technique, il avait notamment fait en sorte de poser un panneau solaire sur le toit de l'établissement scolaire", a confié Yvonne Montico au Parisien. "Il voulait aider tout le temps", a-t-elle ajouté.

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Michel Germaneau, dans une vidéo diffusée le 13 mai 2010 sur internet (AFP - IntelCenter)
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Sur la photo diffusée sur internet à la mi-mai par l'Aqmi, Michel Germaneau apparaît fatigué. Dans un enregistrement audio, il dit souffrir de la chaleur et parle de ses problèmes cardiaques, soulignant ne plus avoir de médicaments. Barbu, il est vêtu d'une tunique ocre et porte un turban sur la tête.

Au cours de sa vie professionnelle, Michel Germaneau a travaillé pour différentes entreprises en tant qu'ingénieur électronicien avant de prendre sa retraite, selon Pierre Duprat, un ami de longue date de l'otage. "A ce titre, il a beaucoup voyagé, à Mururoa en Polynésie française, au Brésil, ou au Gabon", précise-t-il. "Il a notamment participé à la construction du train transgabonais", ajoute-t-il. L'ancien ingénieur a de la famille en France mais il a rompu tout lien avec elle, indique cet ami.

Originaire de Bordeaux, Michel Germaneau est aussi un passionné de ski et de montagne, selon l'une de ses voisines à Marcoussis, Danielle Gourmelin. Il vit depuis plusieurs décennies dans une maison située dans une petite rue de cette ville, sans beaucoup de contacts avec ses voisins dont plusieurs ont appris seulement cette semaine qu'il était otage au Sahel.

Une banderole sur la mairie de Marcoussis
Depuis jeudi, une banderole est déployée sur la mairie de Marcoussis, qui a décidé de se mobiliser : "Marcoussis solidaire de Michel Germaneau. Otage au Sahel. Signez l'appel à sa libération en mairie."

"Dans les premiers temps, la stratégie a été de ne pas médiatiser l'affaire. Puis, le 11 juillet, il y a eu de nouvelles menaces et un ultimatum, et, dans son discours du 12 juillet, Nicolas Sarkozy en a parlé, c'est donc devenu public", explique le maire de Marcoussis, Olivier Thomas. "Nous voulons que tous les Français soient au courant de la situation de cet homme. Des inconnus aussi sont pris en otage, il est important de se mobiliser de la même façon", fait-il valoir.

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