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MSF lance un cri d’alarme sur la situation sanitaire au Yémen

Des membres de Médecins sans frontières, de retour du Yémen, décrivent une situation sanitaire "au bord de l’explosion".
Article rédigé par franceinfo
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  (Une femme et son père attendent qu'un lit se libère dans un hôpital de Sanaa ©REUTERS/Khaled Abdullah)

“La population fait face à des pénuries de nourriture, le système de santé est en voie d’écroulement. Je n’ai jamais vu un tel niveau de violence” , affirme Thierry Goffeau, coordinateur des projets à Aden pour MSF. Il est rentré il y a trois jours, avec d’autres membres de l'organisation, de cette ville du sud du Yémen. Pendant deux mois et demi, ils ont vécu sous les bombardements, dans un hôpital situé à 400 mètres de la ligne de front.

Depuis le 26 mars, la coalition militaire arabe menée par l’Arabie Saoudite s’est lancée dans une campagne de raids aériens, en soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi exilé en Arabie Saoudite, pour contrer l’avancée des rebelles Houthis. “Aden est complètement détruite, il n'y a plus aucun service public, c'est un dépotoir à ciel ouvert ce qui entraîne des risques au niveau sanitaire” , raconte Thierry Goffeau.

“Pendant les dix semaines de mission, je n’ai pas eu une seule nuit complète, et je ne parle pas des chirurgiens qui travaillent jour et nuit. Il n’y a pas eu une seule journée de répit” , ajoute-t-il.

Une équipe de MSF de retour du Yémen témoigne au micro de Gaële Joly, du service monde de France Info

Des hôpitaux surchargés

Les combats se sont calmés dans la ville d'Aden, reprise par les forces pro-gouvernementales fin juillet, mais les centres de soins restent exposés. “Les balles perdues sont encore le lot quotidien des habitants et des médecins qui ont fixé des plaques de métal sur les fenêtres des hôpitaux pour limiter les risques", explique le coordinateur de MSF.

Pendant les conflits, le centre de traumatologie et un hôpital d’urgences chirurgicales d’Aden gérés par MSF “recevaient près de 350 nouveaux patients par semaine", explique  Xavier Guinotte, directeur-adjoint des opérations à MSF. “Il est très difficile d’avoir accès aux populations et aux populations d’avoir accès aux hôpitaux du fait des bombardements et des combats” , relate-t-il.

Entre saturation des unités de soins et pénurie de médicaments, le “système sanitaire est clairement au bord de l’explosion” , ajoute-t-il. Thierry Goffeau rapporte de son côté que "des femmes nécessitant une césarienne meurent parce qu'elles n'arrivent pas à temps" à l'hôpital. L’ONG indique sur compte Twitter avoir pris en charge plus de 9.000 patients dans ses neuf structures de soins depuis le 19 mars.

(Traduction: MSF a reçu 9.095 blessés de guerre et a réalisé 4.303 opérations au Yémen depuis le 19 mars)

Ce mardi, les forces loyalistes ont repris la base aérienne d’Al-Anad, qui était tombée aux mains des rebelles chiites Houthis, à une soixantaine de kilomètres au nord d’Aden.

L'ONU estime que 80% de la population a besoin d’une aide. L'organisation a donc décrété le 1er juillet le niveau d’urgence humanitaire le plus élevé, et ce pour six mois.

Mais l’embargo sur les armes, voté en avril par les Nations-Unies, pour empêcher les rebelles Houthis de s'en emparer, a des effets pervers : la coalition arabe contrôle l’arrivée des cargaisons par avion ou bateau sur le territoire yéménite.

Pour Françoise Bouchet Saulnier, spécialiste du droit chez MSF, c’est une difficulté supplémentaire: “Cette question d’un contrôle des airs et de la mer en pratique par la coalition (...) conduit à des destructions de bateaux ou à des interdictions qui s’apparentent à un blocus.” 

Françoise Bouchet Saulnier, spécialiste du droit chez MSF, au micro de Gaële Joly

Le conflit aurait fait 4.000 morts en quatre mois selon l’ONU.

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