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Sur France Ô mercredi 5 février: Bagdad ville violente
En novembre 2013, Stéphane Dubun, Grégoire Deniau et Guillaume Martin tournaient à Bagdad un documentaire sur la sécurité dans la ville. Chaque jour, ils nous adressaient une photo, une «chose vue» dans la capitale irakienne. Le 5 février, France Ô a diffusé le reportage réalisé par l'équipe. L'occasion pour Stéphane Dubun de revenir sur leur travail.
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Est il facile de tourner en Irak ?
C'est excessivement compliqué. Grégoire Deniau, Guillaume Martin et moi avions pourtant l'autorisation écrite et officielle du bureau de la presse. La police irakienne nous a quand même confisqué l'une de nos caméras à l'aéroport. Nous ne l'avons récupérée que plusieurs jours plus tard. Mais nos nombreux séjours en Irak depuis les années 90 nous ont appris à être méfiants… Nous avions donc avec nous d'autres caméras plus discrètes.
Sortir une caméra est donc difficile. D'abord parce qu'il y a des barrages et des contrôles sur presque chaque route. Des policiers, des militaires, des miliciens chiites ou sunnites, chacun veut tout contrôler: le matériel, l'objet du tournage, etc. Pour pouvoir filmer, il faut impérativement être accompagné, et pas seulement d'un traducteur.
Par exemple, pour entrer dans le fief chiite de Sadr City, il faut passer par la milice de Moqtada Al Sadr. Pour les quartiers sunnites, nous étions avec les miliciens du Sarwa. Pour les zones d'al-Qaïda, nous étions avec l'armée irakienne. Impossible et dangereux de tourner seul dans la rue. Mais nous ne voulions pas filmer avec la protection permanente d'une escorte. Nous souhaitions rester discrets, et le plus possible au contact direct de la population, ce que nous avons fait. Nous sommes d'ailleurs les seuls à avoir tourné un si long format en Irak depuis longtemps.
Nous avons aussi utilisé une caméra cachée pour filmer juste après un attentat car pour le gouvernement chiite, la situation sécuritaire est sous contrôle, donc il autorise le moins possible d'images d'attentats. Et nous avons également filmé dans un magasin clandestin d'alcool attaqué plusieurs fois, dont un des vendeurs a été tué.
Comment est la vie quotidienne à Bagdad ?
Vivre en Irak est compliqué aujourd'hui. En 2013, il y a eu 9500 morts, dont une majorité à Bagdad. Presque chaque jour des voitures piégées ou des kamikazes explosent en pleine rue. Ces attentats sont souvent revendiqués par les terroristes sunnites d'al Qaïda ou affiliés à al-Qaïda, qui veulent à tout prix renverser le gouvernement chiite de Nouri al-Maliki.
Faire des courses, aller travailler, emmener ses enfants à l'école, chaque geste quotidien est dangereux. A cause des attentats bien sûr, mais aussi des enlèvements crapuleux. Il y en a une vingtaine par mois. Il faut payer une rançon pour être libéré. Par exemple, nous avons rencontré un chef d'entreprise qui a dû payer 30.000 dollars pour que son fils soit libéré.
Cette insécurité permanente fait les beaux jours des compagnies de sécurité. Nous en avons suivi une qui facture aux chefs d'entreprises 1500 euros pour un trajet de 20 km en voiture blindée de l'aéroport au centre ville, et 3500 euros la journée pour une protection complète. Les Bagdadis sont malheureusement à la merci d'une voiture piégée qui peut exploser n'importe quand et n'importe où…
Quel est l'avenir du pays ?
Le gouvernement chiite jouera sa survie lors des législatives de fin avril. Les sunnites minoritaires veulent revenir au pouvoir qu'ils occupaient sous Saddam. Ils s'estiment discriminés et veulent leur revanche.
Et la guerre en Syrie a évidemment des conséquences désastreuses en Irak. Les combattants chiites de Moqtada se battent aux côtés de Bachar al-Assad contre les rebelles sunnites dont certains viennent aussi d'Irak…
Les villes irakiennes de Falloudjah et Ramadi sont contrôlées par al-Qaïda, les habitants fuient... Après 23 années de dictature Saddam Hussein,10 années de guerre, et deux ans après le départ des américains, les Irakiens que nous avons rencontrés ne pensent même plus à l'avenir. Ils essaient seulement de survivre au jour le jour.
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