Cet article date de plus de huit ans.

Obama laisse le champ libre à la Russie et à l'Iran au Proche-Orient

Elu pour mettre fin aux aventures militaires en Irak et en Afghanistan, Barack Obama a refusé de se laisser entraîner dans un nouveau conflit. Au Proche-Orient, l'effacement américain montre aujourd'hui ses limites. La Russie et l’Iran engrangent les succès dans la région, comme vient de le montrer la reprise de la ville de Palmyre à Daech. Une carte de plus dans la stratégie de Vladimir Poutine.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des étudiants de l'université al-Bath de Homs brandissent une banderole aux effigies de Vladimir Poutine et Bachar al-Assad, le 18 novembre 2015, en soutien à l'intervention de la Russie en Syrie. (Dmitriy Vinogradov/RIA Novosti/AFP)

Obsédée par l’idée de ne pas se laisser entraîner dans les conflits du monde, l’Amérique a théorisé une diplomatie en arrière-plan, à partir des coulisses (Leadership from behind). Une politique qui consiste à partager le fardeau politique et financier de la suprématie. On peut dire aujourd’hui que Barack Obama a délégué la guerre en Syrie à la Russie, le conflit Ukrainien à l’Allemagne et à la France, le problème libyen à l’Italie, le Sahel à la France... Selon Benjamin Haddad, chercheur à l’Hudson Institute de Washington, «il existe aujourd’hui aux Etats-Unis une vrai remise en cause du fait que les Etats-unis ont un rôle à jouer sur la scène internationale… On peut résumer la position américaine par une phrase : en faire moins pour que nos alliés en fassent plus.»
 
L’Amérique n’a plus vocation à régler tous les problèmes du monde
Cet effacement américain est une forme de désengagement. Le 30 août 2013 aurait signé la fin du rôle de l’Amérique comme superpuissance. Ce jour-là, Barak Obama renonce à bombarder Bachar al-Assad qui venait pourtant de franchir la ligne rouge, en utilisant des armes chimiques contre sa population. L’ancien champion du monde russe Gary Kasparov se dit persuadé que l’intervention russe en Syrie et l’invasion de la Crimée furent décidées par le maître du Kremlin après la reculade syrienne d’Obama. Vladimir Poutine n’a sans doute pas les moyens de défier directement le géant américain, mais guette toutes les occasions pour reprendre un peu de puissance.
 
Aparté entre Obama et Poutine sur la Syrie en marge du G20. (AFP/pool photo)

Pour Washington, la Chine a remplacé la Russie comme menace stratégique principale. Moscou apparaît même au Proche-Orient comme un élément de la solution. «La Guerre froide est terminée, tout comme la nécessité stratégique de contrer l’avancée de Vladimir Poutine en Syrie», affirme le président américain dans la revue the Atlantic.
 
Indépendance énergétique américaine
Avec l’indépendance énergétique acquise grâce au pétrole et au gaz schiste, le Proche-Orient est devenu moins vital pour les Etats-Unis. Dans une interview accordée au journaliste Jeffrey Goldberg, Barack Obama révèle son art de la (non) guerre: «La Russie peut remporter une victoire à court terme, mais ce sera douloureux à plus long terme pour l’économie russe… De plus, l’Arabie Saoudite va devoir s’accommoder du retour de l’Iran.» Après avoir désamorcé la menace nucléaire iranienne, Barack Obama a clairement remis Téhéran dans le jeu proche-oriental face à une Arabie Saoudite jugée obscurantiste et dangereuse.
 
Après l’effacement américain du Proche-Orient, quatre puissances régionales sont appelées à se partager la région : l’Iran, l’Arabie Saoudite, Israël et la Turquie. Les Américains prennent toutefois au sérieux la lutte contre le terrorisme. Des soldats des forces spéciales américaines sont en Irak en soutien à l’armée irakienne et aux combattants kurdes contre Daech. Ce Leadership from behind montre toutefois ses limites. Selon une source du renseignement américain citée par la journaliste du Figaro Laure Mandeville, «John Kerry n’a pas réussi à arracher aux Russes un accord sur le départ de Bachar al-Assad, permettant un processus politique incluant l’opposition sunnite… Les Russes bloquent parce qu’ils lient le départ d’Assad à une levée des sanctions occidentales infligées à Moscou sur la Crimée et l’Ukraine. Ce que les américains n’acceptent pas.» Conclusion de la journaliste du Figaro: «Poutine n’essaie pas de régler la question syrienne, mais s’emploie à en tirer des avantages.»
 
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.