«Notre ami Poutine» en passe de gagner son pari au Proche-Orient et en Ukraine
Renversement d’alliance en vue au Proche Orient. Au nom de la nécessaire lutte contre l’EI, Donald Trump semble prêt à se rapprocher de Moscou et même de Téhéran. Le roi de l’immobilier l’avait d’ailleurs affirmé durant sa campagne électorale lors d'un des débats télévisés l’opposant à Hillary Clinton: «Je n’aime pas du tout Assad, mais il tue les gens de l’EI, la Russie aussi tue les gens de l’EI de même que l’Iran.»
Donald Trump aux Etats-Unis, comme le candidat à la primaire de droite en France François Fillon, se rapproche de Bachar al-Assad au nom de la nécessaire lutte contre Daech. Le président syrien est tenu à bout de bras depuis quatre ans par Moscou et Téhéran. La République islamique d’Iran vient de reconnaître avoir perdu plus d’un millier de soldats sur le sol syrien, sans parler des centaines de combattants du Hezbollah chiite libanais (pro-iraniens) morts au combat.
Le conflit syrien, parti d’une révolte de la population (libérée de la peur des Assads par la vague des Printemps arabes), a vite été détourné en une guerre régionale opposant l’Iran à l’Arabie Saoudite.
Dans ce vieux conflit qui oppose les théocraties chiite (Téhéran) et sunnite (Ryad), Américains et Russes se situaient jusqu’à présent dans deux camps opposés. Les Américains soutiennent leur allié historique dans la région l’Arabie Saoudite, Moscou l’axe chiite: Téhéran, Damas, Beyrouth (Hezbollah). Dans ce jeu stratégique à plusieurs bandes, «Moscou et l’EI s’entretiennent plus qu’ils ne se combattent», écrit le journaliste Alain Frachon.
Contradictions américaines au Proche-Orient
Mais Donald Trump affirme aussi vouloir contenir l’Iran, ce qui semble quelque peu contradictoire avec son éloge de la politique russe dans la région. A moins qu’il espère jouer –on ne sait comment – la Russie contre l’Iran. Pour la majorité républicaine au Congrès, proche de la position israélienne, le danger principal reste l’expansionnisme iranien. En fin de compte, la guerre de George W.Bush en Irak, qui a coûté des milliards de dollars, aura livré la région aux Mollah iraniens.
Donald Trump explique son soutien à Poutine par la priorité absolue accordée au démantèlement de l’EI. Pourtant, dans cette lutte contre Daech, ce sont les milices kurdes qui étaient en première ligne à Kobane, comme elles le sont à Raqqa et à Mossoul alors que les Russes eux bombardent surtout les opposants à Bachar.
L’EI sortira très affaiblie de la chute annoncée de Mossoul et de Raqqa, et la priorité sera alors de stabiliser la région. Cela passe par une solution politique en Syrie qui permette une représentation des sunnites à Damas (et à Bagdad).
A moins d’aller vers une recomposition des frontières au Proche-orient, en créant une région sunnite et une région kurde dans la région.
«Il n’y a pas de paix durable possible avec Bachar», affirmait récemment Alain Juppé et on donc pas de retour possible des réfugiés syriens dans leur pays.
Danse avec Bachar
Vladimir Poutine a pour la France également énoncé ses préférences. Il a qualifié d’heureuse surprise la victoire de François Fillon à la primaire de la droite. Pour le Kremin, isolé sur la scène international depuis la crise ukrainienne, c'est le scénario rêvé.
François Fillon, russophile dans une certaine tradition française, voit dans la Russie un allié naturel face à la menace islamiste. «Est-ce qu'on essaie de stabiliser la Russie et de l'ancrer en Europe ou est-ce qu'on s'en fiche de l'isoler, de la provoquer et, mieux encore, de la pousser vers l'Asie?», demande l'ancien Premier ministre.
«On n'est pas dans une logique d'amitié, on est dans la prise en compte de la réalité du monde tel qu'il est», assure le député Serge Grouard, membre de l'équipe de Campagne de François Fillon.
Une realpolitik qui révèle surtout l’incapacité diplomatique des démocraties occidentales au Proche-Orient. Elles n’ont pas réussi depuis quatre ans à trouver une solution qui réponde aux aspirations légitimes des différentes composantes du peuple syrien. En attendant, à Alep, les bombardements russes s’intensifient sur les quartiers tenus par les rebelles (149 civils dont 19 enfants ont été tués dans la semaine du 21 novembre).
Poutine pourrait également profiter de ce nouvel isolationnisme américain, de cette tentation du repli, pour recréer sa zone d’influence sur les marges de l’ancienne Union Soviétique, comme il a commencé à le faire en Ukraine.
Nous avons affaire à une Russie réarmée et de nouveau impériale depuis l’invasion en Crimée et la guerre en Ukraine. «Nous devons être très vigilants pour que la Russie n’exploite pas de faiblesses ou de division dans l’UE et dans l’Otan», affirmait dans le journal Le Monde le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon.
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