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La révolte populaire à Bahrein

Petit royaume à majorité chiite, dirigé depuis 1783 par une dynastie sunnite, Bahrein vit depuis plus d'un an au rythme de manifestations sévèrement réprimées. Les protestataires demandant des réformes politiques et une véritable monarchie constitutionnelle.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une femme solidaire du militant des droits de l'Homme, Nabeel Rajab, arrêté le 5 mai 2012 à Bahrein à son retour du Liban. (AFP PHOTO / STR)

Situé dans le Golfe arabo-persique, le pays ne produit plus de pétrole, mais transforme et vend (30% du PIB) celui que lui cède à prix d'ami l'Arabie Saoudite (monarchie sunnite qui soutient la famille régnante bahreïnie). Bahrein a également investi le secteur financier (25% du PIB), qui s’est déplacé de Beyrouth à Manama lors de la guerre civile au Liban en 1975.

Les chiites – 65% des 550.000 Bahreïnis – se disent victimes de discriminations économiques et politiques dans ce pays riche. Le régime, qui s’appuie sur les 30% de sunnites du pays, leur reproche, entre autres, de collaber avec l’Iran chiite.

Naissance d’un conflit dans l’histoire
Ce petit Etat-archipel de quelque 700 km² et 36 îles, dont certaines minuscules, a été conquis au 18e siècle par la dynastie sunnite al-Khalifa. La population était déjà chiite.

La période coloniale britannique révolue, l’indépendance acquise en 1971 fait naître de nombreux mouvements politiques et sociaux. Nationalistes arabes, communistes, islamistes… se cotoient avant que l’émir ne suspende la vie parlementaire en 1975.

La révolution iranienne de 1979 remet en selle les islamistes chiites, la population étant soumise à de fortes difficultés économiques et un chômage galopant.

 

Manifestation monstre à Jidhafs, à l'est de Manama, le 27 avril 2012. Les manifestants dénoncent la violence de la répression. (HO / AL-WEFAQ / AFP)

 

Un émirat devient royaume
En 1994, une révolte populaire fait rage. Elle ne cesse qu’en 1999, après l’arrivée au pouvoir de Cheikh Hamad ben Issa al-Khalifa, à la mort de son père. D’émir, il se fait nommer roi en 2002 et hisse de fait le pays au rang de monarchie constitutionnelle, laissant croire à une possible ouverture.

Le hic, c’est que la constitution est rédigée sans l’opposition et la création de deux chambres du parlement – l’une élue mais sans pouvoir et l’autre nommée par le roi – font le lit de la contestation qui ne baisse pas la garde durant les années 2000.

Explosion de colère dans la foulée du Printemps arabe
Début 2011, l’opposition descend dans la rue et campe sur la place de la Perle à Manama, la capitale, et réclame des réformes.

Elle est représentée par le mouvement des Jeunes du 14 février (date du début des manifestations), collectif anonyme s'exprimant sur les réseaux sociaux, et des groupes d'opposition au régime, le principal étant le parti al-Wefaq.

 

Bahrein, le 24 avril 2012. Des heurts sont quasi quotidiens entre jeunes et forces de l'ordre. Ici, à Jidhafs. (AFP PHOTO/STR)

 

Intervention étrangère
La répression est d’autant plus brutale qu’elle est menée par des troupes sunnites saoudiennes et émiraties. Elles agissent sous la bannière du Conseil de coopération du Golfe – Arabie Saoudite, Bahreïn, Qatar, Emirats arabes unis, Koweït et Oman.

Cette organisation de défense, qui a pour vocation d’intervenir dans un pays s'il subit une menace extérieure, brandit la supposée influence iranienne derrière la contestation pour agir à Bahrein.

Une zone stratégique
Ryad ne voit pas d’un bon œil des revendications démocratiques à sa porte. D’autant que sa minorité chiite se trouve de l’autre côté du pont de 26 kilomètres reliant les deux pays, au cœur de la zone pétrolifère saoudienne.

Quant aux Occidentaux, Américains en tête – ils possèdent une base militaire à Issa qu'ils veulent développer –, ils dénoncent mollement la répression.

 

Bahrein avant le Grand Prix de F1

BFMTV, le 19 avril 2012



La rue gronde et les troubles persistent
En mai 2012, les violences entre les forces de l’ordre et les manifestants sont quasi quotidiennes. Arrestations (vidéo en anglais) massives, tortures, procès arbitraires n’y changent rien.

En novembre 2011, une commission d'enquête indépendante dénonce un «usage excessif et injustifié de la force» de la part des autorités, qui en accepte ses conclusions, mais ne change pas ses méthodes. Depuis février 2011, il y aurait eu un millier d'arrestations et, selon Amnesty International, soixante personnes ont été tuées dont au moins quatre sous la torture.

L'opposition estime «insuffisantes» les réformes constitutionnelles proposées par le pouvoir et réclame plus que jamais un gouvernement et un parlement élus.

Le 22 avril 2012, la tenue du Grand Prix de F1 a été l’occasion pour les manifestants de médiatiser une révolte populaire qui ne l'est pas. Dernière grande manifestation en date ? Le 4 mai 2012, comme tous les vendredis depuis plus d’un an...

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